La dernière édition du Tour Voile a eu lieu en 2019

Quel avenir pour le Tour Voile et la classe Diam 24 od ?

Amaury Sport Organisation a annoncé mercredi dernier sa décision de renoncer à organiser le Tour Voile en 2021 au regard du “contexte actuel”. Quelles sont les conséquences pour l’épreuve et pour la classe Diam 24 one design, dont le Tour était l’événement-phare ? Tip & Shaft a enquêté.

Après avoir dû renoncer à l’organisation du Tour Voile cette année pour cause de Covid-19, Amaury Sport Organisation (A.S.O.), propriétaire de l’épreuve depuis son rachat en 2012 aux éditions Larivière, a donc annoncé mercredi dernier que l’édition 2021 n’aurait pas lieu. Malgré les efforts déployés depuis maintenant huit ans par Amaury Sport Organisation pour faire vivre l’un des plus beaux rendez-vous de la voile en France, le contexte actuel ne nous permet malheureusement pas de réunir les conditions nécessaires à la mise en route de l’organisation du Tour Voile 2021″, indique le communiqué d’ASO.

Joint par Tip & Shaft, le directeur de l’épreuve, Victor Mathevet, précise les raisons de cette décision : “Ce n’est un secret pour personne que cela fait quelques années que nous sommes à la recherche d’un partenaire majeur pour permettre d’assurer la stabilité financière de l’épreuve ; au vu d’une année 2021 qui s’annonçait bouchée, mais aussi de quelques signaux dans le sponsoring dans la voile qui ne nous incitaient pas vraiment à l’optimisme – départ de Macif, retrait d’AG2R, annulation du Salon nautique -, très clairement, les conditions n’étaient pas réunies pour trouver ce partenaire majeur. La réalité économique explique cette décision, que nous avons préféré prendre suffisamment en amont, pour que les gens qui nous accompagnent – collectivités, teams, partenaires – n’avancent pas des coûts et pour qu’ils puissent se retourner sur d’autres projets.”

En clair, après avoir investi pour redresser et redynamiser – ce dont tous les acteurs interrogés conviennent – un Tour qui, en 2011 était moribond, A.S.O. n’a pas, faute de partenaire titre, réussi à rentabiliser l’épreuve. Et l’annus horribilis que vit le groupe en ce moment – seulement une dizaine d’événements organisés, dont le Tour de France cycliste décalé en septembre, sur une centaine prévus – a fini par convaincre la famille Amaury de ne pas engager de frais supplémentaires sur 2021. Les décisions de ce type sont prises par la direction générale, donc par la famille Amaury, confirme Victor Mathevet.

Une vente “n’est pas à l’ordre du jour”

Le Tour Voile est-il pour autant à vendre ? “Ce n’est pas à l’ordre du jour”, répond son directeur. Qui ajoute, lorsqu’on l’interroge sur un possible retour de l’épreuve en 2022 : “Aujourd’hui, il est compliqué de se positionner sur 2022 et d’affirmer des choses avec certitude. On a déjà du mal à y voir clair sur les six prochains mois, donc on préfère rester prudents, mais on espère que les conditions seront très vite réunies pour que ce bel événement puisse reprendre son cours rapidement.”

Et le directeur du Tour d’assurer qu’A.S.O., qui avait également organisé Nice UltiMed en 2018, n’en a pas fini avec la voile : “On communique aujourd’hui sur 2021, mais on espère bien pouvoir très vite se repositionner sur la suite, que ce soit sur le Tour ou sur le reste.”

En revanche, Victor Mathevet confirme que la course autour du monde en équipage en Ultim, qui devait avoir lieu en fin d’année 2021 au départ de Nice, n’est pas à l’ordre du jour : “On n’a jamais communiqué officiellement sur ce projet, mais c’est vrai que nous avions une discussion avec la classe. Force est de constater aujourd’hui que c’est relativement difficile de mettre en œuvre un événement de cette taille dans le timing qui avait été indiqué, surtout avec cette conjoncture économique. Donc aujourd’hui, c’est compromis à court terme.”

Plusieurs solutions de substitution à l’étude

L’annonce de l’absence de Tour en 2021, si elle n’a pas surpris les partenaires et les équipes – «”lIs ont eu la décence de nous avertir il y a quelques semaines”, commente Claire Leroy, team manager de l’équipe La Boulangère -, a en tout cas conduit la FFVoile à vite réagir par le biais d’un communiqué évoquant “un patrimoine à conserver”. Joint par Tip & Shaft, son président Nicolas Hénard explique : “On comprend la position d’A.S.O. et je n’y vois pas un arrêt ni une vente de l’actif, mais une décision d’entrepreneur. Le Tour n’aura pas lieu en 2021 dans sa formule actuelle, il faut regarder ce qu’on peut faire pour continuer à accompagner le dynamisme de la classe Diam 24.”

La FFVoile travaille ainsi avec les teams et la classe sur un programme de substitution : “On ne va pas remplacer A.S.O. la fleur au fusil et faire le Tour Voile avec les moyens fédéraux, mais on réfléchit à une épreuve ou à un programme d’épreuves pour permettre aux équipes de régater et aux partenaires d’y trouver leur compte, en maintenant une animation estivale, poursuit Nicolas Hénard. A ce stade, en plus du programme habituel de la classe Diam 24 od – qui comprend notamment Sailing Arabia The Tour et des épreuves comme la Grand Prix de l’Ecole Navale, la Normandie Cup, le Spi Ouest-France et d’autres -, plusieurs projets semblent sur la table pour se substituer au Tour Voile, entre un événement unique ou plusieurs épreuves, disséminés sur le littoral français en juillet.

“Il y a plein d’avis différents, y compris sur le format des courses, certains plaidant pour moins de « stadiums » et plus de ralliements. Les difficultés d’A.S.O. n’entament en rien la motivation des équipes de participer à une grande compétition le long des côtes françaises pendant le mois de juillet”, veut croire le Havrais Cédric Chateau, à la tête du Normandy Elite Team. Matthieu Souben, un des meilleurs spécialistes actuels de Diam 24, est sur la même longueur d’ondes : “L’annonce d’A.S.O. n’est pas une bonne nouvelle, parce que la classe est drivée par le Tour, le point d’orgue de la saison, mais pas mal d’équipes avaient du mal à y participer parce que ça coûte quand même cher (*). Donc aujourd’hui, la réaction des teams est de se dire : essayons d’en faire une opportunité pour créer un autre type de régate, plus accessible.”

Des partenaires qui s’interrogent

Ce qui est de toute façon vital, selon son père Daniel, triple vainqueur du Tour Voile et membre du comité directeur de la classe Diam 24 od : Les partenaires venaient pour le Tour, pour son histoire, pour sa médiatisation, parce que c’est un monument. Aujourd’hui, le contexte économique fait qu’ils ont déjà des difficultés à maintenir des programmes de sponsoring, donc si on veut les retenir, il faut qu’on soit capables de proposer une alternative attractive. Le risque, sinon, c’est que les coureurs et les partenaires aillent voir ailleurs. Ce qui est embêtant, c’est que l’annonce d’ASO arrive presque tard, parce que les partenaires qui ont envie de continuer à faire du sponsoring en 2021, ça fait déjà quelques semaines qu’ils réfléchissent à la manière d’orienter leur budget.”

Interrogée sur l’éventuel programme de substitution au Tour Voile sur lequel planche la classe, Claire Leroy, team manager de La Boulangère, ne cache pas ses interrogations : “Une nouvelle épreuve, ça ne se construit pas comme ça du jour au lendemain, c’est dommage qu’il n’ait pas été possible de mettre en place un Tour simplifié, moins cher, mais toujours avec A.S.O., qui a quand même une force de frappe difficile à remplacer. Là, ça fait deux années blanches, ce n’est pas simple pour garder la dynamique.”

Du coup, le sponsor du team 100% féminin, mené par Mathilde Géron, réfléchit à d’autres alternatives : “Ce qui est certain, c’est qu’à La Boulangère, ils ne veulent pas s’arrêter comme ça, donc on étudie ce qu’il est possible de faire à budget constant avec notre équipage et qui ait du sens pour l’entreprise, en interne et en externe. On est en plein brainstorming.” Si la classe Diam 24 od veut retenir le maximum de partenaires sur la saison 2021, elle va donc devoir agir vite.

(*) Un petit budget amateur, juste pour le Tour Voile, est de l’ordre 50 000 euros HT, un gros budget de team pro pour la totalité de la saison de 300 000 euros.

Photo : Jean-Marie Liot/A.S.O.

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