L'Imoca Holcim-PRB participe à The Ocean Race

Comment les équipes Imoca relèvent le défi logistique de The Ocean Race

Le coup d’envoi de The Ocean Race, qui réunit pour la première fois des Imoca, sera donné le 15 janvier d’Alicante avec le départ de la première étape à destination du Cap Vert. Derrière le challenge sportif, se cache un gros défi logistique pour les équipes engagées, d’autant que quatre d’entre elles étaient alignées sur la Route du Rhum en novembre. Tip & Shaft a mené l’enquête pour évaluer les moyens humains, techniques et financiers nécessaires pour y faire face.

Grand artisan de l’accord entre les organisateurs et l’Imoca qui fait des 60 pieds les nouveaux bateaux de The Ocean Race (*), Antoine Mermod, président de la classe, résume un des enjeux de ce changement de cap : “Sur ce format de course, nos bateaux menés en équipage sont plus lourds et peuvent donc se retrouver dans des gammes d’efforts plus importants, avec des marges de sécurité plus faibles. Pour les équipes, tout l’enjeu sera de limiter les avaries autour des vérifications régulières permises aux escales.”

Aux yeux du patron de l’Imoca, si toutes les compétences techniques sont réunies au sein des shore teams, une des clés de leur réussite repose sur “leur capacité à les mettre en œuvre sous pression, parfois en l’espace de 15 jours, pour réceptionner, contrôler et réparer les bateaux”. 

À ce titre, le départ d’Alicante, non loin des bases françaises, s’apparente à un bon tour de chauffe, puisque, à l’exception des Américains d’11th Hour Racing Team, les seuls à avoir concentré leurs efforts et leurs moyens sur ce marathon planétaire, les quatre autres équipes ont d’abord dû mener un chantier express au retour de Guadeloupe“Check-up complet de la coque et de toutes les pièces, installation de nouvelles bannettes, changement de réchaud… On s’est surtout efforcés de remettre le bateau en parfait état de marche et de le configurer simplement pour cinq personnes à bord“, explique Benjamin Dutreux, co-skipper de Guyot Environnement-Team Germany.

 

Un chantier en guise de préparation !

 

Chez Malizia-Seaexplorer, ce chantier en Espagne a pris une tout autre tournure, puisque les contrôles aux ultrasons ont révélé des défaillances au niveau des foils qui ont nécessité leur remplacement ! Un gros défi de dernière minute relevé par les 19 techniciens de l’équipe. “Nous avons eu très peu de temps pour agir. Heureusement, nous avons trouvé une paire de foils dont la forme convenait bien, similaires à ceux de Sam Davies, chez Avel Robotics (à Lorient, ndlr). L’équipe a donc travaillé sans relâche pendant Noël pour les terminer, les adapter et les installer”, raconte Holly Cova, team manager de l’équipe allemande.

Cette course contre la montre a également concerné l’équipe Holcim-PRB, car The Ocean Race n’était pas, au départ, dans le planning de Kevin Escoffier : “Ce tour du monde avec ses sept étapes s’est rajouté entre la Route du Rhum et la Transat Jacques Vabre 2023, inscrites à notre programme initial. C’est dense, avec beaucoup d’itinérances qu’il faut prendre en compte”, confirme Marine Derrien, team manager de l’équipe. Pour être au rendez-vous d’Alicante le 15 janvier, cette dernière, forte d’une première expérience avec l’équipe de Dongfeng Race Team lors de la Volvo Ocean Race 2017-2018, a notamment dû se concentrer sur les renforts humains : “Quelques personnes en plus en composite et en communication, un chef-cuisinier, un coach mental et un coach sportif” viennent, entre autres, gonfler les rangs de l’équipe qui accompagnait jusque-là Kevin Escoffier dans son projet. “Sur un Vendée Globe, la logistique, c’est une personne, là, c’est trois !” ajoute celle qui orchestre toute cette mécanique.

Même enjeu du côté de Guyot Environnement, équipe franco-allemande au sein de laquelle se côtoient beaucoup de nationalités : “C’est un sacré dossier pour que tout le monde soit au bon endroit au bon moment, avec le bon outil à la main pour travailler correctement. D’habitude, on fonctionne à une petite dizaine. Là, avec 25-30 personnes, et une nounou pour les plus petits qui nous suivent, on change clairement de dimension”, confirme Benjamin Dutreux.

 

Des choix à faire

 

Au-delà des déplacements humains, la question du transport du matériel technique se pose aussi, avec des équations pas faciles à résoudre sur cette édition 2023 au format resserré, d’autant que les Imoca vont parfois plus vite que les cargos entre deux escales ! “On ne dispose que d’un seul container de travail qui partira directement à Itajai après le départ, explique ainsi Marine Legendre, team manager de l’équipe Biotherm de Paul Meilhat. Pour Cape Town, on a un peu mutualisé avec un autre team et on se débrouillera sur place, On est continuellement en train de chercher du monde et des solutions pour être capables de s’adapter.”

Même Holcim-PRB, un team pourtant bien équipé avec deux jeux de deux containers lui garantissant de disposer d’un minimum de matériel à chaque escale, n’échappe pas à d’inévitables arbitrages : “Avant le départ, on a des choix stratégiques à faire au niveau des pièces de spare – safran, jockey pool, voiles, etc. qu’on envoie aux différentes escales”, convient Marine Derrien. Face à ce défi technique et logistique, Benjamin Dutreux concède que “le gros point noir est de pas pouvoir pallier toutes les éventualités de casse. Avec un budget de 2,7 millions contre les 3 qu’il aurait fallu pour cette course, on ne peut pas avoir de spare pour tout.” S’il peut éventuellement compter sur un mât de rechange mis à disposition de tous les teams par la classe Imoca, il ne disposera pas de foils de secours.

Reste que de l’avis de tous, le surcoût lié à la participation à The Ocean Race reste abordable : “Il varie beaucoup d’une équipe à l’autre, mais reste considérablement moins élevé par rapport aux budgets nécessaires pour faire la course en VO65 lors des éditions précédentes”, estime Holly Cova. Un avis que partage Marine Derrien : Ça coûte bien moins cher qu’en VO65. Déjà parce qu’il y a moins d’équipiers, ensuite parce qu’on dépense déjà 1 à 2 millions pour faire tourner nos bateaux à l’année, il reste donc à environ le double à apporter en extra.”

C’est un défi individuel pour chaque équipe, mais c’est un défi commun que notre flotte Imoca soit à la hauteur des enjeux logistiques d’une telle course”, conclut Antoine Mermod. Et la clé pour que The Ocean Race attire à l’avenir davantage d’équipes Imoca.

(*) 6 VO65 disputent parallèlement The Ocean Race VO65 Sprint Cup sur un format réduit de trois étapes et de quatre régates in-port.

 

Photo : Eloi Stichelbaut – polaRYSE 

Tip & Shaft est le média
expert de la voile de compétition

Course au large

Tip & Shaft décrypte la voile de compétition chaque vendredi, par email :

  • Des articles de fond et des enquêtes exclusives
  • Des interviews en profondeur
  • La rubrique Mercato : l’actu business de la semaine
  • Les résultats complets des courses
  • Des liens vers les meilleurs articles de la presse française et étrangère
* champs obligatoires


🇬🇧 Want to join the international version? Click here 🇬🇧