Jérémie Beyou on his IMOCA

Jérémie Beyou : “On a les dents qui rayent le parquet”

13e du dernier Vendée Globe, Jérémie Beyou est reparti sur une nouvelle campagne avec Charal et un bateau neuf, signé Sam Manuard, attendu en juin prochain. D’ici là, il s’apprête à prendre le départ de la Transat Jacques Vabre avec Christopher Pratt. Tip & Shaft a échangé avec le marin de 45 ans.

► As-tu mis du temps à digérer ton Vendée Globe 2020 ?
La déception de ne pas jouer aux avant-postes, je l’avais digérée petit à petit pendant la course. Après, c’est un événement tellement impliquant mentalement et physiquement, que tu ne t’en remets pas du jour au lendemain, il m’a fallu quelques mois avant d’avoir envie de retaper dedans au niveau physique et de sentir que j’avais récupéré. Et la niaque pour régater, elle est arrivée pendant l’été : au départ du Fastnet (2e), j’avais une grosse envie de retrouver la compétition.

► Avant même le départ du Vendée Globe, tu savais que tu allais repartir sur une nouvelle campagne, as-tu quand même douté ?
Non, au contraire. Peut-être que si j’avais gagné, je me serais posé la question ; là, le fait de ne pas avoir joué aux avant-postes m’a laissé pas mal de frustration, j’étais très loin d’être rassasié. En plus, dès mon retour, j’ai plongé dans le bain du nouveau bateau, donc je me suis très vite projeté sur le Vendée Globe suivant.

► As-tu changé des choses au moment d’organiser cette nouvelle campagne ?
Non, les méthodes sont les mêmes : on essaie de tout préparer bien en amont, c’est pour ça qu’on a lancé le projet tôt. On est repartis sur le même calendrier global, avec quelques corrections quand même : il n’y aura ni Figaro ni Ocean Race sur cette campagne, le planning est tourné quasiment à 100% vers l’Imoca en équipage réduit. On a en plus la chance, grâce à Charal, de pouvoir renforcer l’équipe. En étant les premiers à se lancer, on a pu auditer plusieurs architectes, on a eu le choix du roi, il s’est porté sur Sam Manuard. Et on ne le regrette vraiment pas, parce qu’il a un talent fou, c’est quelqu’un qui fourmille d’idées, tout en connaissant les contraintes de naviguer en solitaire.

 

“On a étudié plusieurs
dizaone de carènes”

 

► Charal 2 ressemblera-t-il plus à L’Occitane qu’à Charal 1 ?
Ça ne sera ni l’un ni l’autre ! Pour être transparent, Sam est arrivé avec sa façon de voir les choses, sa référence était effectivement L’Occitane, la nôtre était Charal. Nico (Andrieu, ingénieur au bureau d’études) – et moi aussi d’ailleurs – tenait à ce qu’on balaie de façon très large tous les concepts de carènes, on a dû en étudier plusieurs dizaines. Il a fallu trouver des compromis entre celles qui sont très tendues et d’autres plus rockées devant et derrière. Ça a mis du temps à venir, on a été au bout du bout de la dead-line avant de voir la bonne carène émerger.

► Où en est la construction ?
On a fini la peau extérieure et la mousse, qui ont été posées sur la coque et le pont, on a des cloisons qui commencent à être fabriquées, le design des foils est arrêté depuis deux semaines, ils rentrent en production, les safrans vont suivre. On a commencé à travailler sur les jeux de voiles, on a fait un dernier point sur la maquette pour la définition finale du roof… Nous sommes toujours sur une mise à l’eau le 30 juin 2022, sachant qu’on courra l’avant-saison, la Bermudes 1000 Race et la Vendée Arctique, avec Charal 1.

► Charal 1 est-il déjà vendu ?
On reçoit beaucoup d’appels, mais on ne communique pas trop sur le sujet. Ce qu’on aimerait, c’est faire un peu naviguer les deux bateaux ensemble. Maintenant, rien n’est ficelé et c’est Charal qui aura le dernier mot sur le sujet.

 

“Un peu un esprit
de revanche”

 

► Charal 1 a-t-il beaucoup évolué par rapport au bateau qui a bouclé le Vendée Globe ?
Nous sommes passés à la nouvelle jauge, donc à la quête de mât à 6 degrés, un changement majeur qui va  typer le bateau au maximum pour le portant, on espère qu’il y en aura beaucoup sur la Jacques Vabre ! Et nous avons modifié l’étrave en faisant un « bustle », comme on l’a vu sur les AC75 de la Coupe de l’America (sorte de mini-coque sous la coque). En l’occurrence, c’est un « bustle » modèle réduit car on ne voulait pas modifier la structure du bateau, donc on a rogné tout ce qu’on pouvait sous la crash-box. On trouve qu’il y a un gain quand le bateau ré-atterrit, il a une meilleure faculté à ressortir quand la carène lèche l’eau.

► A propos de Transat Jacques Vabre, vous étiez les grands favoris il y a deux ans, cette année, on a l’impression que l’étiquette est sur Apivia, qui a gagné le Fastnet et le Défi Azimut, es-tu d’accord ?
C’est sûr qu’ils font une super belle avant-saison, ils sont rapides, le duo fonctionne bien, ils n’ont fait aucune faute en termes de stratégie, ça ressemble à un gros favori. Maintenant, on a beaucoup entendu que Charal avait ce statut il y a deux ans et ce n’est pas Charal qui a gagné (3e après avoir été scotché dans le Pot-au-noir)

► Votre préparation a été un peu perturbée ces dernières semaines, peux-tu nous en dire plus ?
Nous avons tapé quelque chose pendant le Fastnet avec le safran, mais aussi avec l’étrave, complètement délaminée avec une voie d’eau à l’intérieur, il a fallu la refaire complètement, ce qui nous a immobilisés plus d’un mois. Et nous avons ensuite cassé le bout-dehors, ce qui nous a obligés à stopper la semaine dernière pendant cinq jours. Autant te dire qu’avec Chris on a un peu les dents qui rayent le parquet et qu’on est très motivés à l’idée de régater ! On a aussi un peu un esprit de revanche par rapport au scénario de la précédente édition, je pense qu’on a toutes nos chances.

 

Photo : Gautier Lebec / Charal Sailing Team

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