PRB Kevin Escoffier

Kevin Escoffier : “Si je finis le Vendée Globe, je serai dans les cinq”

Après de nombreuses années passées entre compétition (un Trophée Jules Verne, deux Volvo Ocean Race…) et technique (il a notamment dirigé le bureau d’études du Team Banque Populaire), Kevin Escoffier, 39 ans, s’est mis « à son propre compte », choisi pour succéder à Vincent Riou sur l’Imoca PRB en vue du prochain Vendée Globe. Le Malouin, deuxième de la Transat Jacques Vabre avec Nicolas Lunven, qui disputera The Transat CIC et New York-Vendée au printemps prochain, évoque ce tournant et ses ambitions pour Tip & Shaft.

A l’arrivée de la Transat Jacques Vabre, ta joie semblait mesurée, avais-tu des regrets ?
C’est un peu dans mon tempérament, j’ai souvent tendance à voir ce qu’on a fait de mal plutôt que ce qu’on a fait de bien, mais si je me pose cinq minutes, je me dis que c’est un projet que j’ai récupéré il y a six mois, et qu’à l’arrivée, on fait trois fois deuxième cette saison : au Fastnet dans des conditions un peu musclées, à l’Azimut avec un plateau relevé, et sur la Jacques Vabre en faisant quelques erreurs. Donc les six premiers mois du projet sont très positifs. Maintenant, je n’aime pas trop m’enflammer, dans le sens où l’objectif majeur du projet reste le Vendée Globe. Et il y a encore beaucoup de travail pour ça, à la fois pour moi, pour m’améliorer en solitaire, et pour fiabiliser le bateau.

Revenons un peu en arrière : peux-tu nous rappeler comment tu es arrivé dans ce projet ?
Je dis merci à Vincent Riou ! Deux semaines après que Banque Populaire IX coule au large du Portugal sur la Route du Rhum, Vincent me propose d’être dans la short-list qu’il va présenter à Jean-Jacques Laurent [le patron de PRB, NDLR] pour être le skipper du bateau parce qu’il ne veut pas refaire le Vendée Globe. Il lui a dit que j’avais à la fois une expérience de marin au large – j’ai fait beaucoup de multicoque, mais aussi deux Volvo en monocoque, une course qui, pour apprendre à faire marcher vite un bateau sur l’eau, est à mon avis ce qu’il y a de mieux – mais aussi une expérience technique qui collait bien avec le projet PRB, sachant qu’il ne fait pas partie des grosses écuries au niveau budgétaire et que le bateau est assez compliqué. Mon profil pouvait donc me permettre de gérer le projet dans sa globalité. Je pense que Jean-Jacques Laurent avait aussi un souvenir de moi de 2005 quand je travaillais en tant qu’ingénieur sur la construction du plan Farr de Vincent en vue du Vendée Globe 2008. Donc il a regardé mon parcours et a retenu ma candidature, en même pas une semaine.

As-tu hésité avant d’accepter ?
Non, j’ai dit oui tout de suite, parce que ça commençait à me trotter dans la tête. J’arrivais à un âge où je me disais que si je ne faisais pas du solitaire maintenant, j’allais peut-être le regretter. Le fait que le Vincent me le propose à ce moment m’a fait penser que j’avais une bonne étoile, j’ai sauté sur l’occasion.

Cela faisait longtemps que tu dirigeais le bureau d’études du Team Banque Populaire, cela a-t-il été compliqué de tourner cette page ?
Non, parce que cette envie de solitaire murissait dans ma tête depuis la victoire sur la Volvo, et je pense que la perte de Banque Pop IX a aussi joué : normalement, je devais faire du bateau volant, là, je ne me voyais pas repartir sur une construction, je pense que j’aurais moins eu la gnaque. Après, humainement, ça fait forcément un pincement au cœur, nous avons vécu des choses très fortes avec des personnes que j’apprécie, ça a été compliqué de ce côté-là, mais ils ont été très contents pour moi et m’ont facilité la vie. Nous sommes partis en très bons termes.

Comment as-tu vécu la perte de Banque Populaire IX ?
Pour moi et pour l’équipe, ça a été forcément dur à vivre. Le Team Banque Populaire prend peu de risques avec la sécurité, nous avons toujours fait des choix de structure orientés plus là-dessus que sur le gain de masse, nous étions le seul team à faire un double check structurel des bateaux, donc le perdre totalement a été un coup très dur.

Le projet PRB ne comprenait pas la construction d’un bateau neuf, cela t’a-t-il fait hésiter ?
Non, parce que je pense que c’est le projet qui correspondait parfaitement à mon parcours. N’ayant jamais fait de solitaire, je pouvais difficilement prétendre avoir directement un projet avec un bateau neuf. Par contre, comme PRB est un bateau très technique, venant de quelqu’un très doué dans le domaine, Vincent, qui pousse les choses au bout, je pense que mes connaissances techniques m’ont permis de le prendre en main assez rapidement. D’ailleurs, c’est moi qui lance en ce moment le chantier d’hiver, je continue aussi à faire un peu de plans moi-même, à la fois pour des raisons budgétaires, mais aussi parce que j’aime ça et que j’ai envie de prendre des responsabilités sur certains dossiers.

Quelles sont les caractéristiques de PRB ?
C’est un bateau léger avec des foils très fins et une coque qui traînent peu, il est aussi très polyvalent. Il a prouvé qu’il pouvait aller vite en double, je pense qu’il peut faire encore mieux en solitaire, parce que quand tu ne peux pas utiliser le bateau à 100% de son potentiel, cette polyvalence devient un atout important.

Les foils marchent-ils bien ?
Oui, ce sont des foils qui vont plutôt chercher la finesse que la surface max, ce ne sont pas ceux qui pousseront le plus, mais ils traîneront moins dans certaines conditions, ça permet de lisser un peu les performances. Et c’est intéressant, parce que selon moi, c’est ce qu’il faut en solitaire : tu ne cherches pas à être à 110% à certains moments et à 70% à d’autres, mais plus d’avoir un pourcentage de vitesse très constant. Les vainqueurs du Vendée Globe ne sont pas forcément les plus rapides tout le temps, mais ils ne sont jamais les plus lents.

Si tu regardes la flotte des bateaux neufs, lesquels t’inspirent ?
Aujourd’hui, en termes de vitesse pure, Charal a un peu d’avance, ils ont beaucoup bossé depuis un an et demi, mais il a aussi des faiblesses dans les petits airs sur lesquels Jérémie va bosser cet hiver. Un bateau comme Apivia, vu de l’extérieur, donne un peu envie :  quand ils auront réglé les soucis de jeunesse sur les foils, il sera très polyvalent et assez facile à utiliser en solitaire au large.

Quels sont, de votre côté; les axes sur lesquels vous allez travailler cet hiver ?
Nous allons jouer encore un peu sur le calage des foils, je vais également travailler sur l’ergonomie du cockpit en le protégeant un peu plus. Et on va aussi renforcer le fond de coque parce que comme on est un peu plus haut sur l’eau avec les foils, l’impact des vagues vient taper plus en arrière.

Auras-tu un nouveau jeu de voiles sur le Vendée ?
Sur la Jacques Vabre, j’ai utilisé le jeu de voiles que je pensais prendre un an plus tard sur le Vendée Globe, parce qu’il y a très peu d’occasions de s’étalonner et que c’est le premier tronçon du tour du monde. Donc contrairement à certains qui sont partis avec des spis, qui se sont avérés être la voile de la Jacques Vabre cette année, parce que c’était une transat de VMG, j’ai opté pour un gennak de tête et un petit gennak de capelage. Je ne regrette pas ce choix, parce que j’ai pu voir les écarts de vitesse et qu’on s’en sort quand même bien. Par contre, je vais sans doute travailler sur une voile de capelage pour gommer un petit trou à certaines allures.

Quel objectif vas-tu te fixer sur le Vendée ?
Je pense qu’avec ce bateau, en allant chercher ces petits gaps de performances en plus, si jamais je suis sur la ligne d’arrivée, je serai dans les cinq.

Sais-tu déjà de quoi sera faite la suite pour toi ?
Mon engagement avec PRB va jusqu’à mi-2021. J’espère qu’on va commencer à parler de la suite avec Jean-Jacques Laurent avant le départ du Vendée Globe. Ce qui est certain, c’est que maintenant que j’y ai gouté, ça me donne envie d’aller un peu plus loin. Aujourd’hui, ce qui change pour moi, c’est que je gère mon propre projet, je fais mes propres choix, c’est quelque chose qui me passionne, j’ai envie de continuer.

Parlons de multicoque pour finir, as-tu suivi Brest Atlantiques et qu’en as-tu pensé ?
Il y a eu beaucoup de casse et d’arrêts, ce qui prouve encore une fois que ces bateaux sont longs à fiabiliser, mais ça a donné finalement lieu à une course à rebondissements sympa à suivre. J’ai eu la chance de naviguer sur Banque Populaire IX : ces bateaux sont juste fantastiques, ce sont les meilleurs en termes de sensations et de façon de naviguer, ils font rêver tout le monde, les images du départ à Brest étaient magnifiques. Au retour du Vendée Globe, j’espère d’ailleurs pouvoir participer au tour du monde en équipage fin 2021.

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