Ronan Lucas avec Clarisse Crémer et Armel Le Cléac'h, skippers Banque Populaire

Ronan Lucas : “Armel a envie de prouver qu’il est toujours un grand marin”

Directeur du team Banque Populaire, Ronan Lucas évoque la prise de pouvoir d’Armel Le Cléac’h sur la Solitaire du Figaro, le Vendée Globe à venir avec Clarisse Crémer et la fin de construction de l’Ultim Banque Populaire XI.

Que t’inspire la victoire d’Armel sur la deuxième étape de la Solitaire du Figaro ?
On sait qu’Armel a toujours une manière de naviguer assez tranchée, c’est une de ses qualités, il croit en ses options et il y va à fond. Là, sa stratégie d’entrée de Manche, c’était le bon coup, mais ce n’était pas le seul : par la suite, il a été à chaque fois leader dans les prises de position et les choix de route en étant tout le temps le premier à déclencher, à chaque fois ça lui a permis de creuser. J’ai trouvé ça très impressionnant. Ce qui est sûr, c’est qu’il avait très envie de Figaro, il attendait la Solitaire avec impatience. On a tous encore à l’esprit ce qui nous est arrivé sur la dernière Route du Rhum, je pense qu’il a envie de prouver qu’il est toujours un grand marin. Nous, on n’a aucun doute là-dessus, il le réaffirme, c’est joli à voir. Maintenant, il ne va pas se reposer sur ses lauriers et on voit bien que sur cette Solitaire, il y a un super niveau.

Passons maintenant au Vendée Globe : quel regard as-tu porté sur la performance de Clarisse Crémer sur la Vendée-Arctique (12e) ?
La course lui a fait beaucoup de bien, elle avait besoin de cette confrontation en solitaire pour voir qu’elle était tout à fait capable d’être au rendez-vous de la bataille pour la performance. Elle a impressionné pas mal de monde, mais nous pas tant que ça, parce qu’on sait qu’elle en veut beaucoup. A coté de ça, c’est une grosse travailleuse, qui pose beaucoup de questions, se projette énormément, elle n’est pas là à attendre qu’on lui mette les mains dans le cambouis, elle y va d’elle-même. Et on l’avait vu en Mini, son truc, c’est d’aller à la bagarre. Ça peut lui jouer des tours, elle nous a fait un beau départ à l’abattée sur la dernière ligne droite qui lui a coûté quelques places, c’est son tempérament d’en vouloir plus, de rouler les voiles plus tard que les autres.

Quels objectifs vous fixez-vous sur le Vendée ?
Sincèrement, arriver. Je pense que l’histoire sera belle pour tout le monde si on va au bout. Après, je pense que dans un coin de sa tête, Clarisse a envie de finir premier bateau à dérives, mais il ne faut pas qu’elle se dise qu’elle doit tout donner pour cet objectif, car il peut y avoir un risque de ne pas finir.

Vous partiez en 2016 sur un projet dont le seul objectif était de gagner, y a-t-il moins de pression ?
C’est sûr que c’est moins de pression que la gagne qui impose de forcément prendre un peu plus de risques pour faire la différence. Aujourd’hui, je suis d’ailleurs très content de ne pas avoir un projet leader sur ce Vendée, dans le sens où, sur la précédente édition, si on avait tous été raisonnables, notamment sur les formes de carènes et les foils, cette fois-ci, tout était possible. Et c’est hyper compliqué de faire les bons choix pour réaliser le meilleur compromis pour gagner.

Que va devenir le projet avec Clarisse après le Vendée Globe ?
On aime bien tous travailler ensemble, mais pour l’instant, on n’a pas envisagé la suite, on le fera après le Vendée Globe. Il faudra voir ce dont Clarisse aura envie et ce que Banque Populaire voudra faire.

Passons au maxi : où en est le futur Banque Populaire XI ?
Nous avons quasiment toutes les grandes pièces : nos deux flotteurs, le bras arrière et la barre d’écoutes assemblés sur la coque centrale, il ne reste qu’à finir le bras avant. Les foils et les autres appendices ont commencé à être construits, le mât vient de débuter. Le bateau sera assez différent et considérablement plus performant que Banque Populaire IX, parce qu’on a joué sur tous les autres paramètres : un nouveau design de coque centrale, des foils et bras qui ne sont pas placés aux mêmes endroits, un centre de gravité déplacé vers l’avant, des appendices plus grands, un gros travail en aéro… L’équilibre du bateau a été changé pour l’orienter davantage dans le sens du vol. On espère tirer nos premiers bords fin avril-début mai 2021 si on n’a pas de contrariétés d’ici là.

Thierry Bouvard nous disait en juillet que l’objectif 2021 était la Jacques Vabre, peux-tu confirmer ? Le tour du monde en équipage n’est plus d’actualité ?
On souhaite effectivement faire la Transat Jacques Vabre et naviguer le plus possible en amont. Pour le tour du monde, il ne faut pas oublier qu’on a perdu un bateau en 2018, ça reste un traumatisme pour toute l’équipe, donc on ne veut pas mettre la charrue avant les bœufs et on n’est pas les plus enthousiastes à l’idée de partir si vite autour du monde. Il faut qu’on ait le temps de mettre Banque Populaire XI au point avant d’envisager un tour du monde.

Que t’inspirent le retrait de Macif et la difficulté pour la classe d’attirer de nouveaux entrants ? Quel est le problème selon toi ?
C’est dur pour François, c’est une super équipe, extrêmement compétente, on espère qu’ils vont trouver très vite un sponsor, ils le méritent. Après, est-ce qu’il y a un problème ? Je ne suis pas sûr. Je pense qu’il y a un peu d’appréhension, notre casse a peut-être freiné quelques ardeurs, mais il n’y a jamais eu autant de bateaux en état de naviguer, je suis persuadé qu’il y aura forcément des gens qui se laisseront tenter par l’aventure. Il y a de grands marins capables d’aller sur ces bateaux, notamment parmi les têtes de série du Vendée Globe, je leur souhaite de pouvoir convaincre leurs partenaires que c’est le bon choix.

Quel est le gap budgétaire par rapport à un projet gagnant sur le Vendée, du simple au double ?
Non, nettement moins. Un Ultime, ça s’amortit sur au moins une dizaine d’années, on voit aujourd’hui que tous les maxis mis à l’eau ont encore de belles carrières : l’ancien Banque Populaire V (Spindrift aujourd’hui), Groupama 3 (Idec Sport), Macif… Pour gagner le Vendée, il faut souvent disposer d’une machine très récente qui coûte de plus en plus cher, donc si on se projette à horizon 8-12 ans, un Ultime devient très proche en termes d’investissement.

Photo : Greg Gonzalez/BPCE

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