Le pôle Finistèrecourse au large de Port-la-Forêt

Comment le pôle Finistère course au large ouvre une nouvelle page

Le départ à la retraite de Christian Le Pape l’été dernier a marqué un tournant dans l’histoire du pôle Finistère course au large de Port-la-Forêt, qu’il avait fondé au début des années 1990. Pour Jeanne Grégoire, la nouvelle directrice, et Erwan Tabarly, entraîneur, il s’agit aujourd’hui de répondre à de nombreux défis, dans un contexte de concurrence accrue.

 

Associé depuis toujours à une structure qu’il a dirigée pendant trente ans, Christian Le Pape a quitté ses fonctions le 1er juin dernier avant de prendre officiellement sa retraite le 1er octobre. Un départ intervenu trois ans après celui d’une autre figure historique, Loïc Ponceau, entraîneur au pôle depuis sa création, alors remplacé par Jeanne Grégoire. Le binôme historique à la retraite, un nouveau duo lui a succédé, avec cette dernière en tant que directrice, épaulée sur le terrain par Erwan Tabarly, dans un rôle d’entraîner qu’il occupait déjà à titre de prestataire depuis l’été 2020.

Succéder à Christian Le Pape s’est avéré un vrai défi pour la nouvelle directrice“Il a fait grandir et a grandi avec le pôle. Il avait une connaissance de tous les dossiers et une capacité intellectuelle à être partout. Cela fait plus d’un an que nous travaillons à une transition progressive avec Christian, à la fois sur les aspects sportifs et administratifs”, explique Jeanne Grégoire. Qui, si elle continue à accompagner les entraînements sur l’eau comme le faisait Christian Le Pape, se concentre désormais prioritairement sur l’administratif et la formation, quand Erwan Tabarly est “davantage focalisé sur les aspects sportifs et l’accompagnement des skippers.”

Le reste de l’équipe est toujours composé de Catherine Hénaff, pour la partie administrative et comptable, et de prestataires extérieurs : Ronan Martin pour la préparation physique, Nicolas Lunven, déjà présent lors de la préparation de la Transat Jacques Vabre, officiera cette année sur le routage météo, tandis que Yann Eliès, qui prépare un brevet d’État afin de devenir entraîneur, seconde Erwan Tabarly lors des stages. Un appui précieux, tout comme celui de quelques skippers historiques, dont Vincent Riou, Jean-Luc Nélias et Armel Le Cléac’h, élus au bureau de l’association fin septembre, ou le même Nicolas Lunven qui fait partie du conseil d’administration. “L’essentiel, c’est de penser aux évolutions futures afin de rester un pôle de référence dans la course au large, explique à Tip & Shaft Armel Le Cléac’h, attaché à une structure qu’il a intégrée en 2000.

 

“Il n’y a plus de continuité
de la part de l’État”

 

L’association, dont le président-délégué est Michel Kerhoas, s’appuie sur un budget qui “avoisine les 1,2-1,3 million d’euros”, dixit Jeanne Grégoire. Il englobe les frais de fonctionnement, ainsi que les 900 000 euros consacrés à la filière excellence Bretagne-Crédit Mutuel de Bretagne, gérée par le pôle, soit “3 skippers [Tom Laperche, Gaston Morvan et Chloé Le Bars cette année, NDLR], 2 préparateurs et 3 bateaux”, dont il est propriétaire. Ce budget est assuré essentiellement par le conseil départemental du Finistère, la Communauté de communes du pays fouesnantais, la Fédération française de voile et, pour soutenir le programme Bretagne-CMB, la région Bretagne et le Crédit Mutuel de Bretagne.

En revanche, le salaire de Jeanne Grégoire n’est pas pris en charge par l’État, comme c’était le cas pour Christian Le Pape, qui était rattaché à la direction départementale de la Jeunesse et des sports, et donc à ce titre cadre de la fonction publique. “Le regret, c’est qu’il n’y ait plus de continuité d’État”, souligne ce dernier. La cause ? “L’absence de cadre fonctionnaire motivé par ce poste”, répond l’ancien directeur. Mais aussi la volonté de l’Agence nationale du sport de privilégier les disciplines olympiques à l’approche de 2024″, ajoute Jeanne Grégoire.

“En termes de compétences et de positionnement, la nouvelle équipe n’a rien à envier à la précédente”, précise cependant Christian Le Pape, le pôle s’appuyant désormais sur deux anciens skippers professionnels qui s’y sont formés. “Il faut une connaissance accrue de ce que les marins vivent, et endurent. C’est un poste qui nécessite une légitimité auprès des skippers, explique Jeanne Grégoire. Erwan Tabarly complète : “Les entraînements sont très spécifiques. En tant que navigants, on parle le même langage, on est plus aptes à entendre les attentes et les problèmes rencontrés par les coureurs. Même si les bateaux évoluent, les courses restent les mêmes, d’où cette nécessité d’avoir acquis de l’expérience. “

 

La concurrence accrue
de Lorient

 

Elle est notamment précieuse auprès des skippers en Figaro, classe qui a été à l’origine de la création du pôle, même si le nombre d’adhérents suit une courbe descendante, comme celui des inscrits à la Solitaire du Figaro – 34 sur la dernière édition, le plus faible total depuis plus de 20 ans (voir notre article). Au total, 10 figaristes font partie du pôle cette saison – ils ont été jusqu’à 17 certaines années –, “2 ou 3” pourraient les rejoindre s’ils parviennent à trouver le financement. Le plus âgé du groupe est Corentin Horeau (32 ans), le plus jeune Basile Bourgnon (19 ans), preuve de l’émergence “d’un nouveau cycle”, selon Erwan Tabarly : “Ceux de ma génération sont partis mais les jeunes qui arrivent ont davantage de bagage technique et d’expérience.”

Du côté des Imoca, les entraînements débuteront dans deux mois, avec la Route du Rhum en ligne de mire et 14 skippers participants“Nous ne sommes pas inquiets à propos de leur présence aux entraînements”, souligne Jeanne Grégoire quand on lui parle de la concurrence de Lorient, où se pressent aujourd’hui la plupart des équipes (voir notre article). Les équipes Paprec Arkéa (Yoann Richomme) et Fortinet-Best Western (Romain Attanasio) ont ainsi rejoint la base des sous-marins, mêmes s’ils continueront à participer aux entraînements du pôle. Port-La-Forêt héberge les projets de Benjamin Ferré et de Violette Dorange (gérés par Jean Le Cam), de Sébastien Marsset (voir notre interview ci-dessous), du Chinois Jingkun Xu, et “un nouveau bateau arrivera cet été”, précise Jeanne Grégoire.

Une concurrence qui fait dire à Armel Le Cléac’h, lui-même installé à Lorient depuis des années avec Banque Populaire : “Même si le pôle conserve de nombreux atouts pour les stages, un des enjeux sera de rester attractif afin que des équipes s’y installent et y travaillent. C’est un savoir-faire qu’il faut continuer à optimiser.” Trois stages devraient d’ailleurs être organisés cette année pour les Ultims à Port-la-Forêt.

 

Des investissements prévus,
l’ouverture aux Class40

 

Conscients de la nécessité de renforcer l’attractivité de Port-la-Forêt pour éviter la fuite des talents, les acteurs locaux affichent d’ailleurs leur intention de réagir. “Il faut être attentif, il y a un outil à préserver, nous sommes à la croisée des chemins”, expliquait cette semaine Alain Legrand, conseiller départemental du Finistère, dans Le Télégramme avant d’évoquer de gros investissements (autour de 4 millions d’euros) sur les prochaines années.” Dans le même article, Frédéric Boccou, directeur de la société gestionnaire de Port-La-Forêt, annonce quant à lui “la reconstruction des aires de carénage ” à la fin de l’année, “la transformation des parkings” et la construction de “bâtiments pour les écuries de course.”

Du côté du pôle, on s’organise également, puisque, pour la toute première fois, des entraînements en Class40 vont être proposés cette année“Des coureurs comme Martin Le Pape et Corentin Douguet sont passés en 40 pieds et nous souhaitions continuer à les accompagner, confirme Erwan Tabarly. Avec la perspective de la Route du Rhum et le développement de la classe, ça nous paraît pertinent.” Avec Yoann Richomme, ils devraient être trois bateaux à composer ce nouveau groupe d’entraînement, même si leur programme n’a pas encore été défini.

Jeanne Grégoire évoque également un possible rapprochement avec Tanguy Leglatin, figure historique de Lorient, où il entraîne depuis le milieu des années 2000 des skippers des classes Mini, Figaro, Class40 et Imoca. “Pour l’instant, c’est encore à l’état de réflexion, nous ne sommes pas allés plus loin que la discussion”, précise la directrice du Pôle.

 

Photo : Alexis Courcoux

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