Charlie Dalin Apivia

Charlie Dalin : “ma passion pour la performance est toujours aussi forte”

Vainqueur des trois courses en solitaire de la saison – Guyader Bermudes 1000 Race, Vendée Arctique, Défi Azimut -, Charlie Dalin s’annonce comme le grand favori de la Route du Rhum-Destination Guadeloupe 2022. A un peu plus d’une semaine du départ, Tip & Shaft s’est entretenu avec le skipper d’Apivia.

► Lors de la précédente édition de la Route du Rhum, tu n’avais pas encore débuté en Imoca, on a l’impression qu’en quatre ans, tout a été très vite pour toi, tu confirmes ?
Sur cette Route du Rhum 2018, je travaillais pour Yann Eliès, je savais alors que je serais skipper d’un Imoca pour l’édition suivante puisque la construction d’Apivia avait débuté, et c’est vrai que ce premier cycle de quatre ans s’est extrêmement bien passé. Sur les courses longues, mon pire résultat est deuxième : je gagne la Jacques Vabre en 2019, je fais deuxième de la Vendée Arctique et du Vendée Globe en 2020, je gagne le Fastnet et je termine deuxième de la Jacques Vabre en 2021, et cette année, je fais trois victoires sur trois courses, c’est plutôt pas mal.

► Dans ces conditions, tout le monde te voit comme le grand favori de cette 12e édition, assumes-tu ce statut ?
Je préfère avoir ce statut que ne pas l’avoir, c’est signe que mes performances sont reconnues, c’est gratifiant. Je discutais hier (mercredi) avec Jean-Luc Nélias (team manager du projet), on se disait que la Route du Rhum était déjà en soi un événement rare, mais que c’était encore plus rare de s’y présenter avec toutes les planètes alignées. Ce qui est mon cas, avec un bateau fiabilisé et performant, moi qui suis en forme, une équipe qui fonctionne très bien. Ce que je note aussi, c’est que ma passion pour la performance est toujours aussi forte.

► La seule case que tu ne coches pas, c’est celle de l’expérience de la Route du Rhum puisque ce sera ta première participation, est-ce un handicap ?
Je ne pense pas que ce soit gênant, j’ai quand même traversé l’Atlantique en solitaire sur le Vendée, fait un retour de Jacques Vabre en solo et je n’ai pas raté une édition depuis 2006 : cette année-là, j’avais été préparateur du Class40 de l’Anglais Nick Bubb. En 2010, je travaillais pour le bureau d’études d’Armel Le Cléac’h, en 2014, j’étais routeur à terre avec Christian Dumard de Yann Eliès, et en 2018 encore avec Yann en sparring-partner. Donc même si c’est la première fois que je suis « titulaire », je connais les pièges à déjouer à Saint-Malo pour les avoir déjà vécus par procuration.

 

“Il faut que le plan stratégique
soit calé avant le départ”

 

► Quels sont-ils ?
Le Rhum reste un sprint sur lequel il faut être en forme dès le début, la transition de terrien à marin doit être instantanée. Donc un des gros enjeux est de trouver du temps pour la concentration, mais aussi pour la météo, à un moment, lors des trois derniers jours avant le départ, où les sollicitations vont atteindre leur paroxysme… Du fait notamment du DST d’Ouessant, on peut prendre dès l’île de Bréhat une option déterminante pour la suite. Et vu le nombre de bateaux sur la ligne, on n’a pas le temps de se poser à la table à cartes entre Saint-Malo et Bréhat, il faut donc que le plan stratégique soit calé avant le départ, d’où la nécessité de se garder du temps à terre.

► Selon toi, la Route du Rhum se joue-t-elle surtout dans les premiers jours de course ?
Historiquement, ils ont toujours été déterminants, avec une petite nuance à propos du tour de la Guadeloupe qui peut provoquer des retournements de situation. Par rapport à la distance totale de la course, il peut prendre un temps assez long : si tu mets 12 heures pour faire le tour, ce qui est assez court, ça revient à environ 5% du temps de course, donc c’est une partie qu’il ne faut pas négliger, je pense que c’est primordial de récupérer un peu de jus avant de s’y attaquer.

► Penses-tu disposer avec Apivia de la bonne arme pour jouer la victoire ? Et tes grands foils apportent-ils vraiment un plus par rapport à ceux des nouveaux bateaux (plus petits car à la nouvelle jauge) ?
Jusqu’à l‘année dernière, on faisait jeu égal ou on était un peu moins vite que Thomas (Ruyant) au portant, on a beaucoup travaillé cette année, sur les voiles notamment, pour gommer ce handicap, et sur le Défi Azimut, je pense avoir trouvé les clés. Après, le point fort du bateau reste le reaching et le près débridé. Mais franchement, on arrive à être performants à toutes les allures, il n’y a pas vraiment de conditions que je redoute. Quant aux foils, c’est sûr qu’ils fonctionnent bien ; après, les foils d’Apivia 2 qui sont déjà dessinés à la nouvelle jauge sont, sur le papier, plus performants que nos foils actuels, la théorie montre donc que c’est possible de faire mieux avec des foils à la nouvelle jauge.

 

“L’expérience d’un Vendée Globe
m’a beaucoup servi pour Apivia 2”

 

► Thomas Ruyant est-il ton plus sérieux rival ?
Oui, il est un peu dans la même situation que moi : il connaît son bateau sur le bout des doigts, a gagné la Jacques Vabre l’année dernière, et je sais que si on part dans du vent fort avec des conditions où il faudra tirer sur le bateau, il le fera. Jérémie Beyou sera aussi un concurrent, il a certes un bateau neuf, mais il semble plutôt bien né et déjà très performant. Après, il y a les Imoca de génération « deux et demi » [car construits dans des moules existants, NLDLR], de Kevin (Escoffier), Paul (Meilhat), Maxime (Sorel) et Yannick (Bestaven), qui sont performants sur le papier, il y a aussi Louis (Burton) qui a un bateau fiable qu’il connaît bien, on est plusieurs capables d’aller vite.

► Parlons de ton futur Apivia 2, sera-t-il une sorte de V2 de l’actuel ?
Apivia 1 est une bonne base de travail, qui nous sert d’étalon dans tous les domaines, que ce soit la structure, la performance de la coque et des foils, les systèmes, l’électronique… Tu retrouveras forcément des traits familiers, même s’il y aura aussi des choses très différentes, la forme de coque a quand même pas mal évolué.

► Comment t’es-tu investi dans sa conception ?
J’ai passé tout l’hiver dernier sur mon ordinateur, avec les équipes du bureau d’études et celles de Guillaume (Verdier, l’architecte), on a beaucoup travaillé sur la forme de coque qui est quand même l’aspect primordial. Le gros plus par rapport au précédent, c’est que j’avais l’expérience d’un Vendée Globe sur un Imoca à grands foils, je me suis rendu compte que rien que le fait de se déplacer dans le bateau coûtait beaucoup d’énergie à haute vitesse. Ça m’a beaucoup servi pour définir le cahier des charges. Qui était, comme sur le premier, de faire un bateau sans compromis sur la performance, mais par contre de progresser sur l’ergonomie. On a donc cherché des solutions pour l’adapter encore plus à des conditions engagées, en essayant de concentrer encore plus la zone de travail et la zone de vie. Tu verras le résultat…

Photo : Pierre Bouras / Disobey

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