Le président de la classe Imoca, Antoine Mermod, confiant pour le Vendée Globe

Antoine Mermod : “Revenir le plus vite possible au programme prévu”

Président de l’ImocaAntoine Mermod passe beaucoup de temps au téléphone en cette période de confinement, entre conseils d’administration hebdomadaires de la classe, skippers et organisateurs de course, dont ceux du Vendée Globe… et interview à Tip & Shaft pour faire le point sur la situation actuelle.

Comment la classe Imoca s’est-elle organisée pendant le confinement pour continuer à avancer en cette année de Vendée Globe ?
On communique beaucoup ensemble, d’abord en réunissant le conseil d’administration de l’Imoca tous les lundis en visioconférence. Nous avons aussi au minimum un « call » hebdomadaire avec toute l’équipe d’organisation de New York-Vendée, de même avec celle du Vendée Globe et avec le département de la Vendée, tandis qu’avec The Transat CIC, c’est moins installé, mais nous sommes en contacts plusieurs fois par semaine. Après, la semaine dernière, j’ai appelé individuellement les 35 candidats au Vendée Globe et nous avons décidé qu’à partir de ce vendredi [interview réalisée le 2 avril, NDLR], nous allions faire un « call » hebdomadaire avec eux et les team managers pour faire un point de la situation. L’idée étant que tout le monde garde confiance et que nous restions tous unis face à cette situation. En parallèle, nous travaillons avec la Fédération française de voile et les autorités pour préparer de la meilleure façon possible la levée du confinement afin de permettre aux bateaux de renaviguer le plus vite possible et envisager la reprise des compétitions.

Quel est l’état d’esprit général parmi les 35 skippers  ?
C’est assez mélangé : il y a de l’inquiétude forcément, pour les conséquences sanitaires et économiques, c’est logique, mais on essaie de rester calme par rapport à ça, parce qu’on n’a aujourd’hui aucune idée de ce qui va se passer. Après, le point le plus difficile à gérer pour tout le monde est l’incertitude du moment où on pourra réellement reprendre nos activités, qui fait qu’on a du mal à construire notre début de saison. Enfin, il y a le besoin et l’envie, partagés par tous, de faire un événement très solide, sportivement parlant, à l’été. La stratégie serait de revenir le plus rapidement possible au programme prévu afin d’impacter le moins possible la qualité de préparation du Vendée Globe.

Sur ces 35 skippers, certains sont-ils financièrement en péril à cause de la situation actuelle ?
Aujourd’hui, non. Après, ça ne fait que 18 jours que nous sommes en confinement, les décisions « au sabre » en si peu de temps sont très rares. Ça sera peut-être plus critique dans un mois ou deux parce que tout le monde est aujourd’hui en train d’affronter la crise, personne n’en tire les conséquences. Maintenant, pour la majorité des skippers, il y a une relation très forte avec leurs partenaires, c’est une grande force de notre sport qui doit nous permettre de passer cette crise. Pour ceux qui n’ont pas encore bouclé leur budget, c’est clair que c’est difficile de discuter aujourd’hui avec des entreprises pour nouer des partenariats. Mais paradoxalement, il y a des discussions entamées avant le début de la crise qui sont en train de se finaliser aujourd’hui.

Les chantiers restent-ils aujourd’hui en activité ?
La majorité des équipes continue de travailler, dans une situation adaptée, à bas régime, avec très peu de gens dans l’atelier. Et il y a tous ceux qui sont en télétravail, notamment les bureaux d’études qui représentent souvent un tiers des teams.

Certains skippers s’inquiètent-ils pour l’équité sportive, en mettant en avant le fait que cette période est plus pénalisante pour eux que pour d’autres ?
La situation de chaque skipper est différente et c’est sûr que pour des bateaux comme Corum [dernier-né de la flotte qui devait sortir de chantier le 21 mars] ou L’Occitane, si on perd six semaines sur un timing déjà très serré, la situation est beaucoup plus compliquée que pour d’autres. Donc on échange bien évidemment avec eux et on va essayer de trouver tous ensemble les moins mauvaises solutions pour que ça puisse se passer au mieux pour eux.

A combien de temps estimes-tu le temps nécessaire entre la fin du confinement et un départ de course ?
Si on estime que les activités se sont arrêtées le 18 mars et que le premier départ de course était prévu le 10 mai [The Transat CIC], on peut penser qu’entre six et huit semaines, un certain nombre de bateaux devraient être prêts.

Le fait que la course au large soit une discipline sans public, en dehors des villages, et que votre programme cette année soit en solitaire peut-il favoriser une reprise plus rapide des courses ?
C’est clair que nous avons une chance incroyable d’avoir un sport qui se joue à huis-clos, donc par rapport à d’autres sports, on va forcément être privilégié, on a moins toutes les problématiques de public à gérer. Donc pour avoir une autorisation de démarrer vite, on va essayer de jouer à fond cette carte-là, en mettant en avant le fait que notre événement, c’est une personne sur un bateau. Notre idée, pour New York-Vendée, c’est de garder les festivités d’arrivée telles qu’elles sont prévues, mais par contre de faire un départ en mer.

Parlons du programme justement : quelle est la réponse de la classe Imoca au sondage des organisateurs de The Transat CIC entre un événement cet été et un report d’un an (voir notre interview d’Hervé Favre la semaine dernière) ?
Cette année, nous avions trois « slots » dans le planning : en mai avec The Transat, en juin avec New York-Vendée et en novembre avec le Vendée Globe. Aujourd’hui, le « slot » de mai est mort, on sait qu’il n’y aura pas de course transatlantique. Par contre, celui de juin peut être adapté, nous avons le soutien de nos partenaires – la Vendée et la ville des Sables – pour faire la course du mieux possible, avec 27 bateaux inscrits. Ce créneau est important pour nous, à la fois pour se préparer et se qualifier pour le Vendée Globe, mais aussi pour lancer notre saison. Donc, organiser une autre course quelques jours après, c’est un peu délicat, et avant 2021, c’est un peu bouché pour nous. Après, repousser d’un an, ce n’est pas une mauvaise solution, on a un « slot » sur la période de juin-juillet 2021 qui pourrait permettre à OC Sport d’organiser un bel événement. Même si les 17 inscrits sur The Transat cette année n’ont pas forcément de contrat au-delà du Vendée Globe, ce qui signifie que la flotte pourrait être très différente dans un an.

Pourquoi ne pas fusionner The Transat CIC et la New York-Vendée et faire ainsi un grand événement estival multi-classes ?
Sur le papier, l’idée est bonne, sauf que si on rentre dans le détail de l’organisation d’un événement, c’est plus compliqué. Aujourd’hui, dans le meilleur des cas, nous sommes à deux-trois mois d’un tel événement, tous confinés chez nous avec nos contraintes personnelles, ce qui rend l’efficacité moindre. Et il y a deux équipes complètes d’organisation, dont une, celle du Vendée Globe, qui fait son warm-up sur la New York-Vendée ; elles n’ont pas tant de dénominateurs communs elles, c’est un peu comme si on voulait organiser Roland-Garros et Wimbledon à Calais ! Donc surmonter autant de difficultés en un mois et demi en période de confinement, ça tiendrait du miracle. Je préfère me concentrer sur un événement existant avec des partenaires solides et un objectif très clair, à savoir faire le warm-up du Vendée Globe avec quelques curseurs à ajuster, plutôt que d’essayer de recréer entièrement un autre truc. L’idée, c’est toujours d’aller au plus efficace : moins on change de choses, plus on a de chances que ça se passe.

Parmi les curseurs à ajuster, il y a le parcours : sur quelle hypothèse travaillez-vous ?
Jacques Caraës et la direction de course travaillent dessus : j’espère qu’on pourra proposer un avis de course mis à jour d’ici fin avril avec deux parcours différents qui nous permettront de nous adapter aux conditions.

L’idée, c’est de faire une boucle en Atlantique ?
Oui 3 000-4 000 milles en solo, soit deux semaines de course, avec un départ, vraisemblablement au large des Sables d’Olonne, et une arrivée aux Sables. L’idée est de faire un parcours difficile pour les marins parce qu’en vue du Vendée Globe, on a besoin de les challenger le plus possible. La flexibilité entre les deux parcours, c’est pour aller chercher le dur.

Les 27 skippers inscrits ont-ils tous confirmé leur intention de courir ?
Dans le tour que j’ai fait la semaine dernière, dans l’hypothèse d’une reprise début mai, 24 des 27 marins se sentaient de pouvoir partir le 15 juin, et 3 autres, qui avaient écarté l’hypothèse de New York pour des questions de budget, pourraient être intéressés.

Finissons par le Vendée Globe : quelle est aujourd’hui la nature de vos échanges avec les organisateurs ?
Ils sont aujourd’hui quotidiens avec les équipes de la SAEM et hebdomadaires avec le département de la Vendée. Ils tournent autour de la situation des skippers, parce qu’ils [la SAEM et le département] ont besoin d’avoir des skippers bien préparés, mais aussi éventuellement de faire évoluer les règles de qualification, ils sont aussi partenaires de New York-Vendée. Il y a donc beaucoup de sujets de discussion. Et de leur côté, ils avancent sur l’organisation du Vendée.

Et sur d’éventuels plans B, comme un report de la course ?
Non, pas du tout. Le Vendée Globe a lieu dans sept mois, le département de la Vendée est quotidiennement au contact de la situation sanitaire en France, donc aujourd’hui, la construction de l’événement se passe bien. Tout est prêt pour que ce soit une édition formidable.

Photo : Vincent Curutchet / Imoca

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