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Franck Citeau : “En Nacra, on est en train de combler notre retard”

Entraîneur de l’équipe de France de Nacra 17, Franck Citeau prépare actuellement du côté de La Grande Motte les championnats du monde d’Aarhus, décisifs pour qualifier la série aux JO de Tokyo. Il est parallèlement directeur sportif du Centre d’entraînement Méditerranée, structure récemment labellisée Pôle France Jeune pour les bateaux volants, qui organise également des stages en Diam 24 et Figaro notamment. Pour Tip & Shaft, ce spécialiste du multicoque, sélectionné aux Jeux Olympiques d’Atlanta en 1996, passé par la Coupe de l’America et l’Orma, évoque ses multiples activités.

Où en êtes-vous de la préparation des championnats du monde d’Aarhus ?
Suite aux « superbes » performances réalisées ces derniers temps, nous avons décidé de ne pas aller à Kiel et de refaire un peu de fond de jeu ici, à la Grande Motte. Que ce soit à Palma, à la World Cup de Hyères ou à la finale à Marseille, nous n’avons pas été brillants du tout. Par rapport aux équipes étrangères, nous avons un peu de retard et il n’y a que le travail qui permet de le combler. Donc nous nous entraînons à quatre bateaux, avec toute l’équipe de France et les jeunes, tout ça dans l’optique de préparer les championnats du monde.

Comment expliques-tu le retard par rapport aux étrangers ?
C’est surtout lié aux choix de cet hiver : nous sommes allés faire une campagne d’entraînement en Nouvelle-Zélande avec les Néo-Zélandais, les Danois et les Australiens, et nous sommes tous partis en se disant qu’il fallait voler au près. Il y avait des gens de Team New Zealand qui étaient là et nous disaient la même chose. On a donc passé deux-trois mois à se concentrer là-dessus, sauf que ce n’est pas la bonne méthode, les bateaux ne volent pas du tout au près, le VMG est meilleur quand on est en archimédien. Et, du coup, on n’était pas bien au portant. En fait, on a fait tout l’inverse de ce qu’il fallait faire, on a pris trois mois de retard par rapport aux étrangers. Là, on est en train de le combler, à Medemblik, on fait quatrièmes, ça commence à ressembler à quelque chose.

Les équipages ont été modifiés, peux-tu nous en dire plus et pourquoi ?
Moana Vaireaux est maintenant avec Amélie Riou et Quentin Delapierre fait des essais avec Manon Audinet. Je pense qu’il fallait un électrochoc pour avoir des résultats, il faut vraiment un supplément d’âme pour gagner. Moana et Manon étaient arrivés à une forme de routine, cela faisait six ans qu’ils étaient ensemble, ce n’est quand même pas évident de vivre 250 jours par an ensemble, surtout quand tu n’es pas en couple. Un moment, ça sature un peu, surtout quand les résultats escomptés ne viennent pas ; les deux dernières années sans trop de résultats ont fini par achever l’équipage.

Qu’as-tu pensé des débuts de Quentin Delapierre (voir notre interview) ?
C’est très surprenant et dans le bon sens. Il n’a jamais fait de Nacra, il est tombé tout de suite juste sur les angles et l’équilibre du bateau, ce qui n’est quand même pas évident quand tu passes du Diam 24 à un bateau qui vole. Après, il faut voir en régate, plein d’autres paramètres entrent en ligne de compte, mais pour des débuts, son aisance et son calme sur le bateau sont assez surprenants.

Quels seront les objectifs à Aarhus ?
Il faut qualifier la série pour les Jeux de Tokyo, ça veut dire terminer parmi les huit, c’est l’objectif. Nous irons avec quatre équipages, Moana et Amélie, Hugues Puimatto et Marie Soler, Noa Ancian et Lucas Chatonnier, et un quatrième que nous n’avons pas décidé.

Quid de Marie Riou et Billy Besson ? Quand est prévue leur reprise ?
On va laisser un mois de vacances à Marie, qui est vraiment éclatée avec la Volvo, pour qu’ils reprennent début août. A mon retour des championnats du monde, je les rejoins pour trois semaines de stage à Quiberon avant le départ pour leur première régate, la pré-olympique du Japon en septembre. Pour l’instant, Billy a déjà un peu navigué sur le bateau, il a fait Medemblick avec Amélie Riou, c’était en demi-teinte sur un bateau pas préparé, donc on va dire que sa prestation vaut un 5/10. Pour Marie, ça sera une grande première.

Penses-tu qu’en deux ans, ils ont les moyens de rattraper leur retard en vue de Tokyo ?
C’est la question, on va voir la force des champions, voir s’ils vont être capables en 18 mois de revenir à leur meilleur niveau. Il y a une base et une méthode indéniables à acquérir sur le bateau, après, ils devront récupérer le delta en termes de pratique par rapport aux autres, cela veut dire qu’à un moment, il va falloir faire des heures, ni plus ni moins. Je crains que leur programme et le mien soient chargés !

Que penses-tu du Nacra 17 à foils ?
Le gros problème, c’est le poids. Il faisait 139 kilos avant, là, il en fait 163 avec les foils. Pour un 17 pieds, c’est le poids du Tornado [qui fait 20 pieds, NDLR]. Quand on sait que plus tu es léger, mieux tu voles, on a tout dit. L’autre problème est lié à la qualité de la construction, c’est au petit bonheur la chance, tu es obligé d’acheter beaucoup de matériel pour avoir un truc qui ressemble à quelque chose, c’est pénible. Et le coût est faramineux : un bateau neuf, c’est 33 000 euros. Pour ce prix, tu es censé avoir une belle caisse, ce n’est pas trop le cas…

World Sailing est au courant ?
Oui, je sais qu’il y a eu un audit fait par World Sailing à Palma en avril [lors du Princess Sofia Trophy, NDLR], à charge contre Nacra, je pense qu’ils leur ont mis un bon coup de pression, espérons que ça porte ses fruits.

Parlons maintenant de ton autre casquette, celle de directeur sportif du Centre d’Entraînement Méditerranée, comment se porte la structure ?
Ça se passe très bien, parce que nous sommes en pleine expansion. Nous avons monté un projet avec la région Occitanie qu’on a baptisé « D’Archimède à Icare » et nous sommes en train de regrouper toute la filière fédérale volante pour des entraînements, à savoir catamaran olympique et kite à foil. Pour pouvoir alimenter le Nacra 17, nous avons créé une filière jeune en Nacra 15, nous allons faire pareil avec le kite à foil. Du coup, le CEM a été nommé Pôle France Jeunes pour les foils, c’est très important pour nous, pour recevoir des subsides et trouver de la place dans le paysage de la voile de compétition.

Ça, c’est pour la voile légère, qu’en est-il pour la course au large ?
Nous avons effectivement un pôle course au large avec du Figaro et des Diam 24. En Diam, nous avons eu jusqu’à neuf équipes cet hiver qui sont venues s’entraîner à La Grande Motte, de Lorina à La Boulangère en passant par Ixio, le CER de Genève, Pink Lady, Hyères-Toulon. Nous avons de notre côté monté le projet Pink Lady avec la région et l’agglomération, c’est une équipe jeune, entre 20 et 22 ans, et européenne, ce qui était la volonté du sponsor puisqu’il y a cinq nations. Je pense que s’ils font les choses correctement, ils pourront tourner entre la 10e et la 15e place sur le Tour.

Et le Figaro ?
En Figaro, cette année, nous n’avons que Pierre Quiroga, skipper Espoir CEM, mais en 2019, sur le Figaro 3, nous devrions avoir trois marins qui s’entraîneront au centre, avec Achille Nebout, issu de la voile olympique et du Diam, et Quentin Le Nabour, qui bosse beaucoup sur des bateaux de propriétaires et a décidé de se lancer à fond dans l’aventure.

Comment juges-tu la première partie de saison de Pierre, qui a eu des résultats mitigés ?
Disons qu’il a couru pas mal de lièvres à la fois, puisqu’il fait justement aussi partie de l’équipe Ixio en Diam 24, il s’est aussi retrouvé un peu tout seul en entraînement, je pense que ça n’a pas été très bénéfique pour lui. Par contre, c’est un gamin à très fort potentiel, j’en suis sûr, j’espère qu’avec le groupe d’entraînement à trois bateaux, il pourra pleinement s’épanouir et réellement sortir du lot. Il est souvent très bon sur une journée et une nuit, mais après, il manque un peu de fond de jeu, parce que ça correspond justement à ses entraînements qui sont souvent des séances à la journée. Maintenant, vu le nombre d’années qu’il a maintenant derrière lui, pour ses partenaires, pour lui, c’est impératif qu’il soit dans les dix sur la Solitaire, il en a bien sûr les moyens.

Est-ce justement compliqué pour vous, en Méditerranée, de faire venir des skippers pour s’entraîner en Figaro, vu l’éloignement avec la Bretagne ou la Manche, où ont lieu la plupart des courses ?
Ce qui nous manque, c’est l’organisation d’un événement majeur en Méditerranée. Ce qui m’embête, c’est le côté « franco-breton » de la série, toutes les courses ont lieu sur la façade Atlantique ou en Manche, la classe ne fait pas d’effort pour organiser des courses en Méditerranée. Pour faire du Figaro dans le sud, tu as intérêt à être motivé… C’est juste une histoire de volonté, on a bien vu qu’à l’époque de la Generali, ça marchait bien, tout le monde était ravi de la faire, il y avait plus de 25 bateaux, les partenaires étaient ravis, c’est quand même plus joli d’aller courir à Porquerolles, non ? C’est dommage, parce que quand on délivre un titre de champion de France, il faudrait qu’il soit valable sur toutes les mers du littoral. Je trouve que c’est un peu toujours les mêmes courses, les mêmes personnes, j’ai envie d’un peu de fraîcheur sur cette série.

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