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Le L30 choisi pour les Mondiaux Offshore 2020 : quid de Paris 2024 ?

A 15 jours d’intervalle, World Sailing, la fédération internationale de voile, vient de faire deux annonces majeures : l’officialisation du premier championnat du monde offshore en octobre 2020 à La Valette (Malte), d’abord, le choix du L30 comme support de cette compétition, ensuite. Cette dernière décision augure-t-elle celle – très attendue – du futur monotype de l’épreuve de course au large qui sera lancée lors des Jeux olympiques de Paris 2024 ? Tip & Shaft a mené l’enquête.

Lancé lors de la Conférence annuelle à Puerto Vallarta en 2017 et confirmé en avril 2018 par World Sailing, le premier championnat du monde offshore devait avoir lieu en 2019 ; il se tiendra finalement en octobre 2020 à La Valette, un retard que World Sailing justifie dans son annonce en assurant qu’il doit permettre “de développer un processus complet de qualification et de plus amples opportunités pour les membres (de World Sailing, les fédérations) de se qualifier et de se préparer pour l’événement”.

Un délai qui s’explique sans doute aussi par les difficultés rencontrées par World Sailing pour organiser cette compétition inaugurale : choisi après un appel d’offres pour en être le maître d’œuvre, OC Sport s’était ainsi retiré de la course en fin d’année dernière, comme l’avait annoncé Hervé Favre, son CEO, à Tip & Shaft, notamment à cause du choix du support. Entre-temps, la Conférence annuelle de World Sailing de Sarasota est passée par là avec une volte-face de taille de l’ex ISAF puisque la course au large, retoquée six mois plus tôt du programme olympique de Paris 2024 lors du Mid-Year Meeting de Londres, a finalement été retenue, grâce notamment à l’intense lobbying de la Fédération française de voile.

Du coup, il devenait urgent de remettre ce Mondial Offshore sur les rails, comme l’expliquait à Tip & Shaft Nicolas Hénard, le président de la FFVoile, en novembre : “Le fait qu’en mai dernier, la course au large n’entrait pas comme catégorie olympique ne jouait pas en sa faveur. Maintenant qu’elle est revenue dans le jeu olympique, on devrait trouver des solutions”. La fédération internationale de voile a donc choisi d’organiser ce Mondial de course au large en double mixte à Malte, en l’adossant à un événement déjà existant, la Rolex Middle Sea Race : la compétition empruntera le parcours de cette dernière long de 606 milles ou un parcours plus court selon les conditions. Vingt pays, dont Malte, qualifié d’office, y participeront. Interrogée sur le système de qualification, World Sailing nous a répondu, par la voix de son directeur de la communication et du digital, Dan Smith : “Le système de qualification, en cours de développement, sera dévoilé après les décisions prises lors du Mid-Year Meeting de Londres(en mai), avec un nombre de quotas alloué par continent, chaque fédération pourra alors essayer de se qualifier.”

Dans la foulée de l’officialisation du Mondial à Malte, World Sailing a annoncé que la compétition se disputerait en L30, un monotype de 9,58 mètres imaginé par l’Ukrainien Rodion Luka – médaillé d’argent en 49er aux Jeux Olympiques d’Athènes en 2004. Dessiné par le cabinet Justin Yacht Design de l’architecte slovène Andrej Justin – à qui l’ont doit également le RC44 -, le L30 est construit dans deux chantiers, en Ukraine et en Slovénie. Pourquoi ce choix ? Visiblement, le L30 s’est surtout imposé faute de candidats : si World Sailing, qui avait lancé il y a un an un appel à candidatures détaillant les critères du bateau souhaité, nous a répondu que Dehler avait proposé son Dehler 30 OD, beaucoup de sources proches du dossier n’avaient pas entendu parler de ce dernier. De son côté, Bénéteau, jugeant les conditions financières trop risquées, n’avait pas souhaité présenter la candidature du Figaro 3. Au contraire, donc, de L30 One Design, dont le directeur exécutif Sergey Cherny nous explique : “Quand l’appel à candidatures été lancé par World Sailing, nous avons trouvé que notre bateau correspondait aux critères, dans la mesure où il a de bonnes performances à toutes les allures, est facile d’un point de vue logistique, accessible pour de nombreux marins à travers le monde avec un prix prêt à naviguer inférieur à 90 000 euros [le L30 standard est à 68 615 euros HT, NDLR].

Avant de le sélectionner, World Sailing a tout de même fait tester le L30 par quelques marins, notamment Ian Walker, vainqueur de la Volvo Ocean Race 2014-2015, désormais patron du haut-niveau de la fédération britannique de voile que nous avons interrogé : “Pour être honnête, quand j’ai navigué à bord, il y avait à peine une ride de vent sur l’eau ! Du coup, il m’a été impossible de juger le comportement du bateau. C’est un bateau nerveux avec un trim tab et il semblait bien avancer malgré le petit temps. Je crois que ce qui plaît à World Sailing est le fait que le bateau est accessible et transportable, deux facteurs importants. La possibilité de le remorquer compte pour toutes les nations.” De son côté, Charles Caudrelier l’a essayé avec Antoine Koch en juillet dernier aux Pays-Bas, à la demande d’OC Sport. Résultat des courses ? “J’ai navigué une journée par mer plate et pas beaucoup de vent, résume le vainqueur de la dernière Volvo. Le bateau a été conçu au départ pour naviguer en lac, la carène est sympa, il est extrêmement léger et véloce dans les petits airs, facile à mettre à l’eau, tout est bien pensé. Il y a deux-trois trucs qui me chagrinent comme les deux barres à roue, mais c’est un bon petit bateau de régate, facile à mener à deux. Comme il est très léger, je pense que les gens qui viennent de la voile olympique seront aussi à l’aise dessus que des marins habitués au large.”

Charles Caudrelier s’interroge en revanche s’interroge sur les qualités hauturières du L30 : Est-ce qu’on ira prendre 35 nœuds et 3 mètres de mer avec ce bateau étroit et pas très raide ? J’ai un doute. Le L30 n’a pas les caractéristiques idéales pour le large, ça me semble plus un bateau de régate entre trois bouées capable de s’adapter au large qu’un véritable bateau de large. Il est plus proche d’un Farr 30 que d’un Figaro.” Interrogé sur les capacités hauturières de son monotype, Sergey Cherny répond : “Le record de vitesse du bateau est de 24,7 nœuds, réalisé dans une mer difficile et des vents moyens de 34 nœuds. Il est équipé de trim tabs qui ajoutent de la performance au près et permettent de naviguer facilement au portant dans la forte brise”. Pour Ian Walker, les questions autour du support ne sont pas essentielles : “Tout le monde s’inquiète du matériel, quand l’important sera de faire marcher un bateau typé pour la course au large. Comme dans une épreuve de match racing, les athlètes arriveront et participeront à bord du bateau mis à leur disposition. Ce qui compte sera de pouvoir naviguer en montrant toutes ses compétences.

Avec l’annonce du choix du L30 pour ce premier championnat du monde offshore mixte, la question taraude naturellement les nombreux coureurs qui s’intéressent à ce nouveau format : le L30 sera-t-il pour autant le support de la première épreuve de course au large olympique prévue dans les eaux marseillaises en 2024 ? “C’est sûr que si ce championnat du monde se passe très bien, ils auront mis un pied dans la porte. Mais, en cas de difficultés, cela peut aussi produire l’effet inverse”, résume un observateur attentif qui a souhaité rester anonyme, comme la plupart des experts des arcanes de World Sailing interrogés par Tip & Shaft. Du côté de la fédération internationale de voile, Dan Smith répond : “Non, cela ne veut pas dire que le L30 sera le bateau des Jeux. Plusieurs groupes de travaillent planchent actuellement sur l’équipement, le format, le processus de qualification et les questions techniques liées aux retransmissions en direct de l’événement de course au large à Paris 2024. Le sujet va être discuté en détail lors du Mid-Year Meeting cette année, une décision finale sera prise en novembre lors de la Conférence annuelle aux Bermudes”.

Une décision finale qui tracera les grandes lignes de l’épreuve de course au large olympique, le processus de qualification et des indications sur le support, mais ne se prononcera pas forcément sur le choix du bateau olympique qui pourrait être annoncé en… 2023. Deux tendances se dégagent aujourd’hui, confirme un spécialiste. La première vise à annoncer l’équipement lors de la Conférence annuelle de novembre 2020, la seconde est d’attendre le dernier moment en disant que plus tard il sera choisi, plus les chances seront équitables. Dans un contexte politique tendu autour de la course au large, l’idée est de donner des gages aux « petits » pays en leur disant : « Prenez une flotte existante, naviguez en double et on choisira le bateau au dernier moment. »” Une autre source proche de World Sailing confirme cette analyse à Tip & Shaft “Si le choix est fait trop tôt ou est trop limitant techniquement, on va écarter plein de pays, parce que ce sera trop cher, trop technique ou qu’il n’y a pas de constructeur dans le coin. La stratégie de World Sailing aujourd’hui est de rassurer et d’être extrêmement pédagogique vis-à-vis de ses membres en ce qui concerne l’offshoreSi on veut que la course au large ne soit pas un one-shot aux JO, il faut surtout ne pas se focaliser sur le support“.

D’où l’idée avancée d’annoncer lors de la prochaine Conférence annuelle de novembre aux Bermudes une liste élargie de bateaux labellisés – dont pourrait faire partie par exemple le Figaro Bénéteau 3 – mais également d’événements existants qui incluraient le format double mixte (Fastnet Race, Sydney-Hobart…), sur lesquels il serait possible de se qualifier en vue des Jeux olympiques de Paris, avant la décision finale en 2023. “C’est la position défendue par certains, mais il faut être extrêmement prudent, parce que les opposants à la course au large n’ont pas dit leur dernier mot, prévient cette même source. Si un support n’est pas annoncé rapidement, ils pourraient revenir à la charge.”

Crédit photo : Pavel Zmey/L30 One Design

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