La SAEM Vendée a communiqué mardi 2 juillet la liste des 40 marins qui participeront à la dixième édition du Vendée Globe. La wild card à disposition de l’organisateur a été attribuée au mieux placé dans la course aux milles, Oliver Heer, James Harayda et François Guiffant restant à quai. Ce qui a conduit des skippers Imoca à se mobiliser en leur faveur, en vain pour l’instant.
C’est mardi dernier que la SAEM Vendée a livré son verdict et dévoilé la liste des 40 marins qui, le 10 novembre, prendront le départ du Vendée Globe 2024. La principale annonce attendue (voir notre article) était celle du récipiendaire de la fameuse wild card à la disposition de l’organisateur : ce dernier a choisi de l’attribuer à Oliver Heer, le mieux placé dans le tableau de sélection, écartant le Britannique James Harayda et François Guiffant.
“J’ai attendu jusqu’à la dernière minute pour trancher, parce que je voulais écouter et comprendre avant de me forger une idée très claire, nous a expliqué jeudi au téléphone Alain Leboeuf, président du conseil départemental de la Vendée et de la SAEM Vendée. Finalement, parmi les trois marins aussi méritants l’un que l’autre, je ne voyais aucune raison qui m’aurait conduit à en faire passer un devant l’autre. J’ai donc décidé de respecter le classement sportif des 42 skippers.”
Cette décision a bien évidemment fait le bonheur d’Oliver Heer qui, une semaine après avoir été blanchi par le jury de The Transat CIC des soupçons d’assistance qui pesaient sur lui, a donc validé son ticket pour son premier Vendée Globe. “Si je ne devais utiliser qu’un seul mot pour décrire mes sentiments aujourd’hui, c’est le soulagement, nous a confié le marin suisse (lire son interview dans l’édition internationale de Tip & Shaft). J’étais persuadé que j’obtiendrais la wild card parce que j’étais en tête du tableau de sélection, mais on ne sait jamais ce qui peut se passer tant que ce n’est pas officiel.”
La déception
de François Guiffant
Ce choix de se référer au tableau de sélection a donc été fatal à James Harayda, devancé de seulement 300 milles par Oliver Heer – le Britannique, que nous ne sommes pas parvenus à joindre, a confié sa déception sur son compte Facebook – et François Guiffant, qui occupait la 42e place au classement – pour rappel, il avait bénéficié d’une dérogation pour suivre le parcours de qualification et de sélection, son bateau ayant été construit avant la date limite de janvier 2005.
Joint jeudi, le skipper de Partage avait du mal à cacher sa déception : “Je suis surtout déçu de ne pas avoir pu m’expliquer auprès de la SAEM Vendée. J’avais essayé de prendre contact avec eux et avec la DC (direction de course) pour leur présenter mon dossier. Je voulais notamment leur expliquer pourquoi je n’avais pas participé à la New York Vendée qui comptait coefficient un et demi au nombre de milles, car au final, j’ai fait plus de milles qu’Oliver et James. Je pense que j’ai été assez régulier, avec les moyens que j’avais, pour faire le maximum de courses que je pouvais. Surtout, je me suis toujours battu pour qu’on soit 42 à être admis.”
Et le marin bigouden d’ajouter : “Je n’ai jamais eu de réponses à mes demandes, j’estime que quand on prend une décision qui sanctionne deux ans et demi d’efforts, c’est bien de rencontrer les gens, d’autant que je ne suis ni Jérémie (Beyou) ni Yoann (Richomme), on ne se connaît pas. Je me disais que s’ils ne répondaient pas, c’était peut-être parce qu’ils allaient annoncer une bonne nouvelle, et au final, je l’ai appris comme tout le monde par la conférence de presse, j’ai trouvé que ça manquait un peu de délicatesse.”
Tanguy Le Turquais
mobilise les skippers
Depuis, François Guiffant a pu échanger avec la directrice générale du Vendée Globe, Laura Le Goff, à qui il a de nouveau tenté d’exposer ses arguments. “Je lui ai dit que j’étais d’accord pour venir au dernier moment, pour aller au port de pêche s’il n’y avait pas de place, mais aussi que je n’aurais pas d’autres occasions. James (Harayda) est lui aussi très déçu, mais il a 26 ans, il pourra peut-être faire le Vendée Globe à l’avenir, moi, c’est différent, j’ai 50 ans. Je comprends qu’il y ait des règles, mais on peut toujours faire des avenants.”
Décidé à jouer sa carte jusqu’au bout, celui qui a auparavant travaillé comme préparateur pour Jérémie Beyou ou Vincent Riou (entre autres), a adressé jeudi une lettre ouverte à Alain Leboeuf pour tenter d’infléchir sa position : “Je lance mes dernières forces dans la bataille, je sais que James se bat aussi de son côté.” Les deux marins bénéficient en outre du soutien d’une partie des skippers de l’Imoca. Certains avaient ainsi signé et relayé une pétition lancée la semaine dernière “pour que les 42 skippers qualifiés pour le Vendée Globe 2024 soient au départ”. Depuis l’annonce de mardi, ils continuent à se mobiliser à l’initiative de Tanguy Le Turquais qui, mercredi, a envoyé un mail aux 40 pour, nous explique-t-il, “leur demander si, oui ou non, ils souhaitaient que l’organisation ouvre deux places supplémentaires pour Fanch et James”.
Avant d’ajouter : “Je ne connais pas tous les tenants et les aboutissants qui ont conduit à cette limite des 40, je ne vois pas le spectre global de la prise de décision et je sais que les règles sont faites pour être respectées, mais je me demande juste si on ne peut pas essayer d’avoir une dérogation pour ces deux marins qui se sont battus depuis trois ans et ont fini un grand nombre de courses.”
Alain Leboeuf
refuse d’élargir
Ce vendredi, sur les 27 skippers ayant répondu au mail de Tanguy Le Turquais, 26 étaient d’accord pour élargir à 42. Tanguy Le Turquais compte envoyer lundi le résultat du sondage à la SAEM Vendée. “Il n’y a aucune volonté de faire pression, on veut juste leur donner notre point de vue. Parce qu’en fait, on ne sait pas pourquoi c’est bloqué à 40. Est-ce pour des histoires de places dans le port, de sécurité, de respecter la volonté des skippers ? Si c’est ce dernier cas, on veut leur dire que les skippers sont en majorité favorables à ce que Fanch et James soient au départ.”
Que pense Alain Leboeuf de ces initiatives ? “Je comprends qu’on soit déçu, qu’on ait envie de les soutenir, je suis moi aussi déchiré de voir ces deux skippers hyper méritants écartés, mais 40, c’est 40. C’est une règle qui a été réfléchie, admise et actée par tous, y compris par la classe Imoca et ceux qui signent les pétitions aujourd’hui. Je veux être exemplaire dans le respect d’un règlement convenu par tout le monde. C’est comme pour les Jeux olympiques, tout le monde ne peut pas y aller, il y a des sélections, pour lesquelles on ne change pas les règles.”
Répondant aux interrogations de Tanguy Le Turquais sur la limite des 40, le président de la Vendée précise : “Quand on y a réfléchi, tout le monde reconnaissait que c’était le chiffre maximum, pour, premièrement, assurer la sécurité de chacune et de chacun, deuxièmement, pour qu’il y ait une vraie lisibilité pour chaque skipper et leurs sponsors, enfin pour éviter de verser dans le gigantisme qui nuirait à l’image environnementale que le Vendée Globe veut véhiculer. Car si vous me demandez 42 cette fois, vous me demanderez 45 la prochaine fois, 50 et 60 la suivante. Là, c’est 40 en 2024, 2028 et 2032.”
Autant dire que la porte semble fermée à un élargissement, et que, sauf désistement d’un concurrent – “avant le 12 septembre, une semaine avant la présentation des skippers à Paris”, précise Alain Leboeuf – ni James Harayda, ni François Guiffant ne s’élanceront des Sables d’Olonne le 10 novembre.
Interrogé sur d’éventuelles évolutions du règlement en vue de l’édition 2028, le président de la SAEM Vendée répond enfin : “Pour moi, les règles sont tellement adaptées que j’étais prêt à faire un copier/coller. Entre le sujet de la maternité qui a été posé par Clarisse [Crémer] et les éventuels arrêts liés à des blessures, on va faire quelques ajustements à la marge, mais on va rester dans cet ordre d’idée d’une qualification et d’une sélection. J’ai promis que les nouvelles règles seront annoncées avant l’ouverture du village“, le 19 octobre.
Photo : Jean-Louis Carli / Alea