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Erwan Le Roux : “Mon objectif est le Vendée Globe 2024”

Deuxième de la Route du Rhum-Destination Guadeloupe en Multi50, Erwan Le Roux va tourner une page, puisqu’il compte se lancer dans un projet de Vendée Globe pour 2024, voire 2020. Sans pour autant abandonner une classe dont il compte rester le président. En attendant, le Trinitain est en stand-by avec Spindrift 2 en vue du Trophée Jules-Verne. Il se confie à Tip & Shaft.

Commençons par refaire cette Route du Rhum : ton arrêt d’entrée de jeu pour un problème de safran t’a-t-il conduit à changer de stratégie ?
Oui, complètement, avec mon routeur Julien Villion, l’objectif était de descendre dans le sud le plus loin possible, comme Armel (Tripon) et Lalou (Roucayrol), mais cet arrêt de quatre heures faisait que ce n’était plus possible, parce que ça me faisait passer dans une zone où il ne fallait absolument pas être le lundi soir… Donc la seule route possible était la plus directe.

Cela a-t-il été compliqué de passer ton temps à courir derrière les autres, entre ton premier arrêt à Roscoff puis ton second aux Açores ?
Non, parce que dans le feu de l’action, tu ne t’occupes pas vraiment de la course. Sur ces premiers jours de course, tu te bats avant tout contre toi-même : je n’ai commencé à regarder vraiment les positions que 24 heures après les Açores. Avant, tu essaies juste de faire avancer le bateau, de régler tes problèmes, tu as des objectifs quotidiens, mais tu n’es pas en régate.

T’es-tu fait peur ?
(Il réfléchit). Disons que c’est la première fois de ma vie que je me suis demandé ce que je faisais là. Après, je ne me suis jamais retrouvé dépassé par le bateau, c’était surtout la peur de casser et de me retrouver dans une situation non-gérable.

Tu as un problème de safran le dimanche puis un premier pilote hors-service le mardi, avant une panne de centrale qui t’a conduit à t’arrêter aux Açores : était-ce l’avarie de trop ?
Là encore, je n’ai pas le temps de penser à ça, parce que je suis dans l’action : quand je me suis retrouvé en rade de pilote pendant 24 heures à 200 milles des Açores, mon seul objectif est d’arriver aux Açores. Je fais toute une nuit sans pilote, sans afficheur, à barrer avec un bout qui relie les deux barres et à naviguer avec la tablette allumée ! J’étais au bout de moi, j’avais des hallucinations. Quand j’arrive aux Açores, la priorité est de réparer, il n’est pas question d’abandon.

Dans quel état d’esprit repars-tu ?
Il y a forcément énormément de déception, parce que, je ne peux plus gagner. Mais Julien me dit que si je pars avant une certaine heure, je me retrouve trois jours plus tard avec Lalou et Thibaut à batailler pour la deuxième place. Rapidement, je vois que le pilote fonctionne, je reprends goût à la vie de marin et au bout de 24 heures, je me rends compte que la deuxième place est largement accessible.

Quel est ton sentiment au moment de couper la ligne ?
Je suis content de cette deuxième place, parce que j’ai été la chercher et parce que c’est mon pote Armel qui gagne, on avait rêvé de se retrouver ensemble sur le podium, lui dans cet ordre, pas forcément moi… Il y a aussi beaucoup d’émotion.

A quoi est-elle due?
D’abord à ce que tu es obligé d’aller chercher au fond de toi pour faire le job jusqu’au bout ; ensuite au fait que tes partenaires et tes proches sont là pour t’accueillir ; enfin, parce que je me dis que c’est peut-être ma dernière course en tant que skipper de ce bateau.

Justement, de quoi sera faite la suite pour toi ?
Mon objectif est de faire le Vendée Globe en 2024 avec un projet gagnant, donc mon boulot des prochains mois va être de regrouper un pool de partenaires capables d’investir. Avant le Rhum, je pensais que ce n’était pas possible de faire le Vendée Globe 2020, parce qu’il n’y avait pas de bateau et que c’était compliqué de se qualifier, mais en fait, je me dis qu’il y a de la place pour être présent en 2020, donc je vais aussi tenter le coup.

A quels bateaux penses-tu et de quel budget as-tu besoin ?
Il y a des opportunités à saisir vite, ça se joue d’ici la fin de l’année. Pour le budget, je pense à un ticket d’un million d’euros par an en fonctionnement pur, sans l’amortissement du bateau et en étant raisonnable.

Quid des partenaires qui te suivaient en Multi50 ?
Les contrats s’arrêtent au 31 décembre, le bateau est à vendre. FenêtréA arrête après huit ans, il faut que je fasse un point avec les autres, je sais que j’ai des petits partenaires qui veulent suivre, mais il faut trouver une locomotive. Peut-être que Mix Buffet voudra l’être, mais aujourd’hui, je n’en sais rien.

Cela fait-il longtemps que tu mûris ce projet de Vendée Globe ?
J’ai envie de faire un tour du monde en solitaire depuis ma Route du Rhum 2014, sachant que mon Graal, mon rêve absolu, serait de le faire en multicoque. Mais l’accomplir dans un premier temps en monocoque serait un super challenge.

La page Multi50 est-elle tournée pour toi ?
Non, d’abord, je pourrais très bien faire une Transat Jacques-Vabre l’année prochaine ; ensuite l’idée est de rester président de la classe pendant au moins deux ans. On a commencé à travailler sur un projet de championnat sur quatre ans – qui sera annoncé prochainement – et sur une évolution de la jauge. Il va y avoir un mercato des bateaux et des skippers, c’est important de rester pour ne pas dilapider tout ce qu’on a mis en place. J’ai encore plein d’idées.

Peux-tu nous en dire plus sur le calendrier ?
Ce qui est sûr, c’est qu’en 2019, il y a la Jacques-Vabre, les Grands Prix Valdys et Guyader, le Trophée de la Ville de Brest, et on regarde d’autres possibilités avec des organisateurs. Pour 2020, on travaille sur Québec-Saint-Malo voire une autre transat ; pour 2021 sur une autre course peut-être ouverte aux Multi50.

Es-tu optimiste sur l’avenir de la classe ?
Je suis optimiste mais prudent, les années post Rhum sont souvent compliquées, il y a des bateaux qui pourraient ne pas trouver preneurs immédiatement comme cela avait été le cas après 2014 avec Réauté (ex Actual). Maintenant, cette édition a été l’occasion de montrer que ces bateaux, qui restent accessibles financièrement, étaient spectaculaires : ils font quand même troisième et quatrième au scratch, ce n’est pas anodin, et en termes de RP, c’est le bateau idéal.

Pour finir, tu fais partie de l’équipage de Spindrift 2, en stand-by pour le Trophée Jules-Verne, ce bateau a-t-il selon toi encore les moyens d’aller chercher le record ?
De ce que j’ai vu sur notre retour de Newport cette année, le bateau est largement capable de battre le record des 24 heures et de faire le tour du monde en moins de 40 jours. Il y a une super équipe depuis plusieurs années, elle a toutes les cartes en main. Maintenant, il y a un facteur réussite important pour bénéficier d’un bon enchaînement de systèmes météo.


Retour sur les bancs de la fac. Parallèlement à sa préparation pour la Route du Rhum, Erwan Le Roux a entamé en septembre une formation en deux ans d’accompagnateur de performance à l’Université de Bretagne Occidentale, en partenariat avec l’ENVSN“L’objectif est de me doter d’outils de management”, confie celui qui se verrait bien, à terme, diriger des projets de course au large.

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