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Jean Marre : “La Classe Mini gèle le lancement de nouveaux plans en 2024”

L’assemblée générale de la Classe Mini, qui a eu lieu samedi dernier à Paris, a entériné un certain nombre de mesures, dont, pour les bateaux de série, le gel de nouveaux plans dès 2024 et une limitation progressive des nouvelles constructions. Jean Marre, qui, à l’occasion, a cédé son fauteuil de président à Romain Bigot, revient pour Tip & Shaft sur la saison 2023 et cette AG.

▶︎ Quel bilan fais-tu de l’année 2023 et en particulier de son événement phare, La Boulangère Mini Transat ?
C’était encore une année record en termes de participation, avec quasiment toutes les courses qui sont parties à plein. On avait quelques inquiétudes sur la frustration qu’aurait pu générer le système d’inscription, mais au final, la plupart des skippers ont pu faire le calendrier qu’ils avaient projeté. Pour ce qui de la Mini Transat, on considère que c’est un succès car le challenge était vraiment compliqué de l’organiser en huit mois après le changement d’organisateur, consécutif au décès de Marc Chopin, qui plus est avec un budget assez limité.

▶︎ Et sportivement ?
On a eu droit à une super régate, avec beaucoup de retournements de situation et une deuxième étape géniale à suivre, très engagée, ça faisait longtemps qu’on n’avait pas eu une traversée comme ça dans du vent fort. Tous les skippers ont trouvé ça super dur, mais ça permet d’avoir des retours d’expérience sur la fiabilité des bateaux, sur les avaries rencontrées. On se rend compte aussi que la flotte reste très homogène en série, les coureurs en Pogo 3 (plan Verdier) ont montré qu’ils étaient toujours là, même dans des conditions de vent fort dans lesquelles on pouvait imaginer que le Maxi (plan Raison) serait un cran au-dessus. C’est une super nouvelle car on voudrait éviter de se retrouver avec une sorte de monotype de Maxi, ça permet aussi de tirer les prix vers le bas, les P3 restent dans le match pour un tarif inférieur. En proto, on a quasiment atteint le quota max qu’on avait décidé (31 inscrits pour 32 places), ça veut dire que les mesures qu’on avait mises en place pour redynamiser la catégorie ont porté leurs fruits. Et ce qui est intéressant, c’est qu’il y a eu du match devant, ce qu’on avait moins ces dernières années.

 

“On veut valoriser la SAS”

 

▶︎ Lors de chaque édition, il y a plus de candidats que de places, allez-vous garder le même système de qualification, basé sur le nombre de milles parcourus ?
Oui, on garde le même principe. On s’est demandé s’il ne fallait pas s’appuyer sur d’autres critères, mais ce ne sera pas pour l’édition 2025 car le processus de qualification est enclenché. En même temps, on sait que notre « survie » en tant que classe à part – petits bateaux, pas de téléphone à bord – dépend aussi de ces règles, le fait de garantir un minimum de milles nous permet de légitimer notre pratique auprès des autorités maritimes. En revanche, on a souhaité valoriser davantage la SAS (Les Sables-Les Açores-Les Sables) en n’en faisant plus forcément un passage obligé vers la Mini Transat, mais bien une course océanique à part entière une année sur deux. On a pour cela réduit de moitié les milles qualificatifs en vue de la Mini Transat : au lieu de 2 600 milles, ceux qui la finiront en marqueront 1 300. Cette décision se justifie également par un principe d’équité : jusqu’ici, on était quasiment obligé de passer par la SAS pour se qualifier en série pour la Mini Transat, or, c’est une course sur laquelle s’inscrivent en priorité ceux qui ont du temps et de l’argent. Avec cette mesure, on équilibre un peu les chances de se qualifier, la SAS n’est plus forcément le juge de paix des qualifs.

N’y a-t-il pas le risque de réduire son attractivité ?
C’est un risque, oui, on a essayé d’imaginer les scénarios possibles. A nous de convaincre les adhérents d’en faire un vrai objectif océanique. Il y a aussi de plus en plus de gens qui, parce que la Mini Transat est saturée, mais également parce qu’ils ne veulent plus de retour en cargo, font de la SAS l’objectif prioritaire de leur projet. Donc entre ceux-là, ceux qui ont adoré la faire en 2022 et ceux qui voudront aller chercher les 1 300 milles, on se dit qu’il y a moyen de remplir les 72 places.

 

“On veut avoir le temps
de définir notre future jauge”

 

▶︎ L’AG a aussi voté des mesures fortes sur les nouveaux bateaux de série, peux-tu nous en dire plus ?
Effectivement, on a gelé le lancement de nouveaux plans dès l’an prochain, mais aussi décidé de limiter la construction de bateaux neufs à 25 en 2024. Ce chiffre sera amené à baisser les années suivantes, ce qui pourrait nous amener à un horizon d’aucun bateau neuf construit en 2030. Les raisons sont à la fois économiques et environnementales. Sur les deux dernières années, on a fabriqué 80 bateaux, ça veut dire une nouvelle flotte entre deux éditions de la Mini Transat pour des gains qui ne sont finalement pas énormes. On a aujourd’hui suffisamment de Pogo 3, Vector et Maxi, ou de Pogo 2 pour les plus petits budgets, pour que les gens s’amusent. On veut aussi geler ces constructions pour avoir le temps de définir notre future jauge. Cette mesure impacte forcément les chantiers, mais on les protège en interdisant les nouveaux plans, on veut aussi permettre à ceux qui n’ont pas encore rentabilisé leurs investissements, en particulier Technologie Marine avec le TM650, de le faire.

 ▶︎A quoi ressemblera la nouvelle jauge ?
Certains objectifs nous paraissent évidents comme la baisse des coûts de construction – aujourd’hui, on arrive à des bateaux trop chers, jusqu’à 150 000 euros pour certains – en imposant des process demandant moins de structure et de main-d’œuvre. On veut aussi des bateaux plus solides pour qu’ils durent plus longtemps ; ensuite, on veut intégrer la dimension environnementale en favorisant la recyclabilité, c’est-à-dire revenir au concept de série d’un bateau utilisable en croisière, et en intégrant dans la jauge des biomatériaux, si c’est possible.

▶︎ Peux-tu, pour finir, nous parler du calendrier 2024 ?
Le calendrier Manche/Atlantique ne change pas, hormis qu’on lance une course en solitaire de 500 milles réservée aux vieux bateaux (la Mini Trans Manche) qui va être organisée à Ouistreham, une sorte de mini Normandy Channel Race. On a eu de nombreux débats sur la manière de valoriser davantage ces bateaux, le fait de lancer une nouvelle course pour eux est selon nous la meilleure des réponses. Ça va aussi permettre aux skippers, qui, en général, ont des budgets moindres et moins de possibilités de se libérer, de marquer des milles en vue de la Mini Transat. Le terme de vieux bateau n’a pas été facile à définir : en série, c’est jusqu’au Nacira compris (lancé en 2008), en proto, ceux qui ont été jaugés avant le 31 décembre 2009. Sinon, on a aussi dynamisé un peu le circuit Méditerranée qui battait un peu de l’aile, avec un gros travail de la classe Mini Italia pour permettre aux skippers de naviguer en Italie puis en Espagne, grâce à une nouvelle course qui relie les deux pays.

Récemment couronné pour la troisième fois Marin de l’AnnéeTom Slingsby a pris le week-end dernier à Djeddah la 4e place de la deuxième régate préliminaire de la 37e Coupe de l’America à la barre de l’AC40 d’American Magic. L’Australien de 38 ans, champion olympique de Laser en 2012, lauréat de la Coupe de l’America en 2013 avec Oracle et triple vainqueurducircuit SailGP à la tête de l’équipe australienne, a pris le temps de répondre aux questions de Tip & Shaft avant le Grand Prix de Dubaï auquel il ne participait pas, sa compagne attendant un heureux événement.

Photo : Qaptur / La Boulangère Mini Transat

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