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Thibaut Vauchel-Camus : “Pas de gros écarts en Multi50 sur la Transat Jacques Vabre”

Trois Multi50 s’élancent dimanche du Havre pour la 14e édition de la Transat Jacques Vabre dont Solidaires en Peloton-ARSEP, présenté comme le grand favori (voir notre article). L’occasion pour Tip & Shaft d’échanger avec son skipper Thibaut Vauchel-Camus, qui fait équipe avec Frédéric Duthil.

Tu connais Frédéric Duthil depuis longtemps, est-ce un choix naturel d’avoir fait appel à lui pour cette Transat Jacques Vabre ?
Il est sorti du lot pour plusieurs raisons : d’abord parce que je sais, pour avoir déjà navigué avec lui en double sur une Normandy Channel Race, que c’est un équipier redoutable, ensuite parce c’est un mec qui a une très bonne lecture du large en tant que performeur, il a beaucoup de sensations, ce qui nous a permis de refaire les configurations de voiles et de dessiner ensemble un gennaker typé pour le parcours de la Transat Jacques Vabre, pas une voile de VMG, mais plutôt de portant véloce. Et puis il a eu un rôle important dans mon parcours, sans qu’il s’en rende forcément compte : à l’époque où il faisait du Mini puis du Figaro, comme il travaillait en parallèle, il avait assez peu de temps pour se préparer, il m’avait donc demandé d’assurer une partie de ses convoyages. C’est lui qui m’a permis de connaître mes premières expériences en solo sur des nav de 10, 24 ou 48 heures. Grâce à lui, j’ai pu toucher à du semi-hauturier et à du solo, voir de l’intérieur à quoi ressemblait un projet de course au large. Cette expérience a été importante pour consolider mon envie de faire du large, Fred me l’a offerte, c’est aussi une façon de lui rendre ça.

As-tu toi-même cherché un moment à te lancer dans des projets de Mini ou de Figaro ?
De 2007 à 2009, j’ai tenté de monter un projet Figaro. Peut-être qu’il était un peu trop ambitieux ou mal raconté, c’est aussi tombé à l’époque de la crise financière, si bien que ça n’a pas marché, je pense aussi que j’avais un manque de réseaux pour m’accompagner. Donc j’ai quitté la voile pour aller faire de l’immobilier à Rennes, jusqu’au jour où j’en ai eu marre, j’ai démissionné pour aller faire de l’Hydroptère avec Jérémie Lagarrigue en Suisse. J’ai alors re-croisé Victorien (Erussard), que je connaissais déjà, et nous avons décidé de lancer le projet Solidaires en Peloton.

Qui a démarré en Class40 avant de passer au Multi50, cette classe s’est-elle imposée pour toi comme une évidence ?
C’était en tout cas le support le plus adapté pour associer ma culture du multicoque et ma passion pour le large. Ça tombait en plus à un moment où la classe s’est homogénéisée, avec des bateaux offrant un vrai niveau de compétition, l’arrivée des foils, qui a aussi permis de les booster tout en les sécurisant, donc de réduire la part de risque liée au multicoque. La dynamique était positive et il y avait bien sûr des questions budgétaires : après le Class40, la classe Multi50 restait relativement abordable. Pour le même coût en Imoca, je me serais retrouvé sur un projet de deuxième ou troisième division, ce qui peut être très bien, mais moi, je voulais un projet sexy et performant que je pouvais vendre sans tripler mon budget.

Peux-tu nous expliquer comment est structuré ton projet au niveau des partenariats et quel en est le budget ?
On a une cinquantaine de donateurs, chacun fait en fonction de sa taille et de sa capacité financière. Ça va du plus gros compte aujourd’hui, Sanofi Genzyme, à des maçons, des plaquistes, un cabinet-comptable… Pour ce qui est du budget, on est sur une enveloppe annuelle de 800 000 euros TTC, avec des dons qui vont de 1 000 à 100 000 euros. On a un projet assez « remarquable » car on a une bonne visibilité médiatique, ça pourrait laisser penser qu’on a une certaine aisance financière, mais non, on est sur des budgets assez ajustés. La preuve : je n’ai pas la trésorerie cette année pour faire le retour en cargo, c’est moi qui vais faire le convoyage du bateau.

Vous étiez six Multi50 il y a un an au départ de la Route du Rhum, seulement trois pour cette laTransat Jacques Vabre, est-ce décevant ?
C’est dommage. Décevant, ça aurait signifié un défaut d’implication ou des mauvais choix, là, c’est plus un concours de circonstances, d’autant que Fabrice Payen a été contraint de se retirer. Nos projets en Multi50 sont quand même très focus sur la Route du Rhum, donc en année post-Rhum, on est sur des fins de cycle. Armel (Tripon) est parti sur le Vendée Globe, FenêtréA a arrêté, Ciela Village aussi. Maintenant, il faut laisser le temps à de nouveaux projets d’arriver, il y a une offre qui est là avec des bateaux à vendre ou à louer, je pense que la demande devrait se re-manifester petit à petit. On aura deux bateaux neufs en 2020 [Arkema 4 et celui de Fabrice Cahierc], plus l’ancien bateau de Lalou (Roucayrol) déjà loué à Arthur Le Vaillant, on a potentiellement huit bateaux l’année prochaine. Donc c’est une petite anomalie qu’on ne soit que trois, mais ça s’explique et je pense que sur la Jacques Vabre 2021, on sera trois fois plus nombreux.

As-tu eu besoin de l’expliquer à tes partenaires ? T’ont-ils fait part d’interrogations ?
Ils s’en étonnent un peu, mais comme je te l’ai dit, ça s’explique très bien et la particularité de mon projet, c’est que c’est moi qui décide de tout, je n’ai pas de partenaires qui me demandent de faire ça ou ça en fonction de leurs intérêts de communication. La contribution de chacun d’entre eux ne leur donne pas la possibilité d’être décideurs de ce que je dois faire. J’ai monté un projet solidaire et coopératif au service d’une cause et non au service d’un partenaire. Donc ce que je leur dis, c’est que certes, on n’est que trois, mais dans ce cas, on raconte une autre histoire. Par exemple sur cette Transat Jacques Vabre, on a l’opportunité d’être les premiers de la flotte à arriver à Bahia, donc même si sportivement, ça n’aura pas la même valeur que si on était six ou sept, en termes de visibilité pour la cause que nous portons tous, ça vaut le coup d’en profiter.

Tu fais figure de grand favori de cette Jacques Vabre, ce serait une faute professionnelle de ne pas gagner ?
Si c’est lié à une connerie de ma part, oui, si c’est lié à un aléa technique comme sur la Route du Rhum l’année dernière ou à un choc avec un container ou un cétacé, non. Après, je pense qu’il n’y aura pas de gros écarts, les trois bateaux sont très proches en performance. Gilles (Lamiré) n’est pas un grand régatier, mais c’est un très bon marin qui navigue avec un mec (Antoine Carpentier) doté d’un gros bagage large et multicoque. Antoine a déjà fait la Québec-Saint-Malo sur ce bateau, il a gagné la dernière Transat Jacques Vabre en Class40, il n’est pas impressionné par l’enjeu et sait attaquer, il va clairement accompagner Gilles dans la maîtrise du bateau. Quant à Seb (Rogues) et Matthieu (Souben), ils ont moins navigué en Multi50, mais ont eux aussi une très grosse expérience du multicoque et du large. Ils me racontaient récemment qu’ils tenaient des moyennes qu’ils ne pensaient pas atteindre à la mise à l’eau, ça veut dire qu’ils ont vite élevé leur engagement sur un bateau performant et en très bon état. Donc on ne va pas arriver la fleur au fusil.

Sébastien Rogues dit souvent que son Graal serait le Jules Verne, et toi, as-tu sur le plus long terme des projets en tête ?
Aujourd’hui, je suis curieux de mes curiosités : quand une idée me passe à la tête, je la creuse, l’analyse, la passe par plein de filtres, ceux de la cohérence, de l’accessibilité, de l’envie, du risque… Si tu me demandes si j’envisage un Vendée Globe, je te réponds oui comme non, il y a des raisons pour lesquelles j’aurais très envie de le faire, d’autres qui me font relativiser cette envie. Est-ce que The Ocean Race n’est pas un compromis intéressant ? Est-ce que je ne tenterais pas l’Ultim et un Jules-Verne, soit comme leader d’un projet soit comme équipier ? J’ai un tableau dans mon bureau sur lequel je note toutes ces réflexions. Pour l’instant, il est retourné sur la table…

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