Biotherm imoca Paul Meilhat

Paul Meilhat : “Je m’épanouis beaucoup dans ce genre de projet”

L’année 2022 aura été bien chargée pour Paul Meilhat, entre construction de son Imoca Biotherm (sistership de LinkedOut) chez Persico Marine, préparation minimale pour la Route du Rhum-Destination Guadeloupe et la course elle-même, terminée à la 6e place. Et ce n’est pas fini, puisque le skipper s’envole samedi pour Alicante, d’où il prendra le 15 janvier le départ de The Ocean Race. Il a tout de même trouvé le temps de répondre aux questions de Tip & Shaft.

► Il y a un an, Biotherm s’engageait sur ton projet de Vendée Globe, tu as depuis construit un bateau et terminé sixième du Rhum, imaginais-tu à l’époque que tu en serais là un an plus tard ?
Je l’imaginais oui, parce que c’était le plan qui était prévu, mais c’est vrai que moins d’un an entre la signature du contrat et le départ de la Route du Rhum, avec la construction d’un bateau neuf au milieu, c’était assez incroyable à réaliser, on a réussi, en plus avec une Route du Rhum qui s’est hyper bien passée. Maintenant, il a fallu une part de réussite, c’est aussi parce que dès le début, vu le timing, on a choisi d’être très pragmatiques dans tout ce qu’on faisait.

► Cette année a-t-elle été dure pour toi ? Etait-ce déjà une victoire d’être au départ du Rhum ?
C’était dur, fatigant, oui, mais je m’épanouis beaucoup dans ce genre de projet, j’adore ça, c’est ce qui m’a permis de tenir le rythme. Je ne te cache pas qu’après la Route du Rhum, j’aurais bien voulu décompresser un peu, mais non, on repart sur le même rythme, puisqu’il y a The Ocean Race dans un mois, mais c’est ce que j’ai voulu ! Pour ce qui est de la victoire d’être au départ, c’est clair que c’en était une pour l’équipe et pour Biotherm, mais dans ma tête, ce n’est pas comme ça que je le voyais, j’avais vraiment envie de régater. Je n’avais pas navigué depuis quatre ans en solo, c’était génial de se remettre là-dedans et j’ai adoré ça. D’autant qu’au départ, on a vraiment été en mode Solitaire du Figaro, j’avais dit que personne ne passerait dans le chenal du Four de nuit, et finalement, on l’a tous fait, avec le Raz de Sein dans la foulée ! Après, ça s’est quand même bien calmé, si on prend les stats, cette édition est une des moins ventées de l’histoire, je suis à 15 nœuds de moyenne, avec un maximum de vent de 40 nœuds, on a eu plus de 30 nœuds pendant cinq heures, on n’a essuyé qu’un front.

► Tu finis 6e, le résultat est-il conforme à ce que tu attendais et t’es-tu dis à un moment que tu pourrais faire mieux ?
Le résultat est quand même au-dessus de ce que j’espérais ; 6e, c’est génial compte tenu du peu de préparation que j’avais. Après, c’est sûr qu’au milieu de la course, je suis à un moment sur le podium et je me suis dit que j’avais un coup à jouer. Finalement, j’ai vraiment mis la course entre parenthèses les deux derniers jours, j’avais le joint du panneau de soute à voile qui se décollait, si bien que j’ai rempli le bateau beaucoup de fois, ça m’a pris une énergie de dingue de tout vider. A partir de ce moment, je ne jouais plus avec Jérémie (Beyou) et Kevin (Escoffier), et 36 heures avant l’arrivée, j’ai eu des problèmes de palier bas de safran qui s’abîmait, mon safran décrochait tout le temps, je me suis fait quelques frayeurs sur le tour de la Guadeloupe. Ce n’était plus du tout de la course, Maxime (Sorel) a fini par me passer, mais je ne l’ai pas du tout vécu comme une frustration, je n’en garde que du positif. J’ai pris beaucoup de plaisir sur cette Route du Rhum, déjà parce que j’ai eu la confirmation du potentiel du bateau – je me suis dit que j’allais bien me marrer pendant quatre ans -, ensuite dans le fait de refaire de la stratégie en solitaire.

 

“Il nous manque entre 25 et 30%
du budget pour le Vendée Globe”

 

As-tu eu le temps de te poser à l’arrivée où as-tu basculé tout de suite sur le projet The Ocean Race ?
Dans ma tête, j’ai basculé direct ! Je ne suis resté que trois jours et demi sur place, dont deux sur le bateau avec toute l’équipe pour tout remettre en ordre et passer le témoin à Mariana et Giulio (Lobato et Bertelli, qui font partie de l’équipage pour la course autour du monde) qui ramènent le bateau avec Anne Beaugé (reporter embarquée, qui alternera avec Ronan Gladu). Et arrivé à Lorient, c’était reparti : les commandes, réunion de planification de chantier, on a fait partir le container à Alicante où je vais réceptionner le bateau samedi…

► Qu’est-ce qui t’a décidé à enchaîner The Ocean Race après la Route du Rhum ?
Je me bats depuis quatre ans pour la faire, d’abord, parce que même s’il y a pas mal de projets français, c’est quand même super intéressant d’aller se confronter avec des marins d’autres pays, ensuite, parce que personnellement, j’adore l’aventure. Les courses en Bretagne, en Normandie, en Vendée, c’est bien, mais j’ai aussi envie de voir autre chose. Et chez Biotherm, ils étaient très contents, car ils ont une grosse activité internationale. Ce n’était pas dans le programme initial avec eux, c’est une décision qui a été prise en juin, il a fallu pour cela trouver des partenaires complémentaires, on en cherche encore aujourd’hui car on n’a pas bouclé le budget. On s’est aussi dit que le fait de faire The Ocean Race nous aiderait à trouver des partenaires pour le projet Vendée Globe, dont on n’a pas non plus le budget complet, il nous manque entre 25 et 30%.

Qui est de combien ?
On ne communique pas trop dessus, mais disons qu’on ne boxe pas dans la catégorie des grosses équipes, on va dire qu’on est plus un budget intermédiaire. Si on veut élever notre niveau de jeu et faire du développement, il faut qu’on trouve des partenaires en plus.

Ce qui peut paraître paradoxal quand on sait que Biotherm appartient à L’Oréal, un géant économique ?
Je ne vois pas les choses comme ça, c’est quand même une première fois pour eux sur le Vendée Globe, c’est déjà incroyable qu’ils se lancent sur ce projet avec un bateau neuf. Et c’était clair dès le début de leur part qu’ils souhaitaient intégrer des partenaires complémentaires.

 

“J’ai choisi des marins
qui avaient de l’énergie”

 

► Dans la perspective du Vendée Globe, est-ce important d’aller naviguer dans le Sud ?
Oui, bien sûr, on a bien vu que les résultats en Imoca étaient désormais corrélés au temps que tu passes sur l’eau. Maintenant, je ne vais pas faire mon footeux, mais pour moi, en ce moment, c’est vraiment course après course, j’ai encore du mal à me projeter sur le Vendée Globe, j’y penserai à partir de l’été prochain.

Comment as-tu composé ton équipage pour The Ocean Race ?
Il fallait combiner la volonté de monter un équipage international, car c’est l’ADN de la course, et le fait que, comme on n’a pas le temps de s’entraîner, j’avais besoin de gens qui faisaient de l’Imoca. J’ai donc fait appel à Anthony (Marchand), qui est un copain et quelqu’un avec qui j’ai beaucoup navigué, il sera quelque part le co-skipper du bateau. Mais également Damien (Seguin) qui m’épate, et je ne dis pas ça par rapport à son handicap : dès que je lui ai parlé du projet, il a montré qu’il avait vraiment envie d’y aller, c’est un grand champion qui a beaucoup d’expérience dans la gestion de projet et une grosse motivation sur l’eau. D’une façon générale, j’ai choisi des marins qui avaient de l’énergie. Je savais que ce projet serait dur et que ce qui allait nous tenir serait la capacité de chacun à s’amuser et à mettre beaucoup d’enthousiasme. C’est le cas d’Amélie (Grassi), qui a un sacré tempérament, de Giulio, que j’ai connu chez Persico, et de Mariana qui s’est montrée tout de suite très motivée.

► Quel objectif te fixes-tu et que penses-tu du plateau de cinq bateaux, en deçà de ce qui était espéré quand The Ocean Race a annoncé son accord avec l’Imoca ?
Vu notre niveau de préparation, quand même inférieur aux autres, ce qui est aussi le cas de notre budget, ce serait prétentieux de dire qu’on va gagner The Ocean Race. Après, je pense qu’on est capables de jouer avec tout le monde, je ne vois pas vraiment de favori qui se détache, chacun aura sa carte à jouer. Pour le plateau, c’est sûr qu’on aurait aimé être plus nombreux, mais on est un peu des pionniers qui vont montrer la voie et je suis persuadé que sur l’édition suivante, on sera quinze.

Photo : DR

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