Ocean Fifty à Saint-Malo

Saint-Malo veut voir plus large

Saint-Malo accueille du 22 au 26 mai l’Act 1 des Ocean Fifty Series, qui réunira neuf équipages. La ville profite du coup d’envoi de la saison des trimarans de 50 pieds pour organiser le 22 mai un forum maritime sur l’avenir de la course au large dans la cité corsaire. Tip & Shaft fait le point sur le sujet. 

Sommes-nous aux prémices d’un futur pôle de course au large à Saint-Malo ? La journée du mercredi 22 mai, en plus de marquer le coup d’envoi de la saison des Ocean Fifty Series (qui ont succédé au Pro Sailing Tour), sera en tout cas l’occasion pour nombre d’acteurs locaux, invités à participer à un Forum Maritime au Palais du Grand Large, de se pencher sur un sujet qui, comme par exemple à La Rochelle, est sur la table depuis quelques années, mais peine à déboucher sur des avancées concrètes.

Pour Nicolas Belloir, adjoint au maire de Saint-Malo chargé des finances et de la coordination de la Route du Rhum, “ce forum est la première traduction de notre volonté de développer la course au large à Saint-Malo à travers la création d’un pôle nautiquepuisqu’en dehors de la Route du Rhum tous les quatre ans, il ne se passe pas grand-chose.” La région Bretagne étant propriétaire des ports de Saint-Malo, l’élu – également conseiller régional – souligne au passage que ce projet devra passer par un travail partenarial avec la région.

Cette dernière a par ailleurs délégué la gestion, l’exploitation, la maintenance ainsi que le développement des infrastructures de commerce, de pêche et de réparation navale, au groupe Edeis, ainsi que la gestion des ports de plaisance Vauban et des Bas-Sablons à la SPL Bretagne Plaisance. Une société publique locale créée début 2023, dont la région est actionnaire à hauteur de 55%, la ville détenant les 45% restants.

 

“Les violons commencent
un peu à s’accorder”

 

Les structures de gestion du port de plaisance étant auparavant multiples, Nicolas Belloir estime que “c’est une bonne chose qu’il existe aujourd’hui cette entité unique afin de faciliter le quotidien des navigateurs et de simplifier les choses en vue de futurs projets portuaires et nautiques.” Servane Escoffierqui a fondé il y a 14 ans l’écurie de course au large BE Racing avec Louis Burton à Saint-Malo, souligne de son côté que la cité corsaire “a cette particularité d’être un port hybride, qui mêle commerce, pêche, plaisance et course au large, et qui nécessite donc d’apprendre à travailler ensemble.”

“Depuis deux ans, on sent que les violons commencent un peu à s’accorder, un recensement de nos besoins est en train d’être fait, il y a plus d’écoute, ainsi qu’une lecture de nos projets de plus en plus fine, note de son côté Thibaut Vauchel-Camus, président de la classe Ocean Fifty et skipper de Solidaires En Peloton. Ce dernier est amarré à l’année dans le bassin Duguay-Trouin aux côtés de Réalités (Fabrice Cahierc), Le Rire Médecin-Lamotte (Luke Berry) et Viabilis Océans (Baptiste Hulin) qui est opéré par BE Racing.

Reste que pour l’instant, cela ne suffit pas : “Saint-Malo héberge des projets sportifs de plus en plus pointus qui créent de l’emploi et font émerger énormément de compétences, mais il nous faut des outils pour nous développer“, explique Servane Escoffier, qui, en plus de Viabilis Océans, héberge au sein de BE Racing l’Imoca Bureau Vallée de son compagnon Louis Burton, un projet espoir en Figaro et un en Class40. Thibaut Vauchel-Camus abonde : “En dix ans, si la qualité des projets a progressé, ce n’est pas encore le cas des infrastructures.”

 

Pénurie de bâtiments
et de main d’œuvre

 

A la question de savoir quel est le premier besoin des équipes pour faciliter le bon développement de la course au large, la cofondatrice de BE Racing répond : “Nous attendons avec hâte la remise aux normes du quai Terre Neuve [les travaux devraient débuter en 2025, nous a précisé la région, NDLR] afin qu’il puisse accueillir les bateaux, mais aussi une zone de carénage et de préparation prenant en compte les enjeux environnementaux et des moyens de levage. Aujourd’hui, nous devons notamment faire venir une grue avec une flèche immense, ce qui est deux fois plus coûteux.”

Parmi les contraintes évoquées par les skippers, figure également le manque de hangars pour préparer et réparer les bateaux, relève Luke Berry. Cet hiver, afin de mener notre gros chantier de remise en état du bateau après l’avarie structurelle subie durant la Transat Jacques Vabre, nous avons opté pour le système D en montant une grosse tente métallique éphémère que l’on a mutualisée avec l’équipe Solidaires en Peloton.” Il n’existe en effet qu’un seul bâtiment pouvant accueillir un Ocean Fifty sur le portcelui de BE Racing. Nous disposons de 1 000 m2 de hangar et 400 de bureaux, détaille Servane Escoffier. Nous avons d’ailleurs modifié notre bâtiment cet hiver pour qu’il puisse accueillir d’autres multicoques.” BE Racing a ainsi hébergé Réalités pendant un mois et demi.

Autre écueil soulevé par les marins, la pénurie de professionnels qualifiés : “Nous avons dû faire venir du monde de Bretagne Sud pour nos chantiers”, confirme Luke Berry. Et Thibaut Vauchel-Camus de constater : “Il manque notamment des électroniciens, une denrée très recherchée dans la course au large. Nous en avions un très bon qui est parti dans le Morbihan car sa clientèle y est beaucoup plus concentrée. Si nous disposons d’un vrai outil de travail, les professionnels vont venir s’installer et cela amènera des clients.” Pour le président de la classe Ocean Fifty, l’idéal serait donc de créer un pôle nautique “avec des ateliers et des magasins à proximité des bassins, des moyens de levage, des bâtiments pour stocker et travailler sur les bateaux – des outils qui pourraient bénéficier autant à des projets sportifs, à la plaisance qu’aux professionnels.”

 

La problématique des sas

 

Les équipes se heurtent par ailleurs à la problématique des sas“Pour passer le pertuis du bassin Duguay-Trouin et l’écluse du Naye, c’est tout une gymnastique, confirme Luke Berry, on ne sort pas quand on veut et il faut compter environ une heure et demie par sas avec un pousseur et trois personnes à bord pour guider le bateau.” Lorsque les navigations ne sont pas en phase avec les horaires de sas, “nous faisons face à un manque de place au port des Bas-Sablons ou de bouées d’attenteajoute Thibaut Vauchel-Camus. Cela fait plusieurs années que nous formulons les mêmes besoins car cela nous pose des difficultés logistiques. Faut-il préempter des zones où nous pourrions mettre nos bateaux sur des emplacements existants ? Faut-il travailler avec Dinard pour augmenter cette capacité d’accueil ? Ou revoir la répartition des bouées d’attente qui sont réservées pour les pêcheurs dans l’avant-port ? Aujourd’hui nous n’avons que des questions et pas de réelle solution.”

Gaëtan Guilloux, directeur de la SPL Bretagne Plaisance, qui sera gestionnaire des mouillages autour de Saint-Malo à partir du 1er janvier 2025, estime que les choses devraient se simplifier, puisque “les marins n’auront plus qu’un seul interlocuteur au lieu de trois, les mouillages étant actuellement gérés par deux associations ainsi que par l’État. Si besoin, nous pourrons ainsi faire le nécessaire pour les positionner sur des bouées d’amarrage.” Et l’intéressé de se montrer conscient, pour l’attractivité économique locale du “réel besoin de développer le nautisme au sens large à Saint-Malo, et de l’intérêt à mettre en lumière les Ocean Fifty.”

C’est dans cette optique que le plan d’amarrage du port des Bas-Sablons a été adapté pour accueillir neuf multicoques à l’occasion de l’Act 1 des Ocean Fifty Series (22-26 mai), qui a vocation à revenir tous les ans. Un événement, qui, associé au Forum organisé le 22 mai, sera, selon Thibaut Vauchel-Camus, “l’occasion de débattre sur l’opportunité de faire des investissements, mais aussi de donner à voir une meilleure culture globale de nos projets sportifs, afin que les institutions se les approprient davantage et que Saint-Malo ne se contente pas d’être la ville d’accueil d’une course extraordinaire.”

Photo : Ocean Fifty 

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