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Vendée Arctique : les enseignements de la course

La Vendée-Arctique-Les Sables d’Olonne, qui s’est élancée dimanche dernier, a été particulièrement animée, entre choix météo très différents et neutralisation de la course à l’est de l’Islande (finalement arrêtée). Charlie Dalin (Apivia) a coupé le premier la ligne virtuelle devant Jérémie Beyou (Charal) et Thomas Ruyant (LinkedOut). Tip & Shaft revient sur ces cinq jours, avec trois skippers Imoca, Clarisse CrémerKevin Escoffier et Yoann Richomme, ainsi que le président de la classe, Antoine Mermod.

Partis le dimanche 12 juin à 17h, les 25 Imoca engagés ont débuté par une course de vitesse vers l’ouest qui a interpellé nos experts : “Les trois-quatre premiers étaient sur une base de 600 à 700 milles en 24 heures. Ça a finalement tamponné, mais Charlie a approché les 500 milles en 24 heures avec 10 heures de pétole, c’est barjot ! Je pense que les records vont tomber le jour où la météo s’alignera bien [le record des 24 heures en solitaire est de 537 milles, par Alex Thomson en 2017, NDLR], constate Antoine Mermod. “C’est la première fois sur une course en solitaire qu’on voit les bateaux tenir des vitesses moyennes de l’ordre de 30 nœuds, c’était assez impressionnant, c’est la preuve que les skippers maîtrisent de mieux en mieux les foilers”, ajoute Kevin Escoffier.

Très vite, deux options se sont dessinées : les plus rapides, sont partis plein ouest, les bateaux à dérives ont misé sur une route plus directe, l’enjeu étant de négocier une première dorsale anticyclonique qui barrait la route de l’Irlande. “Pour les foilers, il fallait se décaler très à l’ouest pour aller là où la dorsale était la plus étroite, ensuite la traverser le plus vite possible, pour, derrière, garder du vent avant l’arrivée de la dorsale suivante qui balayait la flotte”, analyse Yoann Richomme. Finalement, ce scénario s’est déroulé comme prévu, mais seulement pour les trois premiersApiviaCharal et LinkedOut.

“Les autres n’ont pas vu que, au cas où ils allaient être en retard, ils allaient se retrouver dans la pire des situations, à savoir avoir fait beaucoup de route et se faire happer par la deuxième dorsale”, poursuit le futur skipper de l’Imoca Paprec-Arkéa“Ce n’est pas évident de parier autant sur une dorsale, parce qu’on sait que les fichiers ont du mal à bien lire les zones de molles, estime de son côté Clarisse Crémer. Certains se sont fait attraper derrière la première dorsale dans des bulles de vent qui étaient mal modélisées. A l’inverse, ceux qui étaient partis au nord-est sont non seulement mieux passés que prévu, mais en plus ont fait beaucoup moins de route, ce qui leur a donné une position très favorable par la suite.”

 

Benjamin ferré et Guirec Soudée
créent la surprise

 

C’est le cas, particulièrement, de Benjamin Ferré (Monnoyeur-Duo for a Job) et de Guirec Soudée (Freelance.com), quatrième et cinquième ce vendredi après-midi (finalement quatrième et sixième), eux qui ne disputent que la deuxième course en Imoca de leur vie ! Une surprise ? “Oui, on était en droit de ne pas les attendre là, répond Yoann Richomme. Surtout Guirec qui n’a aucun passé dans la voile de compétition, au contraire de Benjamin, dont j’avais suivi la Mini [3e en 2019 en série, NDLR]. Le scénario leur a été favorable car il n’y pas eu de gros bords de bourrin très rapides, mais ils ont su faire les bons choix de route.”

Benjamin ne s’est pas fait influencer par les autres, il est allé là où ça lui paraissait judicieux, et il a un des meilleurs bateaux dans la molle”, note Clarisse Crémer, en connaissance de cause puisque Monnoyeur-Duo for a Job n’est autre que son ancien Banque Populaire X. De son côté, Antoine Mermod ne se montre pas si étonné : C’est sur la Bermudes 1000 Race que Benjamin et Guirec m’ont surpris, ils avaient fait une super régate pour une première. Là, on voit qu’ils sont propres dans les transitions, ils ont bien joué leur jeu en fonction de la météo.”

Et Louis Duc tout à l’est ? (il terminera finalement 8e) “Il fait le grand tour, il est toujours dans le coup, car Benjamin, Guirec et Louis (Burton), qui sont au même niveau que lui en latitude, vont devoir traverser une zone de molle, analyse Kevin Escoffier. Maintenant, je pense qu’une fois qu’il avait pris cette option de partir dans l’est, il n’avait plus vraiment d’autre choix que de continuer, car il avait une grosse zone sans vent à traverser s’il voulait faire de l’ouest.”

 

“Charlie a le bateau le plus polyvalent”

 

Pas de surprise en tout cas pour le trio de tête, arrivé en Islande ce matin, avec une nouvelle domination de Charlie Dalin. Le Normand est-il vraiment au-dessus du lot ? “Pour moi, c’est le trio qui l’est, pas uniquement Charlie, il n’y a que quatre heures d’écart à la porte au bout de quatre jours de navigation dans des conditions variées”, répond Antoine Mermod. “Sur le premier bord de vitesse, Charlie n’était pas dominant, Charal a fait une très belle perf ; par contre, dès que ça devient compliqué et que le vent mollit, il tire son épingle du jeu, ajoute Yoann Richomme.

Qui donne quelques clés de cette domination : “Déjà, Charlie a un super niveau de figariste, ce qui l’aide dans ces phases de transition, il a aussi sûrement le bateau le plus polyvalent avec des foils qui traînent moins que ceux de Charal et un plan de voilure qui lui permet de mieux s’en sortir dans les transitions que LinkedOut, qui a de plus petites voiles.” Ses foils, plus grands que les nouveaux de ses concurrents l’avantagent-ils, comme le pensent certains ? “Ça l’aide quand le vent rentre : à 12 nœuds de vent, il commence à avoir un coup de boost”, poursuit Yoann Richomme, tandis que Kevin Escoffier relativise : “Ça peut faire la différence à des allures particulières, mais il ne faut pas résumer sa perf à ça : Charlie navigue très bien et il connaît très bien son bateau, qui est super polyvalent.”

 

La neutralisation globalement comprise

 

Les trois premiers en ont été quittes ensuite pour une longue attente sous le vent de l’Islande, la Vendée Arctique ayant été neutralisée par la direction de course en raison d’une violente dépression, avant finalement d’être arrêtée à la porte islandaise. Décision sage ou trop précautionneuse ?  “Ça peut parfois surprendre car nos bateaux sont construits pour faire le tour du monde en solitaire et sont donc censés passer partout, explique Kevin Escoffier, bien placé pour savoir que ce n’est pas toujours le cas. Mais là, même si cette course est très intéressante et bien organisée, il y a l’enjeu de la Route du Rhum en fin d’année, ça a peut-être joué.”

“Même si la course prend de l’ampleur, la Route du Rhum est plus importante, l’idée n’est pas d’aller jouer son va-tout. Je sais que par exemple Nicolas Lunven [qui la remplace sur cette coure, NDLR] avait envisagé de s’abriter, parce qu’il voulait prendre soin du bateau”, commente Clarisse Crémer. Antoine Mermod estime quant à lui que la direction de course a fait le bon choix : “On est encore en début de saison, dans des endroits qu’on ne connaît pas trop, on voit bien qu’entre ce que disent les fichiers et les skippers, il y a de sacrées différences. C’est du lourd ce qu’ils sont en train de prendre ! Des rafales à 50-60 nœuds, un mec comme Fabrice Amedeo n’en a pas vu sur le Vendée. Je ne sais d’ailleurs pas comment ils vont faire pour passer la porte, parce que ça se finit au près.”

 

Photo : Jean-Marie Liot / Alea / Vendée Arctique  

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