Flotte Imoca

Imoca/Ocean Fifty : qui va gagner la Route du Rhum ?

Comme avant chaque grande épreuve, Tip & Shaft fait appel à un panel d’experts pour analyser les forces en présence de la Route du Rhum-Destination Guadeloupe qui s’élance le 6 novembre. Pour cette première partie consacrée aux Imoca et aux Ocean Fifty, ont accepté de jouer le jeu : Antoine Mermod, président de la classe Imoca, Jeanne Grégoire, directrice du Pôle Finistère Course au Large, Daniel Souben, entraîneur à La Trinité-sur-mer pour Orlabay, les navigateurs Yann Eliès, Christopher Pratt et Vincent Riou, ainsi que Jacques Guyader, journaliste à Ouest-France.

 

IMOCA : LE FAVORI, SON DAUPHIN ET LA MEUTE

La pression sera bel et bien sur les épaules de Charlie Dalin au départ de Saint-Malo. Non parce que le Havrais participera à sa première Route du Rhum mais bien parce qu’il en est le grand favori. En dominant les trois épreuves disputées cette saison – Guyader Bermudes 1000 Race, Vendée Arctique, Défi Azimut – le skipper d’Apivia s’est montré intraitable et s’il n’a pas course gagnée, il reste l’homme à battre.

Yann Eliès qui a été son co-skipper, voit ainsi “un bateau arrivé à maturité et un skipper rigoureux, concentré, solide psychologiquement et surtout capable de mettre une intensité folle, comme il l’a montré au Défi Azimut et lors des deux stages organisés depuis à Port-la-Forêt. “On peut faire confiance à Charlie pour continuer à chercher encore des marges de progression, même infimes, jusqu’au 6 novembre”, appuie Jeanne Grégoire.

Tous nos consultants ont noté l’avantage d’Apivia au reaching qui peut s’avérer déterminant sur un début de transat, même si, pour Christopher Pratt, “il peut y avoir des scénarios différents : ça peut recoller par derrière comme sur la Transat Jacques Vabre l’année dernière, et le portant représente quand même les deux tiers du menu.” C’est pourquoi beaucoup voient dans Thomas Ruyant le meilleur adversaire de Charlie Dalin“capable lui aussi de tenir une très grosse cadence”, note Jacques Guyader, et vainqueur l’an passé de la Transat Jacques Vabre dont Apivia était déjà le grand favori.

 

“Jérémie Beyou est bien plus avancé
dans sa préparation qu’il y a quatre ans”

 

Derrière ces deux skippers, la concurrence s’annonce rude. La Route du Rhum a toujours entériné les positions dominantes. Ceux qui étaient forts sur le dernier Vendée Globe seront au rendez-vous, avance Antoine Mermod. Mais c’est aussi la première fois qu’autant de bateaux neufs débarquent sur la transat avec un bon niveau de préparation.” Parmi eux, Jérémie Beyou s’aligne sur son nouveau Charal dessiné par Sam Manuard avec ce système de safrans innovant qui stabilise le bateau en vol. Charal semble bien né et je sens Jérémie très confiant. Il est bien plus avancé dans sa préparation qu’il y a quatre ans, il a bénéficié de l’appui de Franck Cammas qui se trompe rarement et il est toujours à la recherche d’une grande victoire en Imoca”, constate Jacques Guyader.

Kevin Escoffier (Holcim PRB) et Maxime Sorel (V and B-Monbana-Mayenne) sont souvent cités pour contester cette hiérarchie, eux qui ont très vite pris en main leur plan Verdier et se sont montrés au rendez-vous de leur première épreuve, le Défi Azimut. Tout comme Christopher Pratt et Vincent Riou, Yann Eliès ajoute volontiers le nom de Justine Mettraux“une guerrière qui a toutes les qualités pour l’exercice et dispose d’un bateau qui a fait ses preuves.”

Restent deux inconnues : Louis Burton“toujours prompt à monter sur le podium quand une place se libère”, note Jeanne Grégoire, et seul skipper avec Charlie Dalin à détenir un Imoca dont les foils sont à l’ancienne jauge (donc plus grands). On sait le Malouin capable de tenir un gros rythme même si sa préparation reste mystérieuse pour beaucoup. Quant à Yannick Bestaven (Maître Coq V), il ne semble pas dans le bon timing pour espérer briller, mais force est de constater que son statut de vainqueur du dernier Vendée Globe fait ressortir son nom plus volontiers que d’autres skippers dans le même cas.

Sam Davies (Initiatives Coeur) par exemple, Boris Herrmann (Malizia Seaexplorer) ou encore le tenant du titre Paul Meilhat (Biotherm). Comme Kevin Escoffier et Benjamin Dutreux, les deux derniers doivent participer à The Ocean Race moins de deux mois après l’arrivée à Pointe-à-Pitre, “un enchaînement enthousiasmant tout autant qu’une montagne à gravir, selon Vincent Riou. Pour ceux notamment qui démarrent une relation avec leur sponsor, ce sera une pression qui peut gêner la quête du meilleur résultat.”

Le podium de nos experts : 1. Charlie Dalin (Apivia), 2. Thomas Ruyant (LinkedOut), 3. Justine Mettraux (Teamwork) et Jérémie Beyou (Charal).

 

OCEAN FIFTY : GUERRE OUVERTE

Avec huit trimarans sur la ligne, les Ocean Fifty forment la catégorie la moins nombreuse (avec les Ultims) de cette Route du Rhum mais aussi l’une des plus indécises. Le Pro Sailing Tour, qui structure le calendrier de la classe, a produit de multiples confrontations depuis deux ans dont ressortent trois marins selon Jacques Guyader : Sam Goodchild, Quentin Vlamynck et Sébastien Rogues semblent se détacher, mais c’est un championnat qui se court majoritairement en équipage”, résume le journaliste de Ouest-France.

Une notion qui peut rebattre bien des cartes sur ces petits multicoques de 50 pieds pour lesquels la Route du Rhum représente l’exercice maritime le plus ambitieux. Pour nos trois coureurs consultants qui ont tous disputé au moins une transat à bord de ces machines, Sam Goodchild (Leyton) aurait de ce point de vue une longueur d’avance : “Sam a une vraie maîtrise du solitaire, il a mis à l’eau très tôt, le bateau est polyvalent et il s’est entouré de très bons”, selon Christopher Pratt. “Il est dans la force de l’âge pour ce type d’épreuve. Expérimenté, mais pas encore rouillé !” ajoute Vincent Riou qui a notamment suivi le Pro Sailing Tour cette année aux côtés de Thibaut Vauchel-Camus (Solidaires en Peloton-Arsep) qu’il routera pendant la Route du Rhum.

A propos d’âge, Quentin Vlamynck est de loin le plus jeune skipper du lot. Bizuth de l’épreuve mais vainqueur du Pro Sailing Tour 2022, le skipper d’Arkema est une des interrogations du plateau : “Quentin pourrait être sur la réserve au début et devra dominer ses émotions, commente Daniel Souben qui a entraîné à trois reprises les Ocean Fifty cette année dans le cadre de la structure trinitaine Orlabay. “Mais il fait preuve d’une bonne maîtrise et connaît son bateau sur le bout des doigts”, ajoute celui qui l’a vu naître dans le chantier médocain de son mentor, Lalou Roucayrol.

 

Deux anciens vainqueurs à l’affût

 

Le troisième skipper le plus cité est Sébastien Rogues (Primonial), “pour qui tous les clignotants sont au vert, dixit Christopher Pratt. Victoire dans la Transat Jacques Vabre, construction d’un nouveau bateau avec son sponsor, il est en confiance, dans une bonne spirale.” Ces trois skippers-là pourraient donc donner du fil à retordre aux deux anciens vainqueurs engagés : Armel Tripon (Les Ptits Doudous), est tenant du titre mais a vu sa saison perturbée par son démâtage. “Il est en déficit de préparation mais attention, je ne suis pas sûr qu’il était beaucoup plus prêt il y a quatre ans !” prévient Daniel Souben.

Quant à Erwan Le Roux (Koesio), vainqueur en 2014, il a peiné jusqu’à présent à tirer le meilleur de son nouveau plan VPLP (mis à l’eau en 2021). “Il a une énorme expérience qui peut faire la différence, mais il n’a plus l’avance qu’il avait dans le passé ; il navigue dans la meute et doit apprendre à vivre avec ça”, note Yann Eliès, qui a remporté avec lui la Transat Jacques Vabre 2013 et le routera avec Jean-Yves Bernot. Une donnée de la course qui n’est d’ailleurs pas à négliger, selon Daniel Souben : Ceux qui travaillent dans la durée avec le même routeur ont un atout important dans leur manche. Etre en confiance, ne pas tergiverser et appliquer la consigne peut permettre de passer une transition et d’obtenir un avantage.”

La variable météo sera de toute façon déterminante, peut-être un peu plus sur les Ocean Fifty que dans d’autres classes. Un scénario musclé pourrait d’ailleurs permettre à des bateaux plus anciens (Komilfo d’Eric Péron) ou intrinsèquement moins performants (Solidaires en Peloton-Arsep de Thibaut Vauchel Camus) de tirer leur épingle du jeu.

Le podium de nos experts : 1. Sam Goodchild (Leyton), 2. Sébastien Rogues (Primonial), 3. Quentin Vlamyinck (Arkema)

Photo : Eloi Stichelbaut

Tip & Shaft est le média
expert de la voile de compétition

Course au large

Tip & Shaft décrypte la voile de compétition chaque vendredi, par email :

  • Des articles de fond et des enquêtes exclusives
  • Des interviews en profondeur
  • La rubrique Mercato : l’actu business de la semaine
  • Les résultats complets des courses
  • Des liens vers les meilleurs articles de la presse française et étrangère
* champs obligatoires


🇬🇧 Want to join the international version? Click here 🇬🇧