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Volvo Ocean Race : trois questions pour un vainqueur

Après l’In-Port Race de Cardiff remportée vendredi par Dongfeng Race Team devant Mapfre et Brunel, la dixième et avant-dernière étape de la Volvo Ocean Race s’élance ce dimanche à destination de Göteborg avant une ultime étape vers la Haye (départ le 21 juin). Avec trois équipes en trois points au général, Dongfeng Race TeamMapfre et Brunel, l’issue de cette édition 2017-2018 n’a jamais été aussi incertaine. Dans quelle dynamique sont les trois teams ? Quelles stratégies adopter ? Le format des deux dernières étapes favorise-t-il un équipage plus qu’un autre ? Tip & Shaft a interrogé quatre spécialistes : le tenant de l’épreuve Ian Walker, vainqueur en 2015 sur Abu DhabiThomas Rouxel, qui a couru une étape sur BrunelNicolas Lunven, navigateur sur Turn the Tide on Plastic, et Gilles Chiorri, team manager d’AkzoNobel.

Dans quelle dynamique sont les trois teams ?

Indiscutablement, la dynamique depuis la mi-course est favorable à Team Brunel qui, après avoir compté 17 points de retard à Auckland sur Mapfre, alors leader, est revenu à trois points de Dongfeng, désormais en tête, et à deux de Mapfre, par la grâce de ses victoires à Itajai et Cardiff et de sa deuxième place à Newport. “Jusqu’à Auckland, Mapfre et Dongfeng étaient les principaux acteurs de cette édition, depuis, Brunel a retrouvé clairement de la vitesse et de l’inspiration, confirme Gilles Chiorri, tandis que Nicolas Lunven ajoute : Brunel est l’équipe qui a le plus progressé sur cette Volvo, après avoir connu quelques déboires au départ. Sur les dernières étapes, ils sont plus que dans le coup, que ce soit en vitesse ou en stratégie, on sent une bonne symbiose à bord”.  Une progression qui s’explique en partie, d’après Thomas Rouxel, qui a couru et gagné l’étape Auckland-Itajaí, par la sérénité diffusée à son équipage par le skipper Bouwe Bekking, sept Volvo au compteur (mais aucune victoire) : “Bouwe ne s’énerve jamais, j’ai vu une vidéo de l’arrivée à Newport où il était très déçu de se faire dépasser sur le fil par Mapfre, c’est la première fois que je le voyais comme ça. En général, il est toujours très positif et ça se ressent sur l’équipage, c’est vraiment un atout”.

A contrario, Mapfre, après avoir dominé la première partie de course, premier au Cap et à Melbourne, est sur une dynamique inverse, cinquième à Itajai et Cardiff, très heureux vainqueur à Newport. “Ils ont eu beaucoup de réussite à Newport, sans ça, la partie serait déjà finie pour eux”, souligne Ian Walker. “Même s’ils ne laissent rien transpirer, c’est sans doute l’équipe qui a le plus de doutes, ils n’ont pas été très rapides sur la dernière étape”, note de son côté Gilles Chiorri, tandis que Thomas Rouxel voit une explication dans cette nette baisse de régime : Ils sont un peu cramés. Ils avaient une politique de ne pas changer d’équipage sur tout le tour, je pense que ce n’était pas une bonne option”. Les Espagnols semblent cependant conserver une certaine capacité à revenir, comme le montre leur perf de ce vendredi, où ils finissent 2e après avoir choisi le mauvais côté du plan d’eau au départ.

Quid de l’actuel leader, Dongfeng ? “Au niveau comptable, ils sont dans une position intéressante, ils ont une petite marge, surtout avec le point de bonus qui leur est promis [attribué à l’équipe ayant le meilleur temps cumulé sur toute la Volvo, NDLR]. Pour moi, c’est le bateau le plus rapide, même s’ils ont fait quelques grosses erreurs, assure Ian Walker. La bonne chose pour eux, au vu de leur position, c’est que s’ils terminent derrière Brunel et Mapfre à Göteborg, ils auront encore une chance sur la dernière étape.” Pour Gilles Chiorri, Dongfeng n’a pas de raisons de prendre feu : ils sont très consistants, ont une forte envie de gagner une étape et ont le point du meilleur temps cumulé”. Et leur victoire, vendredi après-midi, dans l’In-Port Race de Cardiff, ne peut que les mettre en confiance.

Quelle stratégie adopter sur les deux dernières étapes ?

Le duel Dongfeng-Mapfre s’étant transformé en match à trois, difficile pour les teams en lice pour la victoire finale de définir une stratégie précise sur cette fin de Volvo, et notamment pour le leader, Dongfeng, qui, forcément a le plus à perdre. “Si on regarde les dernières étapes, Mapfre et Dongfeng ont probablement passé 30 000 milles à se regarder et c’est une des raisons pour laquelle Brunel a pu revenir, explique Ian Walker. Si c’était moi, j’essaierais d’aller le plus vite possible lors des 24 premières heures et voir après ce qui se passe. Si tu es devant les deux autres à ce moment-là, bien sûr, tu gardes un œil sur eux, mais si tu le fais dès le départ, tu peux très facilement te retrouver à l’arrière de la flotte, c’est un peu ce qui s’était passé sur la dernière édition entre Lisbonne et Lorient : les filles de SCA[qui avaient remporté l’étape, NDLR] avaient certes très bien navigué, mais elles avaient aussi profité du fait que les autres avaient passé leur temps à se marquer.” Au jeu des conseils, Nicolas Lunven ajoute : “Je suis sans doute un peu joueur, mais si j’étais à la place de Dongfengj’essaierais de naviguer le plus libéré possible en évitant de marquer un bateau en particulier. A mon avis, il ne faut pas trop se focaliser sur cette notion de marquage, au moins sur cette première étape”.

Quid de la stratégie de Brunel qui, sur les dernières étapes, a été justement assez joueur, ce qui lui a permis de revenir dans le match ? “Ils naviguaient assez librement jusqu’à présent, je pense que ça va être moins le cas, ça va devenir plus compliqué pour eux d’attaquer, estime Thomas Rouxel, relayé par Gilles Chiorri : “Je ne pense pas que Brunel ait une forte intention d’ouvrir la boîte à risques, parce qu’ils ont prouvé qu’ils étaient plutôt rapides. Ils vont essayer de rester dans le paquet de tête et de trouver une opportunité”. Fort de son expérience, Ian Walker conclut : “Sur la dernière édition, nous avions été sur le podium de toutes les étapes jusqu’à Newport. Nous nous sommes alors mis à regarder les autres bateaux et nous avons commencé à très mal naviguer, donc je pense qu’ils doivent garder leur liberté de faire, parce que s’ils veulent gagner, ils doivent battre Dongfeng sur les deux dernières étapes”.

Le format court des deux dernières étapes favorise-t-il une équipe plus qu’une autre ?

1 300 milles entre Cardiff et Göteborg, 700 entre la Suède et La Haye : les deux dernières étapes s’apparentent à des sprints essentiellement côtiers qui rendent Ian Walker dubitatif sur les chances des uns et des autres de briller : “Nous ne savons pas qui va être le plus costaud sur ces étapes côtières, très différentes, pendant lesquelles il faut prendre des décisions beaucoup plus vite : ce n’est pas toutes les 4-5 heures, mais toutes les 20 minutes qu’il faudra trancher”.

A ce jeu-là, l’expérience du terrain mais aussi de ces manches côtières, type Solitaire du Figaro, peut être un atout selon Gilles Chiorri, notamment pour Dongfeng : “Ils ont pour moi les clés pour performer, notamment sur la première étape. C’est un peu comme une étape de la Solitaire, avec des choix entre aller à terre ou au large, des renverses de courant, beaucoup de phases de transition et de passages à niveau, il y a un vrai travail de navigateur. Pascal [Bidégorry, le navigateur, NDLR] aime aller jouer dans les cailloux, il maîtrise bien les courants, il a été à l’école du Figaro pendant longtemps, ça peut aider. Et ils ont un très bon coach et navigateur à terre, Marcel Van Triest, on peut imaginer que le road-book sera bien préparé”. Nicolas Lunven de son côté, relativise l’éventuel avantage du terrain : “C’est forcément une petite aide d’avoir navigué dans ces coins-là, comme Charles ou Pascal l’ont fait, mais Andrew Cape [navigateur de Brunel, NDLR] habite en Angleterre, il a dû faire un paquet de Fastnet, les Espagnols sont aussi souvent venus naviguer ici, je ne mettrais pas d’avantage sur ce point-là.”
Premier verdict en fin de semaine prochaine…

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