Rolex Fastnet Race Cherbourg

Comment Cherbourg a décroché l’arrivée du Fastnet

La nouvelle a fait grand bruit des deux côtés de la Manche : le Rorc, organisateur de la Fastnet Racea annoncé mardi dernier que l’arrivée des deux prochaines éditions aurait lieu à Cherbourg, alors que depuis la création de l’épreuve, en 1925, elle s’était toujours terminée à PlymouthTip & Shaft explique comment on en est arrivé là.

Après la Golden Globe Race, partie aux Sables d’Olonne l’an dernier, après The Transat CIC, dont le départ de l’édition 2020 aura lieu à Brest, Plymouth perd une troisième grande course au large, puisque la Fastnet Race, créée en 1925 et organisée jusqu’ici tous les deux ans entre Cowes et la ville du sud de l’Angleterre, arrivera lors des deux prochaines éditions, en 2021 et 2023, à Cherbourg.

L’annonce a été faite mardi dernier à Londres lors d’une conférence de presse organisée par le Royal Ocean Race Club (Rorc), organisateur de la course. Son commodore, Steven Anderson, a expliqué, pour justifier ce déménagement en France : “La course a connu une croissance constante au cours des deux dernières décennies et de plus en plus de marins veulent y participer. Le nombre d’inscrits a été plafonné ces dernières années. Cherbourg-en-Cotentin nous offre la possibilité de toucher un plus grand nombre de navigateurs grâce à une capacité d’amarrage supplémentaire et des installations de qualité. C’est une vraie opportunité qui va nous permettre d’attirer davantage d’équipages sur cette course mythique”.

Directeur général du Rorc, Eddie Warden Owen, interrogé par Tip & Shaft, précise : “Depuis mon arrivée à ce poste, en 2008, il y a toujours eu un problème de place à Plymouth, c’est un casse-tête qui dure depuis longtemps. Et l’emplacement que nous avions avec le Plymouth Yacht Haven [le port qui accueillait les bateaux à leur arrivée, NDLR] était loin de la ville.” Et ne permettait donc pas d’accueillir du public aux arrivées des bateaux. Un aspect qui, d’après Jean-Louis Valentin, président de la Communauté d’agglomération du Cotentin, en première ligne côté français pour négocier le deal, a aussi compté. : “Du côté du Rorc, je pense qu’il y avait la volonté d’avoir une arrivée plus festive et plus populaire que ce qui se passait jusqu’ici à Plymouth”, explique-t-il à Tip & Shaft.

Les discussions entre Cherbourgeois et Anglais ont commencé voilà deux ans. “Au moment où le Rorc s’interrogeait pour savoir si Plymouth était toujours la destination la plus évidente pour l’arrivée de la Fastnet Race, raconte Jean-Louis Valentin. Ils nous ont alors demandé si nous serions éventuellement intéressés à l’idée d’accueillir la course.” Une proposition qui tombe bien : toujours selon l’élu normand, “indépendamment de notre volonté de renforcer l’attractivité du Cotentin, nous souhaitons consolider la filière nautique et affirmer notre vocation maritime. Il y a donc tout de suite eu un consensus sur l’intérêt d’attirer dans le Cotentin un événement d’envergure internationale et à caractère nautique.” C’est d’ailleurs en ce sens que la ville avait déjà accueilli en 2018 l’arrivée de la Drheam Cup (elle en sera port de départ en 2020), mais aussi, en mai 2019, le passage de l’Hermione.

Cherbourg n’a pas pour autant été la seule destination envisagée : d’après Eddie Warden Owen, le Rorc a d’abord étudié “différentes alternatives en Grande-Bretagne”, dont Cowes. Comment la préfecture du Cotentin a-t-elle fait la différence ? “Cherbourg nous a fait une proposition globale que même les tenants de la tradition ne pouvaient ignorer, en nous offrant la possibilité d’amarrer les bateaux en plein centre-ville et en nous garantissant un accueil chaleureux”, répond le DG du Rorc. Avec Port Chantereyne (1 600 places), mais surtout l’avant-port et le bassin du Commerce, qui peuvent accueillir des bateaux à fort tirant d’eau comme les Imoca, Cherbourg dispose en effet d’installations portuaires au cœur de la ville qui ont sans doute tranché avec celles de Plymouth.

Ce qui fait dire à Sam Davies – membre du Rorc -, au moment de commenter cette petite révolution : “Mes sentiments sont mélangés : j’ai énormément de souvenirs d’arrivées à Plymouth, donc c’est dur d’imaginer que ça ne sera plus comme ça. Mais d’un autre côté, nous avions reçu l’année dernière un accueil incroyable sur la Drheam Cup, avec les Imoca en plein centre de la ville, je pense que ça va faire un bien fou à la course et aux coureurs, ça va la rendre plus connue.”

Tous ne partagent pas cet avis, notamment en Angleterre, où de nombreuses voix se sont élevées contre la décision du Rorc (voir certaines réactions dans EuroSail News), accusé à la fois de ne pas avoir consulté ses membres, mais également de dénaturer la course. Une hostilité partagée de ce côté-ci du Channel par Géry Trenteseaux, membre du Rorc et vainqueur toutes classes du Fastnet en 2015 (et en IRC 2 cette année) : “Je suis quelqu’un de plutôt conservateur et traditionnel, je ne vois pas l’intérêt de ce changement qui va compliquer les choses tactiquement, avec les zones de séparation du trafic à négocier. C’est comme si on faisait Sydney-Hobart sans aller à Hobart. Je pense que les Anglais sont admiratifs de ce que font les Français en course au large, peut-être qu’ils ont envie de copier. Mais nous, les Français, on aime bien aller boire des bières à Cowes, passer au Squadron, faire le tour du Fastnet et finir à Plymouth pour ramener du thé et des gâteaux au gingembre.”

D’autres voient dans ce déménagement des raisons purement commerciales, à l’instar des représentants de la ville de Plymouth qui, dans un communiqué, ont fait part de leur “déception” après l’annonce faite mardi, estimant avoir fait ces derniers mois les efforts nécessaires pour accéder aux exigences des organisateurs. Jane Slavin, qui fait partie de l’équipe de communication de la ville, confie ainsi à Tip & Shaft : “Quand nous avons pris conscience de la volonté du Rorc d’installer l’arrivée en France, le chef du conseil municipal s’est rendu en personne à Londres pour rencontrer le commodore et le directeur général afin de montrer la valeur que nous accordions à la course. Nous avons aussi répondu à toutes leurs demandes pour 2019 et lancé des études de faisabilité pour agrandir le Mount Batten Centre (la base nautique), incluant 100 emplacements supplémentaires pour la Fastnet Race. Finalement, le choix était entre l’héritage de la course d’un côté, son succès commercial de l’autre.”

Pour Mike Golding, également interrogé par Tip & Shaft, Plymouth a pâti dans l’affaire, “d’un manque de volonté mais aussi des politiques d’austérité. Malgré la perte de la Golden Globe Race et de The Transat, ils n’investiront pas. Si l’on considère les mesures d’austérité, Plymouth a certainement souffert le plus. Pour faire court, c’est loin de Londres et on l’oublie“.

A l’inverse, côté cherbourgeois, en plus d’offrir des capacités d’accueil supérieures à Plymouth, on va mettre la main à la poche. Combien ? “Je ne vais pas vous dévoiler le montant maintenant, parce que je souhaite en laisser la primeur au conseil d’agglomération, tous les détails de l’opération seront dévoilés le 12 décembre, répond Jean-Louis Valentin. C’est un montant significatif, mais à la hauteur des retombées que nous escomptons. Et il sera partagé à peu près à parts égales entre la région, la ville, le département et l’agglomération.” Plusieurs centaines de milliers d’euros ? “Oui”, répond le président  de l’agglomération qui conclut : “Il y a le Vendée Globe aux Sables d’Olonne, la Route du Rhum à Saint-Malo, la Transat Jacques Vabre au Havre, nous sommes heureux de pouvoir nous inscrire dans ce panorama avec le Fastnet.”

Photo : Kurt Arrigo/Rolex

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