Hubert Lemonnier pour le VG 2024© Jean-Marie Liot _ Alea (1)

Hubert Lemonnier : “Je me sens légitime à cette place de directeur de course”

La Saem Vendée a tenu lundi une conférence de presse aux Sables d’Olonne, pour notamment communiquer la liste des 28 marins qui, à ce jour, ont finalisé leur dossier de candidature pour le Vendée Globe 2024 et annoncer la nomination d’Hubert Lemonnier, 42 ans, en tant que directeur de course de la course autour du monde. Tip & Shaft s’est entretenu avec ce dernier.

► Peux-tu nous raconter ton parcours et comment tu en es arrivé à te spécialiser dans la direction de course ?
Je suis originaire de La Rochelle où j’ai appris à naviguer en famille et en club, mais plutôt en loisir. Comme j’ai fait des études de chinois, j’ai eu la chance d’intégrer le défi chinois pour la Coupe de l’America 2007, via Luc Gellusseau, également rochelais, sachant que China Team était une émanation du défi français présent sur la Coupe 2000 avec 6e Sens et 2003 avec le Défi Areva, dont faisait partie Luc. J’ai donc mis le pied dans la voile professionnelle pour la première fois lors de la 32e Coupe à Valence. Ensuite, comme la Volvo Ocean Race faisait deux escales à Singapour et en Chine, Hervé Le Quilliec, qui s’occupait de l’équipe Ericsson, m’a demandé de l’aider pour ces étapes asiatiques. J’avais aussi envie de naviguer, j’ai insisté et j’ai rejoint l’équipe à Lanzarote où elle s’entraînait, j’ai pu naviguer, tout en m’occupant un peu des deux bateaux, ce qui m’a permis de toucher à la technique et à la logistique. J’ai fait une année de logistique pour la Fédération française d’athlétisme en 2010, puis j’ai eu une première expérience de direction de course sur la Barcelona World Race 2010 aux côtés de Denis Horeau, avant de rejoindre Groupama pour la Volvo 2010-2011. Je suis passé aussi par l’équipe Land Rover en Extreme 40 et j’ai remis ça sur la Barcelona World Race en 2014 avec Jacques Caraës, c’est à partir de ce moment que j’ai vraiment commencé à davantage me spécialiser dans la direction de course à ses côtés. On a enchaîné avec le Vendée Globe en 2016, et ensuite, comme “Jaco” avait le vent en poupe et faisait de plus en plus de courses, je l’ai accompagné à chaque fois, comme sur la New York Vendée, la Brest Atlantiques, le Défi Azimut, la Bermudes 1000 Race…

► Qu’est-ce qui t’a poussé à postuler pour le Vendée Globe 2024 ?
D’abord la passion que je cultive pour cette course. Ensuite le cocktail d’aventure et d’humain qu’on y retrouve à chaque fois, enfin la volonté affichée par Jacques, à la fin du dernier Vendée Globe, de ralentir un peu le rythme et de transmettre. Ça a fait naître en moi cette envie d’y aller, j’ai du coup entamé un travail de fond depuis vingt mois pour me spécialiser encore plus, en rejoignant notamment en octobre 2021 la classe Imoca en tant que responsable sportif et des opérations. Pour moi, il n’y avait pas mieux, ça m’a permis de progresser dans la compréhension de tout l’écosystème autour de l’Imoca et du Vendée Globe. Ce poste est dans la continuité de ce que je fais en direction de course, dans le sens où la classe avait besoin de quelqu’un qui soit sur le terrain, avec les équipes, tout en ayant une compréhension globale de ce que représente une course. Grâce à cette expérience, je ne débarque pas comme une fleur à un an et demi du départ du Vendée Globe. Aujourd’hui, je me sens légitime à cette place pour laquelle j’ai beaucoup travaillé, ça va être intéressant de passer au stade supérieur.

► Vas-tu garder ce poste à l’Imoca ? N’y a-t-il pas un risque de conflit d’intérêts avec celui de directeur de course du Vendée Globe ?
Il y a un moment où, effectivement, il peut y avoir un conflit d’intérêts, particulièrement, selon moi, sur l’année 2024, mais contractuellement, je vais devoir quitter la classe dès 2023, donc c’est ce que je ferai au mois de juin.

 

“Finalement, c’est juste un petit changement
en interne dans notre organisation”

 

► As-tu aujourd’hui toutes les habilitations pour devenir directeur de course du Vendée Globe, une course de catégorie A ?
C’est un processus en cours, parce que je n’ai pas encore mon habilitation finale. En accord avec la Fédération française de voile, qui nomme les directeurs de course (voir notre article), je dois encore faire deux autres courses de catégorie A en tant que directeur en 2023, ce qui sera le cas avec la Guyader Bermudes 1000 Race et le Défi Azimut. J’ai aussi postulé pour Retour à La Base.

► Seras-tu aussi le directeur de course de la New York Vendée-Les Sables d’Olonne, dont le départ sera donné le 29 mai 2024 ?
Dans le contrat signé avec la Saem, oui, je suis aussi le directeur de course de cette épreuve. Ça va d’ailleurs faire partie de mes priorités dans les prochaines semaines, puisque le premier objectif est la rédaction de l’avis de course, il va falloir ensuite aller rapidement à New York pour voir le dispositif d’implantation, vérifier les amarrages, les zones équipages… C’est le premier gros chapitre.

► Le fait d’avoir Jacques Caraës dans ton équipe est-il de nature à te rassurer ?
Oui, c’est évident que c’est un gage de sérénité de bien s’entourer pour un tel poste, et finalement, c’est juste un petit changement en interne dans notre organisation, dans la mesure où Jacques reste dans l’équipe, ce qui est aussi le cas de Claire Renou et Pierre Hays, avec qui on collabore depuis plus de cinq ans. Notre binôme avec Jacques fonctionne bien, on a les mêmes valeurs, avec de l’humain, mais aussi de l’intransigeance. Et on a aussi à nos côtés Yann (Eliès), qui va forcément nous apporter beaucoup du fait de son expérience de la course.

 

“Potentiellement 42 candidats”

 

► Une course pour laquelle aujourd’hui 28 candidats ont finalisé leur dossier de candidature, la date limite de dépôt est le 2 octobre 2023, combien imagines-tu de candidats dans six mois ?
Potentiellement, on pourrait en imaginer un peu plus de 40, autour de 42, maintenant. Historiquement, on a toujours été un peu en dessous du nombre maximum [40 sur cette édition], il y a encore pas mal d’eau à courir d’ici là. Ça peut être compliqué pour certains, mais je ne peux pas aujourd’hui m’avancer sur le nombre exact qu’on aura en juillet 2024 [après la New York Vendée-Les Sables d’Olonne, dernière course qualificative, NDLR].

► On parle beaucoup en ce moment de l’éventuelle wild card à la disposition de la Saem Vendée qui pourrait la donner, en cas de besoin, à Clarisse Crémer si elle ne pouvait pas se sélectionner via la course aux milles, auras-tu ton mot à dire sur ce sujet ?
Non, pas du tout, je m’occupe essentiellement du sportif, je récupère le projet à partir de maintenant, mais toutes ces dispositions sont du ressort de la Saem. Le président (Alain Leboeuf) a exprimé plusieurs fois son point de vue sur ce sujet, je n’interviens pas.

► Tu accèdes à un poste qui peut être soumis à pas mal de pressions, entre coureurs, partenaires, classe, organisateur…, ça ne te fait pas peur ?
C’est vrai que pour moi, ça va être la partie un peu nouvelle, même si j’ai bien vu comment ça se passait avec Jacques quand il était en première ligne. Mais je pense que du fait de la force de notre groupe, on gardera une certaine autonomie pour faire respecter l’équité sportive, donc pour l’instant, peut-être par ignorance, ça ne me fait pas peur !

► Quel est ton regard sur The Ocean Race qui se dispute en ce moment, avec une étape dans le Grand Sud dans laquelle les nouveaux bateaux semblent plutôt bien se comporter ?
C’est super encourageant. Ils essuient quelques plâtres quand même, ils ont des petits soucis techniques, mais c’est aussi parce que, comme les bateaux sont menés en équipage, ils sont poussés fort, on le voit avec les vitesses parfois hallucinantes. Je ne veux pas préjuger de la fin de l’étape, mais s’ils terminent tous à Itajai [seul Guyot Environnement-Team Europe a abandonné, NDLR]le test dans le Grand Sud aura été réussi avec ces Imoca mis à l’eau cette année ou en 2022, on voit que les choix techniques sont plutôt positifs pour les performances des bateaux. Pour nous aussi à la direction de course, c’est une répétition incroyable en vue du Vendée Globe, ça nous permet de voir les process pour tout ce qui est fichiers météo, zones des glaces, les différents interlocuteurs, on revient plus vite sur des sujets qu’on avait mis de côté après la dernière édition, donc à tous les niveaux, cette édition en Imoca est très riche.

Photo : Jean-Marie Liot / Alea

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