Jean Le Cam

Comment Jean Le Cam a monté son projet de Vendée Globe 2024

Jean Le Cam a dévoilé lundi à Port-la-Forêt son projet de Vendée Globe 2024, sur lequel, avec un bateau neuf, il sera accompagné par le département du FinistèreArmor-Lux et un club de partenaires, moyennant 4 millions d’euros sur 4 ans. Tip & Shaft vous raconte comment ce projet s’est monté.

Jeudi 28 janvier 2021. Accueilli en héros aux Sables d’Olonne à l’arrivée de son cinquième Vendée Globe, dont il prend la quatrième place finale, Jean Le Cam livre dans la foulée son analyse de la course, estimant notamment que “au final, les bateaux à foils, c’est beaucoup d’argent et d’énergie pour pas grand-chose.” Ces propos sont à l’origine du nouveau projet sur quatre ans dévoilé lundi par le Finistérien, qui a annoncé repartir sur une sixième campagne avec un bateau neuf à dérives et en forme de scow. Ce que je fais aujourd’hui, c’est ce que j’ai dit à l’arrivée du Vendée, résume à Tip & Shaft le « Roi Jean. »

Ce projet a réellement commencé quelques semaines seulement après l’arrivée de ce Vendée Globe 2020, notamment sous l’impulsion d’Eric Bellion, 9e et premier bizuth de l’édition précédente, décidé à revenir en 2024 avec davantage d’ambitions sportives. “Quand je vais voir Jean, c’est avec l’idée de faire une écurie avec plusieurs Imoca pour mutualiser les moyensraconte ce dernier. Au début, je pense racheter des bateaux d’occasion, mais je vois bien que le marché commence à se fermer, si bien qu’on commence à discuter avec Jean d’un Imoca simple, à moindre coût, mais capable de rivaliser avec les meilleurs.”

Dès le printemps 2021, les deux hommes s’accordent sur le projet, avec l’ambition au départ de construire trois ou quatre bateaux, ils se mettent alors en quête d’un architecte et jettent leur dévolu sur un néophyte en Imoca, David Raison, l’homme qui a été le premier à introduire les formes en scow en Mini. “On a vu Sam Manuard qui était très occupé avec Charal, Guillaume Verdier n’était pas intéressé, on a aussi consulté VPLP, finalement, on a choisi David Raison, d’abord parce que c’est un architecte qui a eu l’audace de faire le premier Mini en scow, ensuite parce qu’il est très pointilleux”, explique Jean Le Cam.

 

Eric Bellion décisif

 

“Je suis évidemment très content d’avoir été choisi, d’autant que j’avais proposé ce concept à un autre team avant la fin du Vendée Globe, raconte quant à lui l’architecte. Quand on s’est rencontrés avec Jean et Eric, ça a bien accroché, on pensait exactement la même chose. A savoir qu’à budget donné, il ne fallait pas s’embêter avec des foils et que c’était préférable d’avoir un bateau à dérives moderne et facile à mener.”

L’architecte choisi, Jean Le Cam et Eric Bellion se lancent en juillet 2021 dans une tournée des chantiers. “A l’époque, il n’y avait vraiment plus une miette de disponibilité en France, poursuit Jean Le Cam. On a donc été voir des chantiers en Allemagne, en Espagne et en Italie, notre choix s’est finalement porté sur Persico, parce qu’ils avaient l’expérience des 60 pieds [entre autres LinkedOut et le nouveau Biotherm, NDLR] et disposaient d’un outil de travail exceptionnel.”

Au moment d’entériner ces choix, Jean Le Cam ne dispose cependant pas du budget pour lancer les études architecturales et encore moins la construction, c’est là que la contribution d’Eric Bellion s’avère décisive, puisqu’il parvient à trouver un partenaireAltavia, pour l’accompagner. “C’est sûr que sans Raphaël Palti [PDG d’Altavia, NDLR], il n’y aurait rien. J’ai mis 100% de mes économies personnelles, ce qui l’a convaincu de me suivre, cet engagement nous a permis d’être dans les temps”, confirme Eric Bellion. “Ils ont fait le pari de payer l’architecte, les études, les calculateurs, l’outillage, c’est grâce à ça que c’est possible d’avoir deux bateaux, ajoute Anne Le Cam, qui manage le projet de son mari.

 

Le département du Finistère
fait pencher la balance

 

Elle se met alors en quête de partenaires pour financer la construction du deuxième bateau et le budget de fonctionnement. “Ça a été très dur, poursuit-elle. On est partis sur l’idée d’un projet territorial, mais on a joué de malchance, entre la guerre en Ukraine, la crise énergétique… Finalement, on a réussi à monter un projet avec plusieurs entreprises, mais tout s’est cassé la gueule le 10 juillet [2022], certaines ont renoncé, on était un peu abattus. Il nous restait tout de même deux soutiens, Maël de Calan, président du département du Finistère, et Jean-Guy Le Floch, patron d’Armor-Lux, qu’on a alors recontactés.”

L’intervention du premier va faire pencher la balance du bon côté. “Il est apparu au milieu de l’été que le contexte rendait les choses compliquées pour les entreprises qui étaient intéressées, raconte Maël de Calan. On a alors regardé si on ne pouvait pas redéployer des crédits existants consacrés à notre politique d’attractivité sous la marque Tout commence en Finistère et on a trouvé la solution. Par exemple, on a décidé d’arrêter les achats d’espaces publicitaires, on pense que la notoriété associée au projet Vendée Globe va nous rapporter cent fois plus.”

Ce redéploiement opéré par le conseil départemental, qui voit également dans cette campagne l’occasion “de parler positivement d’une prérogative importante du département, à savoir l’aide sociale à l’enfance”, cause associée au projet, permet de lui donner un gros coup d’accélérateur. Tout s’est débloqué en quelques jours, confirme Anne Le Cam. Le département, Jean-Guy et le Crédit Agricole du Finistère se sont vus sans nous et ils se sont entendus sur le montage.” Un montage tripartite et sur quatre ans (jusqu’à fin 2025) avec la moitié du budget annuel assuré par le département, l’autre, à parts égales, par Armor-lux et un club d’entreprises, tandis que la caisse du Finistère du Crédit Agricole devient armatrice du bateau pour un montant de 5 millions d’euros hors taxe.

 

Deux bateaux
strictement identiques

 

“C’est exceptionnel, ça ne nous arrive jamais, commente le secrétaire général du Crédit Agricole du Finistère, Arnaud Gourret. En général, on finance des bateaux, mais on ne les porte pas. Ce qui a joué dans notre décision, c’est que le Finistère et Armor-Lux sont des partenaires majeurs pour nous. En tant que première banque du département, on ne pouvait pas laisser la place à un autre pour accompagner ce projet. On prend clairement un risque, mais on y croit et on sait que ce projet va entraîner des retombées économiques pour le territoire et ses entreprises, notamment parce que le bateau va être équipé et armé à Port-la-Forêt [l’équipe de Jean Le Cam s’occupera de tout ce qui est électronique, peinture, motorisation, mâtage, quillage, NDLR].”

Les planètes ont donc fini par s’aligner mi-septembre, ce qui va permettre à Jean Le Cam de lancer la construction de son futur Tout commence en Finistère-Armor-Lux en novembre pour une mise à l’eau à la fin de l’été 2023, l’objectif étant de courir dans la foulée la Transat Jacques Vabre. La course aux milles, qui départagera les candidats au Vendée Globe s’ils sont plus de 40, est-elle un sujet d’inquiétude ? “A chaque édition, on crie au loup et finalement, tout rentre dans l’ordre, donc on ne va pas se prendre la tête avec ça”, répond Anne Le Cam.

Au moment de prendre possession de son Imoca, son mari ne sera pas dans l’inconnu, puisqu’il aura navigué quelques mois sur celui d’Eric Bellion, strictement identique, attendu en mai 2023. Ce qui fait dire au skipper de Comme un seul homme : Le fait de tout faire à deux nous permet presque de multiplier par deux notre temps de préparation, on va naviguer sans cesse, développer et optimiser nos deux bateaux en parallèle, c’est un gros plus.” La structure de Jean Le Cam continue parallèlement d’héberger le projet de Benjamin Ferré (voir notre article). Et potentiellement, si elle trouve son budget, de Violette Dorange, à qui Hubert, le plan Farr avec lequel le Finistérien a disputé le dernier Vendée Globe, serait alors loué. Quant à Eric Bellion, il n’a pas renoncé à son ambition initiale d’un troisième Imoca en vue du tour du monde 2024, projet dans lequel Martin Le Pape nous a confirmé toujours s’inscrire (voir notre article).

Photo : Chris Askoll

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