Hubert Lemonnier et Jacques Caraës lors du Vendée Globe

Jacques Caraës : “Je me verrais bien en adjoint”

Il y a un an tout juste, le 28 janvier, Yannick Bestaven remportait le neuvième Vendée Globe au cœur d’une folle nuit marquée par cinq arrivées successives en quelques heures. Tip & Shaft a saisi l’occasion de cet anniversaire pour s’entretenir avec le directeur de course des éditions 2016 et 2020, Jacques Caraës.

 

► Un an après, quels souvenirs gardes-tu de ce Vendée Globe 2020 ?
Ça restera un Vendée Globe incroyable, sportivement et émotionnellement, en raison notamment de l’histoire de Kevin (Escoffier), qui a été un élément marquant. Mais ce que je retiens le plus, c’est cette arrivée groupée que nous n’avions jamais connue avec une telle intensité lors des éditions passées. C’était une vraie arrivée de figaristes, d’autant plus que venaient s’ajouter les histoires de compensations de temps, personne n’aurait pu imaginer un tel scénario. Je retiens aussi la réaction très positive des marins à ce propos. Ce n’était pas évident avec la fatigue qui s’accumulait, mais il n’y a pas eu une polémique sur le sujet.

► Ce Vendée Globe a-t-il été différent à vivre pour toi par rapport au précédent ?
Oui, parce que lors du premier, on avait eu un lot d’avaries beaucoup plus important, qui avaient malheureusement obligé pas mal de concurrents à s’arrêter, et c’est forcément le sujet qui me touche le plus en tant que directeur de course, la sécurité des marins est la principale préoccupation. Sur l’édition 2020, il y en a eu beaucoup moins, j’ai vraiment eu l’impression que la préparation technique avait été bien plus poussée, les bateaux sont arrivés aux Sables d’Olonne beaucoup plus prêts qu’ils ne l’étaient par le passé.

► Vous avez forcément débriefé ce Vendée Globe, quelles principales leçons en avez-vous tirées ?
On a surtout échangé sur la sécurité, avec notamment l’histoire du grab bag (sac de survie) que n’avait pas réussi à embarquer Kevin au moment de monter dans son radeau. Depuis, de nouvelles règles ont été soumises au comité sportif de la classe Imoca et validées, avec un bib de survie désormais équipé de moyens de communication, alors que jusqu’à présent, ils étaient dans le sac. Après, les autres leçons qui ont été tirées concernent plus la classe, avec tout ce qui touche à la jauge, notamment sur les élancements de foils.

 

“J’ai bien peur que certains aillent encore
dans des directions trop extrêmes”

 

► Justement, on a beaucoup parlé de foilers trop extrêmes qui n’ont pas pu être exploités à 100% dans le Sud, as-tu l’impression que tous les teams en ont tiré les leçons ?
Je n’en suis malheureusement pas certain, j’ai bien peur que certains aillent encore dans des directions trop extrêmes. Je ne dis pas que ça ne marche pas pour une Route du Rhum ou une Transat Jacques Vabre, mais pour un tour du monde dans les mers australes avec de la houle et des déferlantes, je suis assez réservé sur ces appendices qui restent extrêmes. La remontée très significative de Louis Burton avec des petits foils a montré qu’il pouvait tirer sur son bateau à 90 voire 100%, ce qui n’était pas le cas des appendices plus grands. En revanche, on voit que beaucoup travaillent sur les volumes à l’avant, je pense que ces améliorations vont être d’une efficacité redoutable dans les vents portants. Sur le dernier Vendée Globe, la stabilité d’assiette de L’Occitane semblait source de confort plus important à bord, mais également synonyme de hautes vitesses accessibles sans enfournement.

► 13 bateaux neufs sont déjà annoncés pour 2024, les candidats se bousculent, comment analyses-tu cet engouement ? Penses-tu qu’un Vendée Globe à 40 concurrents soit gérable ?
C’est une excellente chose, ce Vendée Globe 2020 a marqué les coureurs et le public, je me réjouis de voir autant de bateaux neufs dans un contexte économique qui n’est pas le plus facile. Pour ce qui est des 40 places, ça me fait un peu peur ; à mon sens, ça nécessitera de faire grossir la direction de course, c’est à se demander s’il ne faudra pas être deux en permanence pour suivre les bateaux.

► Y a-t-il selon toi encore de la place pour des projets d’aventuriers ?
De moins en moins, mais c’est un peu pareil dans toutes les classes, les bateaux sont de plus en plus sophistiqués, de plus en plus chers. Malgré tout, la volonté de la SAEM Vendée est de conserver un noyau d’aventuriers. L’arrivée potentielle de Guirec Soudée va dans ce sens, le retour d’Eric Bellion aussi – j’ai d’ailleurs été étonné de le voir replonger dans l’aventure. Après, le Vendée Globe reste avant tout une compétition, mais à part des autres, dans le sens où quel que soit le plateau, il raconte beaucoup d’histoires humaines.

 

“Je ne dirais pas non
pour une course en Class40”

 

► Postules-tu de nouveau pour en être le directeur de course en 2024 ?
L’appel d’offres n’est pas encore sorti, mais je reste à l’écoute… quand tu en as fait deux, c’est difficile de lâcher d’un coup ! Ce qui est important à mes yeux, c’est de mettre en avant des plus jeunes, donc je me verrais bien en deuxième couteau, en adjoint, mon idée serait d’épauler un plus jeune pour lui transmettre les rênes, je pense à Hubert Lemonnier qui a déjà un gros bagage, puisqu’il a déjà officié sur plusieurs Vendée Globe et sur deux Barcelona World Race.

► As-tu d’autres courses dans le viseur ?
Cette année, je vais travailler sur la Bermudes 1000 Race avec Hubert à mes côtés, et en 2023, il y a The Race Around, le tour du monde en Class40, j’ai commencé à travailler sur l’avis de course avec Sam Holliday, l’organisateur, Claire Renou et la Class40.

► Tu faisais part après le Vendée Globe de ton envie de renaviguer, as-tu pu en profiter ?
Oui, j’ai été contacté par un propriétaire qui m’a proposé de remettre en route Mariquita, un bateau magnifique qui était à l’arrêt depuis quatre ans en Angleterre. Ensuite, l’été dernier, on nous a également confié Moonbeam IV, un autre plan Fife racheté par Richard Mille qui souhaite redynamiser les classiques en Manche-Atlantique. C’est une chance énorme de voir des gens encore prêts à investir dans ces classiques. Personnellement, les bateaux en bois m’ont toujours causé, j’en ai un beaucoup plus petit, je suis à un âge où je peux encore mener de tels bateaux, ça me plaît aussi de réunir des équipages pour naviguer dessus dans la bonne humeur. Cette année, on va monter fin mai en Ecosse pour la Fife Regatta, avec une trentaine de plans Fife, on va ensuite aller à Cowes, sans doute au Havre, à Brest, à l’Aber Wrac’h.

► D’autres navigations te tentent ?
Je ne dirais pas non pour une course en Class40, ce sont des bateaux qui me tentent bien, à sensations fortes, sur lesquels tu peux aller naviguer facilement.

 

Photo : Olivier Blanchet/Alea

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