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Jean-Luc Denéchau : “Aux Jeux de Paris 2024, la France a le potentiel pour être performante dans toutes les séries”

La Semaine olympique française de Hyères-Toulon Provence Méditerranée s’ouvre le 23 avril. L’occasion pour Tip & Shaft de s’entretenir avec le président de la Fédération française de voile, Jean-Luc Denéchau, à propos des Jeux de Paris 2024, mais aussi de la Coupe de l’America, du dynamisme de la course au large et du conflit qui oppose François Gabart à la classe Ultim 32/23.

Comment se présente la Semaine olympique française ?
Nous sommes contents de la retrouver, parce que cela fait deux ans que nous n’avons pas pu l’organiser, nous attendons une grosse participation, environ 700 compétiteurs. Et il y aura l’équipe de France au grand complet, plus l’équipe jeune, ça va permettre de valider le travail de l’hiver et d’avancer vers les objectifs de la saison qui sont les championnats du monde et d’Europe de classe. L’idée n’est pas de faire un podium à tout prix, on est dans le cadre d’une préparation olympique.

Comment se passent les choses du côté de Marseille ? On attend toujours une première épreuve, quand est-elle prévue ?
L’ensemble des équipes de France est à Marseille dans le pôle France provisoire, puisqu’on a quitté l’ancien qui a été rasé, on en est aux fondations du futur pôle. Sinon, on voulait organiser un test-event dès cette année, mais la mairie n’était pas prête à recevoir les compétiteurs, donc on ne le fait pas. Aujourd’hui, le Cojo (comité d’organisation des Jeux) a l’ambition d’en organiser un à l’été 2023, mais les travaux ne seront pas terminés, puisqu’on parle d’une livraison à l’automne 2023.

Est-ce plus tard que prévu ? Et si oui, comment l’expliquez-vous ?
Oui, c’est plus tard que prévu. C’est toujours un peu compliqué, il y a des problèmes de financement, de permis de construire, de délais de recours… Je pense aussi que le changement de gouvernance à la mairie de Marseille a fait que l’appétit pour les Jeux olympiques n’est peut-être pas le même aujourd’hui.

Le projet de tribune sur la Corniche a d’ailleurs été abandonné…
Oui, on a été informés que la tribune avait été retirée du projet, la municipalité a présenté le dossier au Cojo qui a accepté que cet élément phare du dossier soit supprimé. Il est maintenant en attente d’une nouvelle proposition pour permettre aux spectateurs payants d’avoir accès à une zone pour suivre les medal races.

Quel est le budget global de la campagne olympique pour l’équipe de France ?
On est dans les mêmes volumes que lors des précédentes, à savoir, suivant les années, entre 2 et 2,5 millions d’euros par an.

A un peu plus de deux ans des Jeux, quels sont les objectifs raisonnables de l’équipe de France ? Et jusqu’à combien de médailles pouvez-vous rêver de décrocher à Marseille ?
L’objectif que j’ai fixé est de faire mieux qu’à Tokyo, où on a eu trois médailles. On s’est organisés, staffés et programmés pour y arriver. Après, je ne souhaite pas donner de chiffre précis de médailles, mais on a le potentiel pour être performants sur quasiment toutes les séries.

“Un projet très fédérateur
sur la Coupe”

Parlons d’une autre épreuve qui aura également lieu en 2024, la Coupe de l’America, comment accueillez-vous le choix de Barcelone pour accueillir la 37e édition ?
C’est une satisfaction de voir que la Coupe va avoir lieu en Europe, ça montre le dynamisme de la voile sur notre continent. Et à partir du moment où on a une équipe qui se présente, c’est plus facile d’être proche de ses bases qu’à l’autre bout du monde.

Vous êtes très affirmatif, que savez-vous de cette équipe ?
C’est évident qu’il y a quelque chose qui se monte. La Fédération regarde avec bienveillance les personnes qui rentrent dans cette aventure, et selon le sérieux des projets, il y aura évidemment la possibilité de délivrer l’appellation équipe de France pour la Coupe de l’America. Il faut laisser un peu le temps à chacun de monter son projet.

Y a-t-il plusieurs projets, ou un seul autour de Stéphane Kandler ?
Pour l’instant, c’est le seul projet, il semble très fédérateur, ce qui ne peut que plaire à un président de fédération. Beaucoup de planètes sont en train de s’aligner, c’est extrêmement positif, maintenant, il faut arriver à asseoir ces bonnes volontés sur des financements pérennes, ce qui a toujours été la difficulté des défis qu’on a eus jusqu’à maintenant. Mais pour l’instant, je suis confiant, cette envie de pérenniser est vraiment dans l’esprit de Team France, l’objectif étant aussi de s’ouvrir à des univers un peu plus larges que la simple Coupe de l’America.

“Pour les Ultims,
la négociation est difficile”

Ouvrons la page course au large, qui vit actuellement une période très faste, au point que beaucoup de courses refusent du monde, quel est votre regard ?
C’est toujours enthousiasmant de voir de telles périodes d’embellies, même si ça fait forcément réfléchir sur la meilleure manière d’arriver à maîtriser tout ça, mais on ne peut que se réjouir de voir la formidable dynamique du côté sportif, mais aussi vis-à-vis des partenaires qui ont compris ce qu’ils pouvaient tirer de notre sport. Tout ça génère en outre une véritable économie, la course au large commence à prendre une place très importante au sein des industries nautiques.

138 bateaux au départ de la Route du Rhum, ça vous inspire quoi ?
C’est fantastique, ça montre à la fois la puissance de cette course mythique et le vrai désir des compétiteurs d’aller se mesurer au mythe. Et que 138 personnes trouvent des budgets prouve que notre sport offre de nombreuses opportunités.

Parmi ces 138, il y aura quelques Ultims, quel est le sentiment du président de la fédération face au conflit qui oppose depuis plusieurs mois l’équipe de François Gabart à la classe Ultim 32/23 ?
Un président de fédération est là pour fédérer, donc quand j’ai vu en début d’année que ce conflit perdurait, j’ai proposé d’organiser une médiation pour que les gens puissent se parler, ce qui a été fait [le 16 février lors d’une réunion réunissant tous les armateurs, NDLR]. Il y a depuis eu d’autres réunions avec l’ensemble des armateurs, la négociation est difficile, les positions se sont parfois figées, il y a aussi eu des avancées… A l’heure actuelle, je dirais qu’il y a une volonté de pause dans les négociations, j’espère que chacun a encore à cœur de continuer à débattre et à discuter pour que tout le monde puisse continuer à naviguer dans de bonnes conditions au sein de cette classe Ultim.

“Pour adhérer à une classe,
il faut accepter ses règles

La classe Ultim 32/23 a eu recours à World Sailing, la fédération internationale a-t-elle son mot à dire sur un tel sujet ?
D’un point de vue purement réglementaire, World Sailing, qui édicte et met à jour les OSR [règles internationales], peut répondre à des demandes d’interprétation, mais ça reste une interprétation qui est d’ordre général par rapport à une question posée. Une fédération, qu’elle soit nationale ou internationale, n’a pas le mandat pour certifier un bateau. Le nœud du problème tourne autour de cette fameuse règle 3.11, c’est à la classe, via son jaugeur et son comité de surveillance, de le résoudre, car le certificat de conformité d’un bateau est délivré par une classe.

En l’occurrence, le comité de surveillance a délivré un avis favorable qui n’a pas été suivi, la classe n’a-t-elle pas respecté ses règles ?
On ne peut pas dire ça : chaque classe a son propre mode de fonctionnement et au sein de la classe Ultim, le comité de surveillance a un rôle consultatif. Donc il rend un avis, après, il y a un vote du bureau ou du conseil d’administration sur cet avis.

Ce conflit soulève-t-il un problème de gouvernance au sein de cette classe ?
Chacun peut faire ses observations personnelles ; une classe est une association qui édicte ses statuts, son règlement intérieur, son mode décisionnel et de surveillance, pour faire en sorte que ses adhérents jouent ensemble, même si à ce niveau, le jeu a sans doute une autre dimension. Donc pour y adhérer, il faut accepter ses règles.

Finissons par la situation de la FFVoile aujourd’hui, comment évolue le nombre de licenciés ? Et le budget ?
Par rapport à notre année repère, 2019, avant le Covid, nous avons retrouvé nos licenciés jeunes, nous progressons même, nous sommes à +5%. Nous avons aussi une belle dynamique sur tout ce qui est voile loisir, on a augmenté de 14% le nombre de passeports voile, ça montre le besoin qu’ont nos concitoyens de retrouver des activités de plein air et de nature. Là où on a un travail à mener, c’est pour reconquérir nos licenciés fidèles adultes, puisqu’on est en baisse de 3% par rapport à 2019. Quant au budget, il est constant, de 14,7 millions d’euros, assuré à 40% par les licences et passeports voile, à 38% par les subventions publiques, à 10% par les partenaires, à 8% par la boutique, les 4% restants étant des recettes diverses spécifiques des différents services de la fédération.

Photo : Sailing Energy

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