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Franck Cammas : “Le challenge avec Oman Sail est élevé”

FRANCK CAMMAS : “LE CHALLENGE AVEC OMAN SAIL EST ÉLEVÉ”

Franck Cammas a étrenné ses nouvelles couleurs d’Oman Sail  en prenant la 6e place de Sailing Arabia The Tour, première épreuve de la saison de Diam 24, qui s’est achevé samedi à Salalah, à l’extrême sud du sultanat, et a été remporté, comme en 2018, par Beijaflore(Valentin Bellet). C’est là, entre “bagad” local et touristes, que Tip & Shaft a rencontré celui qui dirige désormais les activités en Europe de la structure omanaise.

Tu a terminé 6e (sur 10) de Sailing Arabia The Tour, comment juges-tu ta reprise en Diam 24 ?
Plutôt difficile. Déjà, parce que je reviens dans une série où il y a des équipages très spécialistes, présents sur le circuit depuis quelques années. Ensuite parce que nous n’avons pas un équipage à 100% professionnel, avec un Omanais à bord. Mais on a progressé petit à petit. On est partis d’assez loin, mais on a joué de plus en plus au milieu du paquet, quelques fois devant. C’est plutôt pas mal, nous sommes sur la bonne pente, mais on a encore beaucoup de travail. Maintenant, c’est un challenge de retrouver cette série et c’est ça qui m’excite.

N’est-ce pas un peu frustrant de se dire que tu n’es finalement pas à 100% avec des marins non professionnels à tes côtés ?
C’est sûr que je ne mets pas toutes les chances de mon côté avec cette formule pour gagner le Tour Voile, mais c’est la règle du jeu. Nous sommes venus à Oman pour avoir des résultats, mais des résultats avec des Omanais, l’objectif étant de les former et de les rendre autonomes.

Comment t’es-tu retrouvé embarqué dans ce projet et comment as-tu défini le programme ?
Les Omanais cherchaient une structure pour gérer leurs activités voile en dehors d’Oman, on a répondu à l’appel d’offres avec Louis Viat et on a été choisis. Comme on savait qu’il fallait rester dans une enveloppe budgétaire [qu’il n’a pas souhaité nous dévoiler, NDLR] avec une année 2019 sans gros bateau ni grande course type transat, on a choisi de ne pas multiplier les séries et de se concentrer sur le Diam 24 et le Figaro, des filières de très haut niveau adaptées pour former les Omanais sans que ce soit trop compliqué à mettre en œuvre d’un point de vue technique et logistique. Je trouvais ça plus cohérent que de faire du Class40 où il est plus difficile de mettre des Omanais en autonomie.

Justement, quel est l’objectif en Figaro cette saison, un circuit sur lequel Oman Sail débute ?
Il y a une vraie ambition de lancer un ou deux Omanais sur la Solitaire, en espérant créer une dynamique pour les années à venir. S’il(s) arrive(nt) au bout, ce serait une vraie marche de franchie, ce qui n’a pas été fait depuis la création d’Oman Sail, alors que c’était leur objectif final de rendre autonomes leurs marins. Naviguer avec Sidney [Gavignet] sur des grands bateaux et sur les plus grandes courses au large, était aussi très bien, mais on se retrouve aujourd’hui avec des marins qui peuvent être très forts sur les tâches qu’on leur demande d’accomplir, mais qui, dès qu’on les met en autonomie complète, ont des manques. J’espère qu’on va réussir à les combler.

Oman Sail sera-t-il au départ de la Sardinha Cup ?
Oui, les skippers sur la Sardinha seront Nicolas Lunven et Julien Villion, qui navigueront l’un et l’autre avec un Omanais, ils commencent ces jours-ci à naviguer, avec le premier Figaro 3 [acheté par la société de Franck Cammas qui le loue à Oman Sail, NDLR] ; le second [loué par Oman Sail à Charles Caudrelier, NDLR] ne va pas tarder à être mis à l’eau. Ensuite, on va faire une sélection pour savoir si on envoie un ou deux Omanais en sécurité sur la Solitaire avec un minimum d’objectif de performance : il ne faut pas que ce soit juste du convoyage, même si on ne va pas leur mettre la pression.

Ce challenge ne te paraît pas trop élevé ?
Il est élevé. Maintenant, trois Omanais naviguent avec des très très bons marins depuis novembre, ils sont motivés et ont une belle attitude. On fera un premier point après la Sardinha. Le seul plan B serait aujourd’hui de mettre un seul Omanais sur la Solitaire et un Français sur le second Figaro. Et s’il n’y a pas d’Omanais en mesure de courir la Solitaire, on ne la fera pas.

Pourrais-tu courir en Figaro à titre personnel ?
Je vais sans doute faire des entraînements, mais je ne vais pas participer au circuit, parce que j’ai déjà d’autres choses au programme, entre le Tour Voile et le GC32 avec Norauto. Je ne veux pas me disperser.

Le GC32 te tient-il toujours à cœur ?
Oui, c’est une série à laquelle je suis très attaché, avec du très bon niveau, des équipages internationaux et les deux flottes [celles du GC32 Racing Tour et des Extreme Sailing Series]réunies cette année. L’an dernier s’est vraiment bien passé [victoire sur le GC32 Racing Tour, NDLR], on voulait continuer, même si on se bat avec Thibaut Derville pour trouver le budget. Ce qui n’est pas évident car le climat n’est pas propice en France en ce moment.

Le circuit SailGP a débuté ce vendredi avec une équipe française menée par Billy Besson, as-tu été contacté par Russell Coutts pour participer au circuit et cela t’aurait-il plu ?
C’est difficile de dire que ça ne me plairait pas, ce sont des bateaux vraiment sympas ! Avec Russell, nous avons eu des contacts tout au début, juste après la Coupe, quand les choses essayaient de se mettre en place avec Larry Ellison et Ernesto Bertarelli. Mais, visiblement, il y a eu quelques tensions et Larry a fini par dire qu’il prenait tout et faisait ce qu’il voulait. Nous n’avons plus eu de contacts ensuite : je pense que Russell voulait un peu renouveler les têtes d’affiche par rapport à la Coupe de l’America. Sachant que, dans l’esprit de Larry Ellison, il y a quand même une rivalité avec la Coupe, donc ils ont voulu séparer les deux mondes en mettant en avant de jeunes skippers. Maintenant, je suis content pour Billy, pour les gars qui ont fait la Coupe avec moi [Matthieu Vandame, Devan Le Bihan et Olivier Herlédant, qui naviguent aussi sur Norauto, NDLR]je ne suis pas du tout dans un état d’esprit de compétition interne. Le but est de battre les autres nations, autant se serrer les coudes en France.

Parlons justement de Coupe : tu n’as pas réussi à poursuivre l’aventure Team France, comment analystes-tu cette difficulté à trouver des partenaires ?
Je trouvais que la formule que nous avions présentée de projet collaboratif entre grandes entreprises françaises de haute technologie était cohérente et plutôt sexy. Il y avait beaucoup de monde prêt à nous aider, mais sans mettre la main à la poche. En France, on a peur de montrer qu’on dépense de l’argent, alors qu’un tel projet crée de la richesse et de l’activité. Ce n’est pas vrai que les entreprises n’ont pas d’argent, c’est surtout qu’elles ne prennent jamais le risque de faire quelque chose qui sorte un peu de l’ordinaire. Aujourd’hui, je ressens vraiment cette réticence, cette peur de l’image. En France il n’y de l’argent que dans la voile franco-française, pas dans la voile internationale.

La voile internationale, parlons-en avec The Ocean Race : les dirigeants d’Oman Sail ont plusieurs fois fait part de leur envie d’y participer, où en est-on aujourd’hui concrètement ?
C’est sûr qu’Oman a souvent montré des velléités de faire la Volvo, on aimerait que ce soit encore plus le cas cette fois-ci ! Je pense qu’un tel projet, à la Dongfeng, est complètement cohérent avec ce qu’ils ont fait depuis dix ans ; d’autant que les Omanais ont quand même aujourd’hui beaucoup plus d’expérience que les Chinois au début. Il n’y a pas de raisons que ça ne fonctionne pas. Et il y a beaucoup de choses qui m’intéressent dans la prochaine édition, notamment le fait que ça revienne en prototype. Même si je pense que ce n’était pas forcément la meilleure formule de choisir l’Imoca, je suis très excité à l’idée de construire un très bon Imoca. Le projet est en discussion depuis six mois, on aimerait toujours que ça aille plus vite, mais, dans ma tête, la stratégie est bien définie.

Quelle est cette stratégie ?
Je ne vais pas trop en parler car ça peut donner des indications aux concurrents, je sais qu’il y a un projet américain, dirigé notamment par quelques cadres d’Emirates Team New Zealand avec un plan Verdier, qui est déjà parti. Nous, on n’a pas la même stratégie : dans les grandes lignes, ce serait plutôt de mettre un bateau à l’eau assez tard pour bénéficier de toutes les observations qu’on va pouvoir faire dans les prochains mois puis, ensuite, faire nos choix. Cette année va être hyper intéressante avec quatre architectes différents qui sortent de nouveaux Imoca [VPLP, Guillaume Verdier, Juan Kouyoumdjian et Sam Manuard, NDLR]. Il y en a souvent un qui a plus raison que les autres, ce sera bien d’aller voir celui-là, parce que ça garantira de partir sur une très bonne base. Après, ça ne suffira pas et les moyens des équipes Volvo permettent de pousser les recherches au-delà de ce qu’on fait sur le Vendée Globe. Et je suis persuadé que si on veut gagner la Volvo, il faut faire un bateau spécifique, il n’y a pas de compromis à faire. Ce sera plus facile d’adapter un bateau pour faire le Vendée Globe suivant que l’inverse.

Le Vendée Globe est l’une des rares courses que tu n’as jamais courue, cela pourrait-il, dans ce contexte, t’intéresser ?
S’il y a une formule qui marche bien avec une Volvo qui se passe bien, ce serait assez logique de faire le Vendée Globe après. Pas avant.

Un dernier mot sur la classe Ultim 32/23, restes-tu toujours attaché aux grands trimarans ?
Oui, bien sûr. Ce sont des bateaux extraordinaires. J’ai navigué sur Banque Populaire avec Armel et je participe en ce moment à des réunions avec son équipe pour définir les choix architecturaux du futur trimaran, je suis ravi de continuer à travailler avec eux.

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