Sébastien Simon sur The Ocean Race

Sébastien Simon : “Le Vendée Globe reste une obsession”

Tandis que s’achève ce vendredi la première étape de The Ocean Race entre Alicante et le Cap-Vert (voir la carto), Tip & Shaft a échangé avec Sébastien Simon (32 ans), membre de l’équipage de Guyot Environnement-Team Europe, qu’il s’apprête à retrouver pour la deuxième étape vers Le Cap.

Peux-tu nous raconter cette première étape dont Guyot Environnement-Team Europe devrait prendre la cinquième place en Imoca ?
Le départ s’est bien déroulé, avec une première nuit qui les a plutôt mis en confiance, ensuite, la partie au près en Méditerranée dans du vent fort a été plus compliquée, les conditions étaient très rudes, jusqu’à 50 nœuds, mais le bateau et la flotte des Imoca ont traversé ça sans encombre, ce qui est plutôt rassurant pour la suite, ça monte qu’on a quand même des bateaux fiables à côté des Volvo 65. Après, sur les trajectoires, on voit qu’on est encore dans une courbe d’apprentissage du bateau, les équipages adverses connaissent très bien le support Imoca, ça joue beaucoup. Nous, on manque un peu plus de maturité dans notre façon de fonctionner, mais je suis plutôt confiant pour la suite. Ils ont aussi eu leur lot d’avaries, deux lattes cassées et un petit trou dans la GV, quant à l’option aux Canaries, ils ont tenté (sourire)… Mais de toute façon, les deux premières étapes ne comptent pour pas grand-chose, la course commence réellement à partir de l’étape 3, avec beaucoup de points à distribuer.

Vous avez le seul bateau de génération 2016 (ex Hugo Boss), est-ce un handicap par rapport à vos concurrents, tous mis à l’eau en 2021 et 2022 ?
Oui, il y a quand même une différence en termes de performances. C’est un bateau qui a beaucoup évolué, donc forcément, il a pris du poids, c’est assez dur ensuite d’en enlever. On le ressent au près et dans les petits airs, mais ça reste un bateau capable de tenir de belles vitesses moyennes, j’ai été étonné par sa facilité dans la brise, c’est un gros avantage pour les conditions difficiles et longues qu’on va rencontrer dans les mers du Sud et lors de la transat retour. C’est sûr que les étapes 1 et 2, dans des conditions maniables avec des états de mer assez lisses, sont plutôt à l’avantage des Imoca de dernière génération, on n’a pas leurs pointes de vitesse. Maintenant, ça reste un très bon bateau et je pense que c’est une très belle arme pour un Vendée Globe en solitaire, qui est un exercice différent par rapport à The Ocean Race, où on est toujours très proches des 100% de potentiel du bateau.

Tu es resté à terre sur cette étape, as-tu le droit de communiquer avec l’équipage ?
C’est la même règle que pour les courses Imoca, c’est-à-dire qu’on peut se téléphoner ou communiquer par WhatsApp pour prendre des nouvelles, mais c’est une course sans assistance, donc on ne peut pas parler de routage, des choix de voiles… Quand je ne suis pas d’accord avec une décision, je m’abstiens, c’est parfois frustrant, mais il faut respecter, ça fait partie du jeu.

 

“L’étape 3 va être pour moi
une petite revanche”

 

Quelle est la suite du programme pour toi ?
Je pars samedi au Cap-Vert pour embarquer sur l’étape 2 à la place de Benjamin (Dutreux)qui va aller se reposer. Je peux t’assurer qu’il en a besoin, il a énormément donné cette année entre ce projet et la Route du Rhum. Il fonctionnait jusqu’ici avec une équipe de 4 personnes, là, on est 30, le switch entre un projet d’entrepreneur et un projet sportif de cette envergure n’est pas évident, ça lui a demandé énormément d’énergie, mais il a eu beaucoup de mérite et ça va lui faire le plus grand bien de couper avant de revenir sur l’étape 3 que nous ferons ensemble. Je t’avoue que je l’attends particulièrement cette étape (entre Le Cap et Itajai) car Benjamin reste un de mes meilleurs amis, ça va être une belle première entre nous. On se connaît depuis qu’on est tout jeunes, on a beaucoup navigué l’un contre l’autre à l’université de Nantes parce que notre entraîneur Luc Pillot ne voulait pas nous mettre ensemble. Ensuite, on a été en colocation, on a commencé le Figaro en même temps, puis fait notre premier Vendée Globe la même année… On est totalement différents dans la vie de tous les jours, mais on s’entend hyper bien, on est très complémentaires. Cette étape 3 va aussi être pour moi une petite revanche par rapport au dernier Vendée Globe, puisque je m’étais arrêté au début de l’océan Indien, après avoir participé au sauvetage de Kevin (Escoffier). Donc ça va être un moment assez important pour moi de vivre enfin ces mers du Sud. Ensuite, je ferai l’étape 5, la transat retour, et a minima une étape européenne.

The Ocean Race, c’était un rêve pour toi ou c’est plus l’occasion qui a fait le larron ?
Quand j’étais jeune, je regardais toujours les vidéos des Volvo 70, je trouvais ça impressionnant et j’adorais le concept de cette course. De là à dire que je m’y retrouverai un jour avec un projet français [franco-allemand, NDLR], je ne l’aurais pas imaginé. Mais quand Benjamin m’a annoncé qu’il allait la faire et qu’il m’a demandé si je voulais y aller, j’ai évidemment dit oui, parce que l’occasion ne se présente pas deux fois, et surtout, parce que c’était avec lui sur un bateau qu’on connaissait.

Tu parles de revanche sur ton dernier Vendée Globe, pour toi, l’objectif est-il toujours d’être au départ en 2024 ?
Mon énergie est focalisée à court terme sur The Ocean Race, après, évidemment que le Vendée Globe reste mon objectif. Aujourd’hui, je n’ai pas grand-chose à t’annoncer de plus, si ce n’est que j’ai toujours l’espoir d’y arriver. Je pense que j’ai ma place sur le Vendée Globe, c’est la course de mes rêves, elle part de chez moi, c’est le bon moment pour moi d’y retourner, j’ai pris en maturité.

 

“Je ne suis pas encore prêt
à jeter l’éponge”

 

Il reste très peu de bateaux disponibles, ça ne t’inquiète pas ?
C’est un sujet, mais ce n’est pas quelque chose qui m’inquiète beaucoup car j’ai l’impression que des perspectives se rouvrent sur l’achat de bateaux de très bonne qualité, soit avec des projets qui n’ont pas la volonté d’aller sur le Vendée Globe, soit d’autres qui vont s’arrêter. Je sais très bien que le timing ne sera pas idéal, mais ma volonté reste d’être sur le prochain Vendée Globe pour construire quelque chose sur le plus long terme.

Te donnes-tu une deadline pour réussir à monter ton projet ?
C’est dur à dire, je suis encore en discussion avec des partenaires, mais aussi avec des banques et des investisseurs pour acquérir un bateau. Je ne suis pas encore prêt à jeter l’éponge, car sinon, je m’en voudrais et je tournerais en rond. J’ai pensé à m’orienter vers un autre univers professionnel, j’ai aussi une proposition pour la Jacques Vabre, mais pour l’instant, je n’arrive pas à me défaire de ce Vendée Globe qui reste une obsession.

Ta première expérience a été difficile  avec des relations compliquées avec les partenaires (Arkéa et Paprec) et Vincent Riou, qu’en gardes-tu ?
Oui, ça a été une expérience douloureuse, je ne te le cache pas, et ça s’est vu. Ça reste des projets de passionnés, donc on peut avoir des moments de désaccord parce qu’il y a de l’émotif qui entre en ligne de compte. Mon année 2022 a été très difficile psychologiquement, j’aurais pu faire le choix de tourner la page, mais je suis encore là, avec cette opportunité de rebondir sur The Ocean Race. Et il n’y a pas tout à jeter dans ce projet,j’ai fait de très belles rencontres, j’ai aussi beaucoup appris. J’ai bien conscience d’avoir toujours eu de la chance jusque-là : j’ai fait mon école d’ingénieur, j’ai démissionné de mon contrat d’apprentissage pour participer à la sélection Bretagne CMB que j’ai remportée ; cinq ans après, j’ai eu la chance de construire un Imoca neuf, une expérience qui m’a permis d’enrichir mes compétences, j’ai participé au Vendée Globe avec un projet ambitieux, tout s’était bien goupillé depuis le début de ma carrière… Là, j’ai vécu un moment dur, ça fait partie du jeu. Et si je suis au départ du prochain Vendée Globe, je pense que je l’aborderai d’une manière totalement différente.

As-tu vécu la fin du projet comme une remise en cause ?
Oui, je me suis forcément remis en cause. Je suis quelqu’un de très émotif, mais j’ai toujours été très transparent et honnête. Là, je pense clairement que je me suis fait avoir, que j’ai rencontré certaines personnes qui ont voulu me mettre à genoux, mais je ne suis pas rancunier et ce qui m’intéresse, c’est la suite.

 

Photo : Gauthier Lebec

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