Les villes investissent dans la course au large à l'image de Brest pour Brest Atlantiques

Comment les villes investissent dans la course au large

L’expérience du Fastnet, qui change de port d’arrivée, (voir notre enquête ici) et de la Transat anglaise, qui traverse également le Channel pour son départ, montre que, dans la course au large, rien n’est jamais acquis en matière de villes de départ et d’arrivée. En quête de notoriété et de retombées économiques, les collectivités déploient des stratégies variables, parfois très offensives à l’image des Sables d’Olonne, qui vient d’ajouter la Mini-Transat à une longue liste d’événements vendéens. Etat des lieux à l’aube de la riche saison à venir.

La définition d’un parcours est toujours le résultat d’un marché où échangent organisateurs, partenaires privés, élus et décideurs publics. Directeur du développement et des partenariats chez OC sport, Joseph Bizard confirme : « Nous faisons de la prospection active et nous sommes également approchés spontanément par des villes qui souhaitent s’investir dans la course au large ou y revenir après un temps de pause ».

Les tractations peuvent être longues et complexes, ou au contraire très directes. Ce fut visiblement le cas pour The Transat CIC, où Brest a été préféré à Plymouth comme ville hôte. « The Transat a été une opportunité. Les responsables du Groupe Télégramme – Edouard Coudurier [le président, NDLR] pour ne citer que lui – et OC Sport sont venus nous proposer le départ. J’ai tout de suite donné mon accord », explique le maire François Cuillandre.

Port naturel des arrivées de Trophée Jules Verne, revoici donc Brest dans le circuit des grandes courses au large. Depuis le début des années 2000, le port finistérien était un acteur en pointillé, n’accueillant que les arrivées de l’Istanbul Europa Race en 2009 (en Imoca) et de la Krys Ocean Race en 2012 (en MOD 70), le départ de la Transat Brest-Martinique en 2013 (en Figaro). La ville s’est depuis tournée vers les Ultims, bien connus des Brestois, pour accueillir fin 2019 leur premier tour du monde en solitaire. Finalement reporté à 2023, il a été remplacé par Brest Atlantiques, première grande course accueillie dans le port finistérien depuis longtemps, qui s’est déroulé au départ et à l’arrivée de la ville du Ponant en novembre dernier.

L’annonce de The Transat CIC, entre Brest et Charleston, a enfoncé le clou l’automne dernier. Le partenariat avec OC Sport a été signé pour une édition, renouvelable. Pour quel montant ?  « Le niveau d’investissement n’est pas déterminé définitivement et pas encore voté en conseil, explique François Cuillandre. Mais il sera en gros du même tonneau que celui de Brest Atlantiques. » Pour réunir les quatre Ultims au départ, Brest Métropole, associée au département du Finistère et à la région Bretagne, avait alloué 550 000 euros HT à l’événement, dont 390 000 euros pour la seule métropole.

Opportunités et appels d’offre
Le parcours d’autres grandes courses fait l’objet d’appels d’offres. C’est le cas par exemple de la Solitaire du Figaro ou de la Mini-Transat. A la participation financière exigée, s’ajoutent toujours des prestations techniques pour un ratio moyen de 40/60. Dans ce cahier des charges, figurent l’organisation du village, la communication sur site, l’électricité, l’accueil du public, la sécurité,… « Notre travail, explique Joseph Bizard, c’est de pousser au maximum le niveau d’engagement de la collectivité. Le risque pour nous, c’est qu’une ville ait la capacité financière de s’offrir une belle course, mais ne la valorise pas à sa hauteur ».

En tête du cahier des charges, la mise à disposition des capacités portuaires est évidemment un élément-clef. C’est un des aspects qui a coûté l’arrivée du Fastnet à Plymouth, l’offre cherbourgeoise avec le port Chantereyne et le bassin en ville ayant beaucoup séduit le Rorc. Une physionomie portuaire proche de celle de La Rochelle – avec le port des Minimes et le bassin des chalutiers en cœur de ville -… insuffisante pour retenir la Mini-Transat qui vient de signer pour trois ans avec les Sables d’Olonne.

Comment les Sablais s’y sont-ils pris ? Pour Lionel Pariset, adjoint au maire chargé des sports de la sous-préfecture vendéenne, « le club des Sables d’Olonne Vendée Course au Large, qui a noué depuis longtemps des liens solides avec la Classe Mini, a été très actif. Mais l’échange avec un organisateur n’est pas que financier ou technique. Il faut de la part des élus incarner une volonté et de ce point de vue, Yannick Moreau [le maire des Sables d’Olonne, NDLR] ne s’est pas ménagé. » Pour leur transat initiatique, les ministes embouqueront donc le légendaire chenal jusqu’en 2025 au moins – « un effet chenal qui a peut-être joué » toujours selon Lionel Pariset,

En l’espace d’un an, le port du Vendée Globe a passé la surmultipliée, citée comme « la nouvelle place forte de la course au large » par notre confrère Voiles et Voiliers. En plus de soutenir des coureurs et d’organiser plusieurs classiques des circuits Mini (Les Sables-Les Açores-Les Sables), Class40 (Les Sables-Horta) et Figaro (Solo Maître Coq), le port des Sables d’Olonne, associé au département de la Vendée, a devant lui un calendrier spécialement dense : New-York-Vendée cette année, le Vendée Globe à suivre, puis la deuxième édition de la Golden Globe Race en 2022 et entre les deux la Mini-Transat !

« Notre idée était en effet d’organiser au moins un grand événement chaque année. Il faut s’inscrire dans la durée car l’investissement est important », commente Lionel Pariset. Comptez 1,8 million d’euros investis pour le Vendée Globe, plus de 100 000 pour une édition de la Mini-Transat, 60 000 pour New-York Vendée, chiffre quasi équivalent pour Les Sables-Horta (55 000 euros), quand une Solo Maitre coq coûte 25 000 euros à la ville. Et les Sables en redemandent puisqu’ils pourraient redevenir dès 2021 ville-étape du Tour voile, abandonné cette année.

De son côté, Brest préfère avancer plus doucement : « A trop manger, on digère mal ! commente François Cuillandre. Le coût de ces événements est important et nous devons continuer à soutenir d’autres manifestations, comme les fêtes maritimes, et apporter notre concours à la voile olympique. » Des investissements qui pèsent lourd et obligent souvent les autres collectivités à s’impliquer, comme le confirme Sébastien Tasserie, adjoint du maire du Havre délégué aux sports : « Un événement comme la Transat Jaques Vabre Normandie Le Havre est une pépite, mais elle a besoin d’attirer de nouveaux investisseurs privés pour un bon équilibre financier. C’est pourquoi l’implication de la région Normandie, en prise directe avec le tissu économique, était pour nous essentielle cette année et a justifié que l’on change le naming de la course. »

L’analyse des retombées
Si l’investissement des collectivités dans la course au large soulève parfois des oppositions locales, la meilleure arme reste de s’appuyer sur ses retombées. Qu’il s’agisse de notoriété, des retombées économiques directes (hôtellerie, restaurants, locations…) ou de la présence dans les médias, elles semblent acquises pour les grands événements populaires. La Transat Jacques Vabre annonce ainsi 7,5 millions d’euros de retombées pour l’édition 2017. Le maire de Saint-Malo revendique 30 millions d’euros de recettes pour sa ville lors de l’édition 2014 de la Route du Rhum. En 3 semaines de village, le patron du Vendée Globe et président du conseil départemental, Yves Auvinet, annonçait, lui, 38 millions d’euros lors de la dernière édition.

Pour les événements de moindre envergure, la question reste sensible et mérite démonstration. « On ne peut pas se contenter d’arriver avec un dossier figé sous le bras, témoigne Joseph Bizard chez OC Sport. Il faut s’adapter aux interlocuteurs. De plus en plus, les villes ont besoin d’être rassurées sur les retombées. On se retrouve aujourd’hui à faire avec elles le travail que l’on fait avec les partenaires privés. L’analyse des retombées sous toutes ses formes est devenue essentielle ».

Au-delà de la mesure des retombées, pour Lionel Pariset, la vraie difficulté, « c’est de faire partager au grand public la dimension strictement sportive d’un événement de course au large ». Un enjeu, y compris pour le Vendée Globe, puisque la SAEM Vendée a décidé d’installer son PC course aux Sables d’Olonne pour cette édition alors qu’il était traditionnellement localisé à Paris. Les temps forts des arrivées feront sans doute salle comble, mais qu’en sera-t-il pendant les trois mois de course ? Même à bord d’Imoca survitaminés, le tour du monde reste une longue route…

Photo : Yvan Zedda/Brest Atlantiques

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