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Ultim : les dessous d’un calendrier ambitieux

La classe Ultim 32/23 a dévoilé mardi dernier, à la Maison des Océans à Paris, son calendrier pour les cinq années à venir. Au menu, deux tours du monde, dont la course Brest Oceans en point d’orgue fin 2023, plusieurs transats, un tour de l’Europe et, dès cet automne, une course en double de 14 000 milles à travers l’Atlantique Nord et Sud. Tip & Shaft vous décrypte ces annonces.

Après les accidents de la Route du Rhum qui ont entraîné le report de Lorient-Les Bermudes et de Brest Oceans, le tour du monde en solitaire initialement prévu fin 2019 (voir notre article), puis le refus de la Transat Jacques Vabre d’accueillir les maxi trimarans (voir également), la classe Ultim 32/23 se devait de réagir. Fragilisée au cœur de l’hiver 2018, la revoici au printemps 2019 avec un calendrier de cinq ans rénové et ambitieux.

Ça a été long !” reconnaissait volontiers Patricia Brochard, présidente de la classe, en préambule, mardi. Le programme annoncé initialement pour fin janvier a finalement mis deux mois de plus à être mis sur pieds. Le temps d’enregistrer le réengagement de Banque Populaire, d’analyser de façon concertée les accidents de la Route du Rhum, de consulter villes et partenaires tout en trouvant les bons créneaux de dates… Mais c’est visiblement la réaction de Brest qui a été déterminante : “Ils auraient pu nous imposer le tour du monde en solitaire en 2021, explique Thomas Coville, dont le Sodebo Ultim 3 vient de tirer ses premiers bords. Mais ils ont été exemplaires. La possibilité de décaler la course à 2023 a débloqué la situation entre nous tous.”

2019 : Brest Atlantiques… pendant la Transat Jacques Vabre
Reste que pour 2019, il fallait trouver un substitut à la Transat Jacques Vabre. C’est ainsi qu’est né Brest Atlantiques, renvoi d’ascenseur logique à la métropole finistérienne. Ce triangle Atlantique sans escale, révélé par Tip & Shaft en février, se courra en double de Brest à Brest avec deux îles à virer devant Rio de Janeiro et Cape Town. Un demi-tour du monde (près de 14 000 milles) en “terrain connu” dont se félicitent tous les acteurs. “Garder le jeu en Atlantique cette année était primordial car on peut y sécuriser les marins et le matériel en cas de problème”, explique Cyril Dardashti, patron du Gitana Team.

Pas assez de près pour mettre à l’épreuve les trimarans ? “A 45 nœuds dans l’alizé, on teste bien les bateaux aussi ! rétorque François GabartL’enjeu de Brest Atlantiques, c’est de faire de la distance, de mieux connaître nos bateaux, mais pas de les casser… ce qui ne veut pas dire que ça n’arrivera pas. Ça ne veut pas dire non plus qu’il ne faudra pas aller se frotter à du près dans du vent ensuite, mais l’objectif c’est d’avoir un bel événement avec de la bagarre jusqu’à la fin.”

Les quatre bateaux attendus – MacifMaxi Edmond de RotschildSodebo Ultim 3 et Actual Leader – embarqueront un mediaman et “les escales techniques seront autorisées”, confirme Jacques Caraës, le directeur de course. Le budget annoncé par Brest Ultim Sailing – la société organisatrice du tour du monde en solitaire initialement prévu en décembre – est de 1,3 million d’euros, dont un peu moins de la moitié financé par les collectivités publiques, les frais d’inscriptions étant établis à 65 000 euros HT.

Question timing, le créneau retenu – le 3 novembre – n’est pas anodin. Difficile de ne pas y voir un retour de bâton à l’adresse de la Transat Jacques Vabre qui a fermé la porte à une participation des maxi-trimarans fin janvier : lorsque les Ultims s’élanceront, une semaine après le départ de la Route du Café, le vainqueur de cette dernière ne sera pas encore connu. “On ne pouvait pas faire l’impasse sur 2019, il fallait proposer aux armateurs autre chose et il n’ y avait pas 50 000 dates, se défend Emmanuel Bachellerie, délégué général de la classe. “Je suis étonné de ce choixnote quant à lui Gildas Gautier, délégué général de la Transat Jacques Vabre. Brest Oceans, que cette nouvelle course remplace, devait s’élancer en décembre. Cette décision ne va pas dans le sens de l’harmonie du calendrier des grandes épreuves de course au large”.

2020 : The Transat… ou pas ?
La mythique transat anglaise est inscrite noir sur blanc au programme des Ultims l’an prochain, ce qui n’a pas manqué d’agacer son organisateur OC Sport Pen Duick. Contacté jeudi, Hervé Favre, CEO de la filiale du Groupe Télégramme, a affirmé à Tip & Shaft : “Aucun accord n’est aujourd’hui signé. Des discussions sont en cours, mais l’avis de course de The Transat ne sera publié que fin mai et rien n’est acté. L’annonce de la classe Ultim ressemble encore une fois à un passage en force. La question se pose d’ailleurs dans les mêmes termes pour la prochaine Route du Rhum.”  Des propos à mettre en regard avec les relations compliquéesqu’ont pu entretenir la classe Ultim 32/23 et OC Sport, en particulier lorsque les deux entités discutaient de l’organisation, à l’hiver 2017, de l’organisation du tour du monde au départ de Brest (voir notre article). Reste que 2022 est encore loin et qu’il peut se passer bien des choses d’ici là.

Pas de tour du monde avant 2021 … et un plateau de 6 bateaux.
“L’équipage avant le solo ; l’Atlantique d’abord, le tour du monde ensuite”, tel pourrait finalement se résumer le programme des Ultims, même si le planning laisse des périodes libres des tentatives de record en équipage ou en solitaire. Jusqu’au deuxième semestre 2021, ils seront donc cantonnés à l’océan Atlantique avec une incursion en Méditerranée à l’occasion du Tour de l’Europe baptisé The Arch, organisé par Damien Grimont (déjà l’origine de The Bridge). Pour “équilibrer les bassins”, le départ du tour du monde en équipage officiellement annoncé pour fin 2021 devrait être également donné de Méditerranée. Si la ville de départ et l’organisateur de l’événement ne sont à ce jour formellement pas connus, la candidature du tandem formé par ASO et la ville de Nice – organisateurs de Nice UltiMed en 2018 – est un secret de polichinelle.

Le choix de ce timing permettra en tous cas d’accueillir le nouveau Banque Populaire d’Armel Le Cléac’h ainsi que le nouveau trimaran de François Gabart dont les constructions ont déjà commencé. Ce sont donc six bateaux au moins qui pourraient s’élancer en équipage puisque Macif sera officiellement mis en vente cet été et disponible en 2020.

2023 : une Brest Oceans cruciale pour l’avenir de la classe
La première Brest Oceans, initialement prévue en 2019 avec un rythme quadriennal, a finalement été décalée à 2023. Le succès de ce premier tour du monde en solitaire décidera sans doute de l’avenir de la classe. Ce que confirme Jean Bernard Le Boucher, directeur des activités mer du groupe Macif : “Lorsque nous nous sommes engagés en Ultim en août 2013nous rêvions déjà de ce tour du monde en course en solitaire. En 2017, ce n’était pas réalisable pour diverses raisons, alors François est parti en mode record avec le succès que l’on sait. Aujourd’hui, le report de la course est raisonnable, mais il faut s’accrocher absolument à 2023 car il ne faut pas que Brest Oceans devienne le rêve inaccessible.”  Reste aussi à conclure, au printemps de cette même année, l’organisation d’une transat au départ d’un port breton, créneau initialement occupé par Lorient-Les Bermudes-Lorient en 2019.


Gitana Team : ralliement et indépendance. Présent à la Maison des Océans mardi, le directeur du Gitana TeamCyril Dardashti, n’est pas intervenu lors de la conférence de presse. Mais la slide de présentation centrée sur le Maxi Edmond de Rothschild avait une certaine portée symbolique : l’équipe du baron de Rothschild a bel et bien rallié la classe Ultim 32/23 en janvier dernier, “au moment où les Ultims étaient les moins bankable”, salue Yves Le Blévec. Cyril Dardashti confirme : “Suite à la Route du Rhum et surtout après le refus de la Transat Jacques Vabre, nous avons voulu envoyer un signe fort.
Les différences de vue, notamment sur la jauge ne sont pas pour autant enterrées. Au cœur du sujet, l’asservissement des foils divise depuis longtemps. “Le sujet est en discussion depuis 2013, rappelle François Gabart : l’idée, c’est de trouver un subtil équilibre entre innovation et équité sportive par la maîtrise des coûts, car la difficulté des Ultims dans les 10 ans qui viennent, c’est d’attirer de nouveaux armateurs.”
Nous avons une philosophie différente, répond Cyril Dardashti. Nous ne sommes sans doute pas le plus gros budget comme on peut l’entendre souvent. On s’y est pris plus tôt que les autres et le fait est qu’on a beaucoup avancé sur le mode volant. C’est pourquoi, en parallèle des courses de la classe, nous continuerons à développer notre propre programme avec une version du bateau technologiquement plus avancée.” Un programme qui devrait être officiellement annoncé d’ici le mois de mai, en même temps que le nom du successeur de Sébastien Josse.

Photo : Yvan Zedda #RDR2018

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