Comment le Tour Voile a changé d’organisateur

Trois mois et demi après l’annonce par Amaury Sport Organisation de sa décision de renoncer à organiser le Tour Voile 2021, ce dernier a un nouvel organisateur : Normandie Evénements, qui prendra en charge les quatre prochaines éditions. Tip & Shaft vous en dit plus sur cette passation de pouvoir à la tête de l’épreuve créée en 1978.

Prévenue de l’intention d’ASO de renoncer à organiser le Tour Voile 2021 (voir notre article), la classe Diam 24 od, avec le concours de la Fédération française de voile, s’était mise en quête, à la fin de l’automne 2020, d’un organisateur pour mettre en place un événement de substitution pour juillet 2021. Un appel à candidatures “pour un contrat de prestations pour l’organisation d’un événement accueillant du public en lien avec une compétition sportive de voile de haut niveau” avait ainsi été lancé en décembre.

L’idée n’était alors pas forcément une reprise du Tour Voile tel qu’il existait depuis sa reprise par ASO. “Dans un premier temps, on avait un peu laissé tomber l’utilisation du nom Tour Voile, on ne pensait pas que c’était important, explique Daniel Souben, membre du comité directeur de la classe Diam 24 od. En parallèle, nous avons appris par la Fédération que la Ligue de voile de Normandie travaillait aussi sur un projet de Tour 2021.”

Ce que confirme Francis Le Goff, directeur de la Ligue normande : “Au détour d’une conversation chez moi, en décembre, avec les dirigeants de Normandie Evénements, avec lesquels nous avons fait pas mal d’événements, je leur dis que c’est vraiment dommage que le Tour n’ait pas lieu. D’autant qu’à la Ligue, je me retrouve avec trois bateaux qui ne vont pas pouvoir naviguer alors que des partenaires sont prêts à y aller, sans compter la perte d’une prestation de direction de course [Pierre Hays, de la Ligue de Normandie était l’adjoint du directeur de course Christophe Gaumont, NDLR] – et de fourniture de moyens nautiques. Et là, ils me disent qu’ils sont chauds pour y aller.“

 

Des organisateurs déjà présents sur la Transat Jacques Vabre

Normandie Evénements n’en est pas à son coup d’essai en matière d’événements nautiques : si la structure (privée) a été spécifiquement créée pour l’organisation de l’Armada de Rouen en 2019, elle est le fruit d’un rapprochement entre l’agence événementielle DP Events et la société France Locations, spécialisée dans la location de tentes (notamment pour le Tour Voile). Deux sociétés qui travaillaient ensemble depuis 2013, notamment sur le village de la Transat Jacques Vabre (dont Francis Le Goff est l’actuel directeur de course).D’où cet intérêt pour le Tour Voile, confirmé par Thibault Parent, directeur de projets de Normandie Evénements et nouveau directeur du Tour Voile : “La complémentarité entre nous, producteurs d’événement, et la Ligue, qui pouvait nous apporter son savoir-faire en matière d’organisation nautique, a fait naître l’opportunité d’exploiter le Tour Voile. D’autant qu’on trouvait dommage qu’un tel événement, avec son histoire et sa notoriété, s’arrête.”

Normandie Evénements contacte alors ASO, pour connaître les conditions d’une reprise de l’organisation du Tour Voile, tout en répondant à l’appel à candidatures de la classe Diam 24 od. Laquelle, après avoir interrogé ses membres et leurs partenaires, change un peu sa manière de voir les choses. “On s’est aperçus que le nom Tour Voile avait plus d’importance que ce que l’on pensait, ce qui nous a finalement conduits à remettre ce critère en haut de la pile au moment de choisir le nouvel organisateur”, explique Daniel Souben.

 

Pas de vente du Tour à l’étude

C’est ainsi que Normandie Evénements, qui avait avancé de son côté sur ce dossier de reprise avec ASO, a été préféré aux cinq autres structures ayant répondu à l’appel à candidatures de la classe Diam 24 od : Aloha Attitude, Intel Sport Events Consulting, Modus Operandi Consulting, Phoenix Event Production et le duo Anne Gourcuff/Ronan Jugeau. Le concurrent le plus sérieux, ayant été, selon Daniel Souben, la société brestoise Aloha Attitude, “qui avait un beau projet, économiquement viable, mais essentiellement basé en Bretagne, ce qui allait un peu à l’encontre du fait qu’on avait remis le Tour Voile au centre du jeu.”Début février, le choix de Normandie Evénements est validé par la classe puis approuvé par ASO qui accorde au nouvel organisateur une licence d’exploitation pour quatre ans (une sorte de location-gérance comme le fait le Figaro avec OC Sport Pen Duick), avec une première année test à l’issue de laquelle un bilan sera fait.

“L’accord englobe des engagements de notre part sur la réussite de l’événement, et c’est normal”, explique Thibault Parent pour justifier cette clause de sortie. Contacté, ASO, qui reste propriétaire de la marque – aucune vente n’a été étudiée à ce stade – a juste fait savoir à Tip & Shaft : “On tenait à ce que la transition se passe bien, on voulait un acteur sérieux avec un projet qui tient la route.”

 

Un budget de 800 000 à 900 000 euros

Le projet en question pour l’édition 2021 ? Huit à dix étapes sur trois semaines (2-24 juillet) et le retour des ralliements : cinq à six d’une longueur de 40 à 80 milles sont prévus cette année. Le parcours, “ficelé à 70%” selon Thibault Parent, sera dévoilé d’ici début avril, ce Tour 2021 s’élancera de Dunkerque, selon nos informations.“Depuis le début du projet, on souhaitait revenir à la tradition en remettant en place ces ralliements qui font partie de l’histoire de l’épreuve. L’idée est de réinjecter du sport aventure dans le Tour Voile et d’essayer de faire revenir des marins de la course au large“, explique le nouveau directeur.

Toujours selon ce dernier, le budget de ce Tour 2021 s’établit “entre 800 000 et 900 000 euros HT“, assuré pour “plus de la moitié” par les villes, le reste provenant des frais d’inscription, considérablement réduits – de 23 000 à 12 000 euros TTC, transport des bateaux en D Box compris – et des partenaires privés. Soit un budget très inférieur à celui des précédentes éditions (environ 2,5 millions).

Interrogé sur la question, Thibault Parent répond : “Ce budget est raisonnable et tenable dans les délais impartis pour organiser cette édition. ASO a une force de frappe qu’on n’a clairement pas, ils avaient mis le curseur assez haut, avec notamment un dispositif média coûteux. Après, l’idée est de se servir de cette édition pour construire la suite et bien évidemment de trouver des partenaires, notamment un partenaire-titre, pour nous aider à développer l’événement. Notre volonté est de faire évoluer ce budget entre 1 et 1,2 million d’euros dès la deuxième année.”

 

15 à 20 bateaux en 2021

Comment rentabiliser l’épreuve alors qu’ASO n’a pas réussi à le faire ? “On reste humbles, mais on a la certitude qu’avec notre vision, centrée autour de la convivialité, des territoires et des enjeux RSE, on arrivera à le rentabiliser, on a des contacts prometteurs”, répond Thibault Parent. Ce dernier s’est engagé par ailleurs à conserver le Diam 24 od pour les quatre éditions à venir et sera secondé, pour toute la partie nautique, par Pierre Hays (adjoint à la direction de course du dernier Vendée Globe), tandis que Christophe Gaumont devrait, selon nos informations, rester à la direction de course.Côté plateau espéré cette année, Thibault Parent espère “de 15 à 20 bateaux”, un objectif que partage Daniel Souben : “On est dans une année de relance de l’épreuve, économiquement difficile pour les partenaires, dont beaucoup se sont retirés. Aujourd’hui, plusieurs équipes fonctionnent avec les queues de budget de l’année précédente, sans que les partenaires aient remis au pot. Dans ce contexte, 15-18 bateaux, ce serait bien.” Pour un budget par team que le Vannetais estime à “70 000 euros (HT) sans masse salariale et avec deux ou trois épreuves en avant-saison, 110-120 000 minimum pour une équipe pro.”