Jean-Bernard Le Boucher explique pourquoi Macif se retire du circuit Ultim et arrête son partenariat avec François Gabart

Jean-Bernard Le Boucher, Macif : “L’arrêt de l’Ultim est un sujet stratégique”

Le groupe Macif a annoncé mercredi 10 juin mettre un terme à son programme Ultim avec François Gabart, tout en s’engageant à financer jusqu’au bout la construction du futur Ultim, attendu pour juin 2021. Directeur de l’activité mer du groupe mutualiste, Jean-Bernard Le Boucher revient pour Tip & Shaft sur cette décision qualifiée par François Gabart de “brutale”.

Le groupe annonçait en 2018 repartir pour quatre ans en Ultim à partir de 2020 avec un nouveau trimaran à lé clé, il évoquait encore ce projet en février dernier au moment où François Gabart faisait part de son intention de prendre du recul avec la navigation cette année, que s’est-il passé entre-temps pour qu’on aboutisse à un tel revirement ?
Nous réfléchissons depuis le début de l’année dans le cadre de la réflexion stratégique globale du groupe. Il y a beaucoup d’évolutions cette année, nous sommes un groupe multi-marques qui va se développer encore avec un rapprochement en cours avec le groupe Aésio, c’est une année charnière pour le groupe Macif avec une véritable réorientation stratégique. François le disait, il faut plus de deux ans pour engager un bateau, le rythme des entreprises est un peu différent. Là, on termine un plan stratégique en 2020, on en commence un dans la foulée avec le rapprochement avec le groupe Aésio, le sujet stratégique est la raison de l’arrêt de l’Ultim, ce n’est pas du tout dirigé contre François, avec qui on a dix ans de relations exceptionnelles et qu’on va d’ailleurs accompagner jusqu’à fin août de l’année prochaine sur la construction du nouveau bateau. Ce n’est pas non plus dirigé contre les Ultim, puisque nous avions relancé la construction d’un bateau, ça montrait que nous étions satisfaits des retombées en Ultim. Ça se vérifie sur la Route du Rhum, sur le record de 2017, sur la Jacques Vabre 2015 que l’on gagne, à chaque fois, on a fait le buzz, d’un point de vue visibilité, l’Ultim est un très bon support. Il faut bien chercher les raisons de cette décision dans la stratégie du groupe Macif, qui repense son plan dans les quatre années qui viennent avec une dimension différente.

Cela veut-il dire que vous avez moins besoin de communiquer autour de la marque Macif ?
Probablement, mais la stratégie n’est pas totalement arrêtée, elle est vraiment en train de se construire, elle sera connue à la fin de l’année et nous ferons de nouvelles annonces à ce moment-là.

Pourriez-vous vous engager dans d’autres disciplines que la course au large, vu que vous avez annoncé que le budget lié au sponsoring resterait le même ?
Oui, il n’y a pas de réduction du budget communication, donc il y aura des réaffectations. Mais encore une fois, on ne peut pas faire d’annonce aujourd’hui : clairement, le sujet de cet arrêt n’est pas économique. On reste d’ailleurs très présents dans la course au large, on va écrire une nouvelle histoire avec Charlie (Dalin), ce n’est donc pas dirigé contre ce sport, on est très satisfaits des retombées qu’on a pu avoir.

Le groupe a changé de dirigeants l’année dernière, cette décision est-elle aussi liée à ce changement ?
La nouvelle équipe dirigeante était déjà dans l’entreprise avant : le président (Pascal Michard) était membre du conseil d’administration et le directeur général (Adrien Couret) était directeur de la stratégie, ils avaient un regard positif sur ce qu’on faisait avec François. Par contre, ils sont effectivement aux manettes de la construction de la nouvelle stratégie du groupe, la décision d’arrêt de l’Ultim a été prise au plus haut niveau. Et je rappelle qu’on a quand même écrit une histoire exceptionnelle, il faut aussi peser ça.

La crise liée au Covid a-t-elle eu un impact sur la décision ?
On ne peut pas ignorer ça. Ce n’est pas la raison profonde, mais ce n’est pas neutre, c’est forcément un accélérateur de prise de décision. Inévitablement, la crise sanitaire que nous traversons et la crise économique qui s’en suivra pour un certain nombre d’entreprises et de Français, nous fait porter un regard différent, je pense qu’il y aura un avant et un après, y compris dans le sponsoring sportif et dans la course au large. Je pense qu’il y aura peu d’impact par rapport à des épreuves comme le Vendée Globe où tout était déjà bordé et organisé ; par contre, sur le sponsoring en général, il va falloir se réinventer et probablement trouver de nouvelles façons de présenter nos projets, une nouvelle manière de « consommer », de construire nos bateaux. C’est tellement énorme ce qu’il s’est passé en France et dans le monde qu’on se dit que rien ne sera plus comme avant, que le sponsoring va forcément être impacté, c’est sûr.

Le contrat d’exploitation du trimaran Macif actuel arrivait à échéance le 30 juin, le nouveau qui devait être signé pour le prochain bateau devait démarrer au 1er juillet, c’était maintenant ou jamais qu’il fallait prendre cette décision ?
Exactement. Nous avions un contrat d’exploitation qui se terminait fin juin, il fallait prendre la décision maintenant, il y a des échéances dans nos projets. Par contre, on s’attache à être bienveillants et constructifs avec François pour faire en sorte que tout ne s’écroule pas. On accompagne MerConcept sur la construction du bateau jusqu’à fin août 2021, donc l’armateur Macif continue de s’investir vis-à-vis de l’entreprise MerConcept. Et nous avons quand même les deux projets de course au large qui restent et sur lesquels François apporte son expérience. Il a beaucoup de choses à apporter vis-à-vis de Charlie et des figaristes. Simplement, il n’est plus skipper Macif.

A propos de ces projets Imoca et Figaro, quand se se terminent ces contrats entre vous et MerConcept ?
Nous avons des contrats avec MerConcept jusqu’à fin 2022 pour l‘Imoca ; pour le Figaro, on a un engagement qui se renouvelle à chaque sélection. Là, nous avons Erwan Le Draoulec dont c’est la première année, il est avec nous pour trois ans si tout se passe bien, ça veut dire jusqu’en 2022. Mais très franchement, il n’a pas été question un seul instant de remettre en cause ce projet d’accompagnement qui permet de faire émerger des talents, je suis très satisfait de ce que donne cette filière, il n’y a aucune raison d’arrêter ça. Et il ne faut pas oublier que nous avons aussi une école de voile. C’est une structure associative qui aurait pu s’arrêter à cause de la crise Covid, comme beaucoup de clubs et d’écoles de voile qui ont dû licencier du personnel et vendre des bateaux, ce n’est pas notre cas, on continue. C’est la preuve que le groupe reste très attaché à son engagement dans la mer et auprès des marins.

Etes-vous liés financièrement à MerConcept pour ses nouveaux locaux à Concarneau ?
Nous avions envisagé d’être co-financeurs du bâtiment, mais d’un commun accord avec François, nous avons finalement jugé que ce n’était pas la meilleure solution. Par contre, nous sommes solidaires de l’investissement, on lui avait écrit qu’on l’aiderait financièrement, de ce point de vue, on ne le lâchera pas et cette aide financière, on la maintiendra.

Vous allez vous retrouvez avec deux bateaux, l’un à vendre actuellement, le prochain livrable dans plus d’un an, c’est une prise de risques financière pour le groupe ?
Le trimaran actuel, qui est à vendre 5 millions (hors taxe), très franchement, pour un sponsor, un skipper ou un armateur qui veut s’engager sur le circuit Ultim, je pense que c’est un prix qui est très attractif. Et comme on veut aider nos amis de la classe Ultim, on fera en sorte de le vendre à un partenaire qui s’engagera dans la classe. C’est un bateau ultra-performant, prêt à voler début juillet, avec en outre la possibilité d’être accompagné pour la prise en main, voire pour l’exploitation, il y a un projet clés en main prêt à être vendu à un partenaire qui veut faire le programme 2021-2023 proposé par la classe. Quant au futur bateau, je reconnais qu’il y a une prise de risques, parce que finir un bateau comme ça, ça coûte de l’argent, donc il y a une prise de risques par rapport à son prix réel, mais je trouve que c’est une décision généreuse du groupe Macif d’aller au bout car on aurait pu solder l’affaire et tout arrêter. Là, on continue à investir, ça veut dire qu’on croit dans ces bateaux et qu’on a été capable de dissocier une décision stratégique de la marque d’un engagement dans un écosystème de la course au large, on a conscience d’avoir une responsabilité par rapport à ça et on l’assume.

Si j’arrive demain avec un chèque de 4 millions à encaisser tout de suite pour acheter l’actuel trimaran, vous me le vendez ?
Vous êtes vraiment dur… Je descendrai de 200 000, mais je n’irai pas au-delà, on le vend déjà un tiers moins cher de son prix, c’est moins cher qu’un Imoca !

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