Charal

Qui va gagner la Transat Jacques Vabre en Imoca ?

Suite et fin de notre analyse des forces en présence sur la Transat Jacques Vabre avec un focus sur la classe Imoca qui présente 29 tandems au départ. Pour nous aider à décrypter ce plateau record, ont accepté de jouer le jeu deux anciens vainqueurs en Imoca, Michel Desjoyeaux (2007) et Jean-Pierre Dick (2003, 2005, 2011 et 2017), mais également Sébastien Josse, ex skipper de l’actuel Malizia, le président de la classe Imoca, Antoine Mermod, l’architecte Sam Manuard, dont le premier Imoca, L’Occitane, est attendu en fin d’année, Christian Le Pape, patron du Pôle Finistère course au large, et deux journalistes, Philippe Eliès (Le Télégramme) et Frédéric Pelatan (Journal du Nautisme).  

Ils sont unanimes ! Parmi les huit spécialistes que Tip & Shaft a interrogés, sept donnent  vainqueur le tandem Jérémie Beyou-Christopher Pratt sur Charal, mis à l’eau en août 2018. “Ce n’est peut-être pas le plus rapide à toutes les allures, mais c’est le bateau le plus abouti avec un équipage qui l’a éprouvé, a déjà essuyé des revers et n’a pas tant cassé sur ça”, résume Michel Desjoyeaux. “Plein de voyants au vert, le facteur temps pour la mise au point du bateau est un gros bénéfice par rapport aux autres”, ajoute Sébastien Josse, rejoint par Frédéric Pelatan : “Sur le papier, il y a un boulevard devant Charal. La flotte sera sans doute incroyable de densité sur le Vendée Globe, mais là, ils ont un an d’avance et le facteur confiance dans leur bateau compte beaucoup.”

Et Christian Le Pape d’enfoncer le clou en rappelant que Charal a gagné les deux courses qu’il a disputées [Fastnet et Défi Azimut, NDLR] et était systématiquement aux avant-postes aux entraînements. Le bateau est fiable et dompté, l’équipage solide et serein.” Le mot de la fin est pour Philippe Eliès : “Il y a un an, j’ai fait le Défi Azimut avec eux, ça volait très haut mais dans tous les sens, c’était un peu panique à bord, ils découvraient la bête. J’y suis retourné un an plus tard, ça volait toujours aussi haut, mais beaucoup plus stable et avec une maîtrise impressionnante.”

Pour les autres foilers de dernière génération, mis à l’eau en août et septembre, tous sont d’accord pour dire que “le cas Arkéa-Paprec (Sébastien Simon/Vincent Riouest réglé”, pour reprendre la formule de Michel Desjoyeaux, suite à la casse de son foil bâbord, et que Thomas Ruyant et Antoine Koch (Advens for Cybersecurity, mis à l’eau en septembre), risquent d’être trop justes. Les avis sont en revanche partagés sur les chances d’Apivia (Charlie Dalin/Yann Eliès) et de Hugo Boss (Alex Thomson/Neal MacDonald), sortis de chantier début août, de jouer le podium, voire la gagne : la moyenne des podiums donnés par nos experts place le premier troisième (ex æquo avec 11th Hour Racing) et le second en cinquième position.

“J’ai été il y a quatre ans dans cette position d’avoir un nouveau bateau pas longtemps avant le départ, j’étais à la rue et je n’ai rien pu faire”, se souvient Jean-Pierre Dick, qui avait dû abandonner sur la Jacques Vabre 2015. Antoine Mermod, quant à lui, estime Apivia et Hugo Boss un peu jeunes, il y a quand même de fortes chances qu’ils ne soient pas encore à 100% de leur potentiel”. Philippe Eliès croit davantage dans les chances du plan Verdier de jouer aux avant-postes : Apivia est moins spectaculaire et vole moins haut que Charal, mais c’est ce que j’appellerais un « bateau Banque Pop », à savoir qu’il n’a pas de trou. Ils ont en plus bénéficié de la structure MerConcept, ça se voit, il y a des choses qui paraissent déjà validées.”

En revanche, ce dernier ne croit pas du tout à Hugo Boss : “Je n’oublie pas que la dernière fois [en 2015], Alex était dans la même configuration avec un bateau neuf qu’il avait failli perdre sur la Jacques Vabre. Et je pense que les Anglais sont moins bons pour mettre au point rapidement leur bateau : quand tu es tout seul dans ton coin, tu ne peux pas progresser aussi vite que les mecs à Port-la-Forêt ou à Lorient qui sortent tous les jours ensemble.” Frédéric Pelatan n’est pas aussi catégorique : Hugo Boss, c’est la grosse interrogation, on a l’impression qu’avec lui, c’est tout ou rien“. Enfin Christian Le Pape rappelle que par le passé, on a souvent enterré Alex Thomson avant l’heure… et à tort.

Au regard de la météo annoncée, le patron du Pôle Finistère conseille en tout cas aux nouveaux foilers, Charal compris, d’opter dès la sortie de la Manche pour la route sud, certes avec du près et du vent plus aléatoire, plutôt que d’aller prendre des risques matériels “dans la baston” (jusqu’à 45 nœuds fichier annoncés), même si c’est du portant, en faisant le tour par le nord de la dépression située en proche Atlantique. “D’abord, ils ont aujourd’hui compensé leur handicap au près, ensuite, le delta est tellement important au reaching qu’ils peuvent très vite rattraper leur éventuel retard : dans 20 nœuds de vent à 70 degrés du vent, les bateaux à dérives vont à 14-15 nœuds, les foilers première génération à 19-20, eux à 25 ! Ils vont allonger la foulée à partir des Canaries et après le Pot-au-noir, ils ne vont faire que creuser, ce n’est pas une transat antillaise.”

Pour les autres prétendants au podium, le panel de Tip & Shaft cite les foilers de première génération (2015), particulièrement PRB (Kevin Escoffier-Nicolas Lunven), deuxième à la moyenne des podiums de nos experts, ainsi qu’11th Hour Racing (Charlie Enright/Pascal Bidégorry). PRB, ils ne font pas de bruit, mais il n’y a rien à dire sur les résultats [le bateau a gagné la Bermudes 1000 Race avec Sébastien Simon à la barre, puis a terminé deuxième du Fastnet et du défi Azimut, NDLR]c’est propre, limpide, minutieux, commente Sébastien Josse. Christian Le Pape souligne le fait que le bateau “dispose de voiles d’avant neuves”, Frédéric Pelatan ajoutant : Avec son poids plume et ses grandes ailes, PRB est capable de faire très mal, d’autant que la météo du départ semble propice à la vitesse, ça peut le mettre d’entrée de jeu dans de bonnes conditions.”

Pour ce qui est de 11th Hour Racing, Sam Manuard souligne “l’excellent stratège qu’est Pascal Bidégorry et la grosse expérience de Charlie Enright sur un bateau costaud dans lequel ils ont confiance”, Sébastien Josse met lui aussi en avant la force du duo : “On a vu sur le Défi Azimut que pour un équipage qui s’est monté un peu au dernier moment, ils étaient tout de suite dans le match [troisième place, NDLR]. Michel Desjoyeaux y croit un peu moins, estimant que sur le parcours d’une Jacques Vabre, “ceux qui n’ont pas fait évoluer leurs foils ne s’en sortiront pas.”

Cela signifie-t-il qu’Initiatives Cœur (Sam Davies/Paul Meilhat), avec ses grands foils, a sa carte à jouer ? S’il n’est jamais cité sur le podium, beaucoup le considèrent comme un outsider capable de se mêler au Top 5. “Sam a bien mis le bateau à sa main, avec des voiles un peu plus petites qui lui font perdre un peu de puissance, mais c’est un bateau à l’aise partout et pas trop dur dans la brise, commente Christian Le Pape. Sam Manuard verrait bien de son côté Maître CoQ (Yannick Bestaven/Roland Jourdain) sur le podium : “Le bateau est costaud, éprouvé et très rapide, Yannick et Bilou ont une sacrée expérience, je les sens très bien.” Sont également cités, plus comme des outsiders, Malizia (Boris Herrmann/Will Harris) ou MACSF (Isabelle Joschke/Morgan Lagravière) avec ses nouveaux foils, dont Antoine Mermod assure : “Malheureusement pour eux, il a été mis à l’eau tard, mais le bateau a l’air dément, il décolle bien, semble stable sur ses foils, j’ai été très agréablement surpris de ce qu’on en a vu sur le Défi Azimut [8e place].

Les favoris et outsiders cités par nos experts étant tous des foilers, la cause des bateaux à dérives droites est-elle entendue ? “Sur ce parcours, la question ne se pose pas”, répond, lapidaire, Michel Desjoyeaux, ce que confirme Sam Manuard : “Il y a des conditions où ils font à peu près jeu égal, mais au reaching, ils perdent énormément. Et du reaching, il y en aura, au moins en approche et sortie de Pot-au-noir. Après, les conditions semblent un peu moins défavorables pour eux que dans le cadre d’un schéma météo classique. Sur l’Azimut, le premier a terminé cinquième [Groupe Apicil, NDLR], ça serait déjà pas mal de faire aussi bien”. Philippe Eliès est sur la même longueur d’ondes : Si l’un d’entre eux fait 5-6-7, c’est pas mal, un top 5 serait exceptionnel.

Tous sont en revanche d’accord pour souligner que la régate entre bateaux à dérives sera aussi passionnante à suivre. Avec un avantage à Groupe Apicil (Damien Seguin-Yoann Richomme) et Banque Populaire (Clarisse Crémer/Armel Le Cléac’h). “Damien et Yoann sont très intéressants au VMG portant, leur bateau est bien mené et super optimisé, ils nous ont bluffés plusieurs fois, note Christian Le Pape. Jean-Pierre Dick n’hésite pas à voire Banque Populaire sur le podium ! “S’il y a du près au début et du grand portant avant le Pot-au-noir, ils ont une carte à jouer.” Philippe Eliès conclut : Je vois bien Armel et Clarisse gagner le match des bateaux à dérives. Clarisse est certes encore en conduite accompagnée, mais quand tu vois Armel naviguer, tu as l’impression qu’il fait du 470, ça paraît tellement facile pour lui.”

Le top 5 du panel Tip & Shaft : 1. Charal, 2. PRB, 3. Apivia et 11th Hour Racing, 5. Hugo Boss

Photo : Gauthier Lebec/Charal

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