Hélène Noesmoen sur la nouvelle planche iQFoil

Hélène Noesmoen : “Le titre olympique, c’est vraiment le Graal”

Comment prépares-tu la saison 2022 ?
Personnellement, j’ai fait le choix de rester en France cet hiver, je m’entraîne principalement au pôle France à Brest, dans le but d’avoir une longue phase de développement technique et de mettre l’accent sur la préparation physique. Je m’entraîne surtout avec les garçons, car les autres filles de l’équipe de France ont choisi d’aller aux Canaries pendant un mois, on se retrouvera fin février pour préparer les premières compétitions en avril, peut-être Palma puis Hyères. Les grandes échéances de la saison sont le championnat d’Europe mi-mai sur le lac de Garde et le championnat du monde mi-octobre à Brest.

L’iQFoil a remplacé la RS:X pour Paris 2024, peux-tu nous expliquer ce que ça change ?
Le fait d’avoir un foil à la place de l’aileron demande énormément d’adaptations techniques, il y a des équilibres de conduite très fins à gérer et une stabilité à trouver avec le foil et le placement du gréement. L’autre chose, c’est qu’on navigue à de plus hautes vitesses, ce qui implique une autre façon de « tactiquer », on doit réfléchir tout le temps en mode vitesse, alors qu’en RS:X, on était plutôt en mode vent dans le petit temps et en mode vitesse dès qu’il y avait du vent.

La France domine assez nettement la discipline, pourquoi une telle avance ?  
On a su à l’automne 2019 que la planche allait basculer sur foil pour Paris 2024, et comme la sélection pour Tokyo avait déjà été annoncée en planche [Charline Picon, NDLR] , on est toutes passées en iQFoil, il y a eu une forte émulation collective dès le début qui a permis de monter le niveau de jeu, je ne suis pas sûre qu’il y ait eu ça dans tous les pays. Maintenant, le support est jeune, on a toutes une marge de progression énorme et on sent que le niveau se densifie, on l’avait déjà constaté l’an dernier entre le Mondial et le championnat d’Europe.

“Un équilibre
un peu fin à trouver”

Tu es championne du monde et championne d’Europe en titre, qu’as-tu de plus par rapport à tes concurrentes ?
C’est le fruit de plein de choses : d’abord, j’adore passer du temps sur l’eau, je suis sûrement parmi celles qui ont le plus navigué au niveau mondial. Ensuite, j’ai démarré le foil bien avant qu’on en parle aux Jeux, en 2017, au début en mode loisir après mes entraînements en RS:X, ensuite en compétition, j’avais donc des heures de vol en plus. Aujourd’hui, je pense avoir une avance technique, mais aussi de réflexion, sur certains points du support. On n’a pas du tout vu le passage au foil de la même manière, on n’avance pas de la même façon ; moi, j’adore tester des choses, explorer, je ne suis pas sûre qu’on ait toutes cette démarche.

Il y a une forte concurrence en France pour une seule place aux JO, comment vit-on une telle situation ?
Quand on démarre dans l’olympisme, on connaît les règles du jeu, c’est ça qui rend les JO exceptionnels. C’est sûr que c’est plus dur quand tu es dans une nation forte de la discipline, comme la France, où on est plusieurs dans le top 10 mondial. On a en revanche la chance d’avoir une grosse émulation à l’entraînement, on a toujours quelqu’un de top niveau mondial pour naviguer avec soi, et on n’oublie pas que l’enjeu est d’arriver à partager au maximum pour que toutes progressent, parce que le but final, c’est la médaille aux Jeux pour la France. Après, c’est sûr que, humainement, ça se travaille car on a toutes envie d’y aller, il y a un équilibre un peu fin à trouver.

“SailGP, une expérience de dingue”

Parlons de SailGP : quel bilan fais-tu de ta première saison au sein de l’équipe française ?
Ça a donné une super valeur ajoutée à mon année. On a démarré doucement avec Amélie Riou [avec qui elle alterne à chaque étape du circuit, NDLR] et les filles des autres équipes, parce qu’on arrivait au tout début du processus, mais désormais, il y a obligatoirement une fille à bord pendant les compétitions. Sur l’eau, tout est millimétré, il faut arriver à trouver l’équilibre parfait du bateau grâce à l’interaction de l’équipage, c’est une expérience de dingue.

Quel est le rôle de l’équipière ?
C’est à chaque équipe de décider. Pour l’instant, on est ce qu’on appelle sixième à bord, derrière le barreur. Certains équipages ont choisi que la fille barre à la place du barreur quand il traverse le bateau sur les virements, on a aussi essayé ça, mais on a trouvé que la plus grande valeur ajoutée, ce n’était pas sur ces quelques secondes, mais plus sur le suivi tactique. Comme les gars ont la tête dans le bateau pour gérer la stabilité, l’équilibre du vol et les manœuvres, il faut avoir quelqu’un qui a en permanence la tête à l’extérieur, pour suivre les croisements par exemple. C’est aujourd’hui notre rôle principal et ça permet de comprendre énormément de choses. Si bien que le jour où on aura un poste un peu plus clé à bord, on aura eu cet apprentissage.

Billy Besson a été remplacé après Saint-Tropez par Quentin Delapierre, comment as-tu vécu cet épisode ?
Je ne m’y attendais pas du tout, ça fait réaliser que dans ces milieux, tout tient à pas grand-chose, c’est un peu mon baptême de la voile professionnelle… Comme l’équipage tourne beaucoup autour du barreur, on aurait pu penser qu’une grosse partie du fonctionnement serait à reconstruire, ça n’a pas été trop le cas, la dynamique mise en place autour de Quentin a bien marché, tout le monde avait à cœur que l’équipage tourne malgré ces changements.

“J’ai vécu tous les départs et
arrivées du Vendée Globe”

La Coupe de l’America va s’ouvrir aux femmes avec une épreuve dédiée en 2024, cette expérience pourrait-elle être un tremplin vers la Coupe si une équipe française venait à se monter ?
C’est un peu dur de se prononcer pour l’instant, d’autant que la Coupe pourrait avoir lieu en juin 2024, ce qui poserait un problème de calendrier avec les Jeux. Mais c’est sûr que s’il y avait une équipe française, ça lancerait toute une dynamique dans laquelle on essaierait de s’inscrire. Là, on était deux à tourner avec Amélie, mais en fait, on est six dans le projet, avec Manon Audinet, Aloïse Retornaz, Mathilde Géron et Lara Granier. Pour nous toutes, ça peut vraiment être déclencheur et porteur d’opportunités, tout comme SailGP, ça donne envie. Maintenant, je reste focalisée en priorité sur les Jeux, car ça fait un petit moment que j’ai envie d’y aller. Après des titres de championne d’Europe et du monde, le titre olympique, c’est vraiment le Graal à aller chercher. En plus en France, ça n’arrive qu’une fois dans une vie, il ne faut pas rater cette chance !

Tu es originaire des Sables d’Olonne, la « patrie » du Vendée Globe, est-ce une épreuve que tu suis et la course au large te plairait-elle ?
Oui, depuis toute petite, j’ai vécu tous les départs et toutes les arrivées, du premier comme du dernier, que ce soit sur l’eau en zodiac ou à remonter le chenal à vélo à 3 heures du matin, c’est vraiment un truc culturel chez nous ! Et le Vendée Globe me fait encore plus rêver maintenant que j’ai des copains, avec qui j’ai démarré la voile, qui y participent, comme Benjamin Dutreux et Sébastien Simon. Pour ce qui est de la course au large, il y a des courses en double et en équipage qui me donnent vraiment envie, mais ce n’est pas d’actualité, je ne vais pas faire trop de plans en même temps !

Photo : Sailing Energy

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